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Paul Jorion la
croissance, elle sert à payer des intérêts
"Lorsque l'on parle de «croissance», il faut sc souvenir que nos
économies ne croissent pas juste pour le plaisir ou pour rendre tout le
monde plus riche. Non : nos économies doivent croître pour payer les
intérêts. Pourquoi ? Parce que les sommes qui permettent de
verser les intérêts ne sont pas déjà présentes au sein du système financier
: elles doivent être puisées dans une richesse nouvellement créée.
Et il en faut beaucoup. Dans les années 1990, Helmut Creutz, un Allemand,
avait calculé que, sur tout ce que nous achetons, il y a, compris dans le
prix que nous acquittons, de 30 à 40 % de versements d’intérêts (Creutz 2008
: 243-249). Et il faut, bien entendu, que ces sommes soient trouvées quelque
part. Il est vrai que, dans le crédit à la consommation, les
intérêts qui sont versés ne constituent pas une part de nouvelle richesse
créée : des salaires sont hypothéqués qui ne seront touchés qu'à l'avenir.
C’est pourquoi les docteurs de l'Eglise, au Moyen Age, appelaient « usure »
ce que nous appelons « crédit à la consommation » et bannissaient le
paiement d'intérêts sur des sommes empruntées pour la seule et unique raison
que l'emprunteur y était forcé. Or on trouve parfaitement normal aujourd'hui
de verser des intérêts sur des sommes que l'on emprunte parce qu'il n’existe
pas d'autre choix. Nous vivons dans la zone euro
sous le règne de ce qui s'appelle le Pacte de stabilité et de croissance. Ce
pacte a pour implication la chose suivante : si la croissance économique
d'une nation n'est pas supérieure au taux d'intérêt « moyen » (pondéré en
termes de duration - les sommes en jeu et le moment où elles devront être
versées) de la dette qu'elle émet, c'est-à-dire des sommes qu'elle a
empruntées, son déficit augmente. Il ne s'agit pas là d'une règle arbitraire
inventée par des bureaucrates fous : c'est ainsi que cela fonctionne. La
croissance, c’est ce qui permet de payer les intérêts. Si vous imaginiez que
la croissance est simplement une réalité économique susceptible de rendre
tout le monde plus riche qu'il ne l’était, et qu’il n'y a à cela aucune
nécessité du fait que nous sommes bien assez riches comme cela aujourd'hui,
détrompez-vous. La croissance est inscrite dans les gènes du système
capitaliste et il ne peut vivre sans elle".
Le
dernier qui s'en va éteint la lumière, Pluriel, p.
74-75 .
Indications de
lecture:
cf.
Philosophie de l'Economie.
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