Textes philosophiquesSatprem le mantra"...Le seul procédé que Mère ait employé sur ce chemin sans chemin où il n’y a pas de procédé, sauf d'être d’une certaine manière, de tendre d’une certaine manière, et de marcher, c’est le “ mantraToutes ces formes que nous voyons constituées sont un agglomérat de vibrations (d’atomes, disent les savants, car ils ne voient qu’une couche de Matière et encore avec des lunettes mentales), qui expriment la qualité particulière de l’objet, son “ aspiration ”, disait Mère, et c’est ainsi qu’Elle pouvait donner un nom aux fleurs. C’est en quelque sorte le vrai nom des choses, leur musique spéciale, qui devient une assez triste musique au niveau humain. C’est la répétition de ces vibrations qui assure la stabilité des formes. Une modification du jeu vibratoire entraînerait une rupture de la forme (avec un changement de forme s’il est supportable, ou la désagrégation et la “ mort ” s'il est insupportable). Toute chose se meut avec un “ son ” particulier qui est le mouvement des forces la composant. Le mantra est le son pur d’une chose, quelle qu'elle soit, l’essence de sa vibration, ce qui la crée ou la maintient en forme. Il y a toute une science dite tantrique qui manipule ces sons et fait apparemment des “ miracles ” en reproduisant le son des choses: les désagrège ou les réagrège, les combine ou les altère.
La poésie, la musique sont une forme de cette
“ magie du son ”, lorsque c’est une vraie musique et une vraie poésie,
c’est-à-dire qu’ils évoquent réellement certaines forces ou aspirations,
certaines formes d’être—il y a tous les niveaux possibles, jusqu’au plus
grossier. C’est aussi notre magie très courante dont nous ne savons pas que
c’est une magie, mais les effets sont là tout de même, tristes et boueux,
quand nous montons et descendons les boulevards en marmonnant nos sourds
désirs et nos petites inquiétudes... qui arrivent naturellement, comme nous
les avons appelés. Si les hommes voyaient l’énorme glu colorée (et de quelle
couleur!) dans laquelle ils vivent, ils trouveraient des charmes à l’oxyde
de carbone de leurs cités. Mais si l’on précipite un son pur dans la
Matière, l’effet peut être également magique; seulement, comme notre fausse
matière est épaisse et collante et répétitive, il y faut beaucoup de
ténacité. Cette même vertu répétitive et rabâcheuse de la Matière et du
mental physique peut aussi se tourner dans l’autre sens et, par “ miracle ”,
elle peut se mettre à rabâcher un vrai son au lieu de son habituelle
mécanique mortelle—dans la mesure où elle peut le faire sans se traumatiser
complètement et provoquer une rupture périlleuse dans son mode vibratoire.
Il y a là une “ mesure ” dont la frontière représente exactement le passage
du vieux mode matériel au nouveau mode, le prochain mode de la Matière. Mère, tome II, l'espèce nouvelle, Robert Lafont, 1976, p 228-229 . Indications de lecture:Voir les textes de S. Aurobindo.
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