Textes philosophiques
Axel Kahn
l'apologie du Progrès et la Modernité
"Francis Bacon
explicitera pour la première fois au monde le concept qui constituera dès
lors le socle du développement de la civilisation occidentale : "savoir est
pouvoir » Or, Dieu a donné à l'homme le droit imprescriptible de maîtriser
le monde naturel afin d’améliorer les services qu'il en attend. Le savoir,
c'est- à-dire les fruits de la recherche, en donne le pouvoir.
Peu d'années après, le Français René
Descartes reprendra la même idée dans le Discours de la méthode, en
affirmant que la maîtrise des sciences, surtout des mathématiques et de la
physique, permettait à l'homme de se rendre « comme maître et possesseur de
la nature », de juguler les maladies qui l'assaillent. C’est le cogito
cartésien, c’est-à-dire la raison, attribut de l’âme, qui donne ses pouvoirs
à un être humain d'essence duale, matérielle et animale d'une part,
spirituelle d’autre part. On retrouve dans cette conception dualiste
l’ambiguïté du statut humain découlant de la mythologie grecque et de la
Bible : l'homme est un être de nature, créature parmi les créatures. En son
sein, cependant, scintille une étincelle divine.
Le « savoir est pouvoir » pour l’homme de se rendre « comme maître et
possesseur de la nature ». Tel est le message de Bacon et de Descartes sous
l'étendard duquel notre société rationaliste et technologique s’engagera.
Or, Biaise Pascal nous apprend que : « Toute la suite des hommes, pendant le
cours de tant de siècles, doit être considérée comme un seul homme qui
subsiste toujours et qui apprend continuellement[1]
[2].
» Pascal rappelle ici que le savoir, fruit de la raison, est cumulatif. Or
le savoir est pouvoir d'une
maîtrise technique de la nature. Celle-ci est donc, elle aussi,
continuellement croissante. La raison est, pour l’homme, l’outil du
développement de sa puissance et fonde sa supériorité ; tel est le nouveau
tour pris par l'humanisme s’appuyant sur l’idée de Progrès.
...Progressivement, l’optimisme augmente et le XVïïT siècle voit fleurir
l’univers lyrique de l'humanisme progressiste. Le Progrès s’écrit alors avec
im grand P, il constitue la somme harmonieuse de tous les groupes de
progrès. C’est Condorcet, disciple de Turgot, qui le chante, le premier,
avec un lyrisme qui ne se démentira pas durant deux siècles".
Raisonnable et humain?
Nil, p. 126 sq.
Indications de lecture :
[1]
Jean-Marie Pousseur, Bacon. Inventer la science. Belin. Paris, 1988. En
réalité, Bacon est imprégné d'alchimie et de pensée magique, ce n'est que
rétrospectivement que l'on en a fait un héros de la Modernité. Voir
Thuillier La revanche des sorcières. [2]
Biaise Pascal. « Fragment de préface d'un traité du vide ». Pensées et
Opuscule, 1647. Cité par Pierre-André Taguief, L'Effacement de
l'avenir, Galilée, Paris. 2000. Ce thème est très largement rebattu
aujourd'hui. Cf.
Théorie et
expérience, ch. IV,
Les Leçons du Temps,
ch. V. Il y a des livres entiers consacrés à la critique du progrès, on
en fait aujourd'hui un mythe moderne. La différence
entre les Modernes et les Contemporains, c'est que les
Contemporains ont très largement cessé d'adhérer à cette croyance. Notez que
les anglo-saxons voient chez Bacon le renversement décisif, tandis que sur
le continent, on insiste plutôt sur Descartes. Voir les
textes de Sheldrake. Thème
traité en détail dans
Le Procès de la
Technique.

A,
B,
C,
D,
E,
F,
G,
H, I,
J,
K,
L,
M,
N, O,
P, Q,
R,
S,
T, U,
V,
W, X, Y,
Z.
Bienvenue| Cours de philosophie| Suivi des classes| Textes philosophiques| Liens sur la philosophie| Nos travaux| Informations philosophie.spiritualite@gmail.com
|