Textes philosophiques
Axel Kahn
races et racisme
«Dans l'hypothèse généralement
admise de l’origine africaine et récente de l’homme moderne, nous avons vu
qu’il avait probablement colonisé peu à peu la planète à partir d’un petit
groupe ayant quitté (ou commencé de quitter) l’Afrique il y a moins d’une
centaine de milliers d’années. Ces hommes établis en différentes régions du
globe ont parfois été confrontés à des populations autochtones antérieures
(par exemple, les néandertaliens en Europe). Localement, ils se sont
également, au cours du temps, plus ou moins différenciés les uns des autres,
formant des groupes reconnaissables sur le plan physique, des ethnies..., on
devait dire, un jour, des races.
Race et racisme sont à l’évidence deux mots de
cnême origine. On appelle race l’ensemble
des individus d’une même espèce qui sont réunis par des caractères communs
héréditaires. Le racisme est la théorie de
la hiérarchie des races humaines, théorie qui établit en général la
nécessité de préserver la pureté d'une race supérieure de tout croisement et
conclut à son droit de dominer les autres.
Si l'on s'en tient à ces définitions, tout semble clair et facile. Puisque
le racisme est défini par les races, il suffit de démontrer que les races
n’existent pas pour ôter toute substance au racisme. Cependant, les choses
sont, hélas, loin d’être aussi simples. En effet, le racisme tel qu’on le
connaît aujourd’hui s’est structuré en idéologie à partir de la fin du
XVIIIe siècle, c’est-à- dire, pour paraphraser Georges Canguilhem[I],
en une croyance lorgnant du côté d'une science pour s’en arroger le
prestige. Le racisme a un fondement qui n’est pas issu des progrès de la
biologie. Tout débute par des préjugés, et. lorsque le racisme aura été
débarrassé de ses oripeaux scientifiques, on peut craindre que ceux-ci ne
persistent, autrement difficiles à combattre.
Les races
humaines n’existent pas, au sens que l’on donne au mot « race » lorsque l’on
parle de races animales. Un épagneul breton et un berger allemand
appartiennent, par exemple, à deux races différentes qui obéissent peu ou
prou aux trois caractéristiques définissant, par ailleurs, les variétés
végétales : distinction, homogénéité, stabilité. En l’absence de croisement
entre ces races, par définition interfécondes, les similitudes intraraciales
l’emportent de loin sur les ressemblances entre deux individus de races
différentes.
Rien de tout
cela ne s'applique aux populations humaines. Par exemple, c’est une
augmentation continue de la pigmentation cutanée que l'on observe du Nord au
Sud, de la Scandinavie à la France, de Lille à Nice, de Barcelone à Séville,
d’Alger à Tamanrasset, pour en arriver à la couleur la plus sombre des
Africains des régions équatoriales et subéquatoriales. Une même tendance à
l'assombrissement de la peau du Nord au Sud est notée en Asie, en Inde aussi
bien qu’en Chine et en Indochine. Certains ont proposé que la sélection des
peaux claires dans les régions les moins ensoleillées a permis d'améliorer
la synthèse cutanée de la vitamine D. facteur antirachitique essentiel,
normalement stimulée par la lumière. Cependant, le fondement des préjugés
racistes est de loin antérieur à l’émergence du concept de race et. par
conséquent, risque bien de lui survivre.
Un préjugé
raciste peut être défini comme la tendance à attribuer un ensemble de
caractéristiques péjoratives, transmises héréditairement, à un groupe
d'individus ou à une population. Des affirmations telles que « tous les
Juifs sont avares, tous les Irlandais sont violents, tous les Corses sont
paresseux » sont des exemples typiques d’affirmations racistes. En revanche,
toute indication d’une différence physique, physiologique entre populations
n’a bien entendu rien de raciste : dire que les Suédois sont plus grands que
les Pygmées, que les Africains noirs pourraient avoir des dons particuliers
pour la course à pied et que les Anglo- Saxons sont en moyenne plus
corpulents et plus grands .je les Vietnamiens sont des remarques dépourvues
de toute
connotation négative, reflétant la réelle diversité humaine".
Et l'homme dans tout ça? ,
pocket, p. 43 sq.
Indications de lecture :
[I]
G. Canguilhem, Idéologie et rationalité dans l'histoire des sciences de
la vie. librairie philosophique Jean-Vrin. Paris, 1988. Notez la clarté
des distinctions. Difficile de faire mieux. Il est absurde de nier
l'existence des races : un éleveur de chevaux ou de chiens n'a aucun
problème avec le concept de race, mais ce même concept ne peut pas
s'appliquer à l'homme ou, cela devient idéologique. C'est tout le
problème. Voir aussi C. Lévi-Strauss, Albert Jacquard.
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