Textes philosophiques

  Paul Virilio                 entretien


    "Oui effectivement. On était réfugiés avec mes parents au Planty à côté de Vertou dans la banlieue de Nantes et j’avais fait [cela] sur mon cahier d’écolier. J’allais à la petite école à Vertou. C’est là que j’ai passé mon certificat d’études. Sur mon cahier d’écolier, j’avais fait les tracés des défenses anti-chars qui cernaient Nantes. L’armée allemande avait prévu pour des villes proches de la côte, proches de Saint Nazaire donc, une défense contre un encerclement, la montée de chars, etc. Ça a été ma seule action de résistant. Il faut dire que j’avais entre 8 et 10 ans, je suis né en 1932, donc là on est en 1943, et c’était d’une certaine façon un rapport déjà à la fortification, c’est-à-dire à l’étude que j’ai menée par la suite sur le mur de l’Atlantique.

Donc, c’est vrai que ça a été une manière disons d’être présent, mais je crois que là il faut le dire, vous avez eu raison, je suis un enfant de la guerre éclair. J’en ai connu un autre qui a été mon ami, puisque j’ai commencé ma collection avec lui, c’est Georges Perec, Georges Perec l’enfant de la Shoah et la Shoah c’est l’extermination, mais l’extermination elle a commencé par les déportations et la guerre elle a commencé par la guerre éclair, où ça, en Pologne. Je rappelle que la cavalerie polonaise a chargé sabre au clair les panzers divisions.

Donc moi je suis un enfant de la Blitzkrieg, la guerre éclair, et je crois qu’on ne peut pas comprendre l’évolution du monde contemporain sans le rapport à cette furia technique qui était née déjà dans la guerre de 14, puisque les premiers chars d’assauts, c’est la guerre de 14, et donc mon rapport à la vitesse était un rapport initial.

On est occupés en quelques instants. C’est un phénomène de relativité. Je l’ai dit, je l’ai écris et puis ensuite on va être préoccupés pendant 4, 5 ans, et les deux vont ensembles. Être occupés c’est être préoccupés. Le réel n’est plus le réel, et par contre les ondes, la rapidité des ondes vont nous permettre de participer à la libération de l’esprit.

En écoutant ‘’tan…tan…tan…’’, la radio libre, quelque chose se jouait toujours dans la vitesse, la vitesse de l’information, et c’était capital parce qu’on était dans une situation de réalité accélérée et troublée. Ceux qui nous côtoyaient à Nantes au moins au début, c’étaient des soldats, des officiers qui allaient chercher des biscuits Lu ou acheter de la charcuterie dans les mêmes boutiques que [nos] parents, et par contre ceux qui nous bombardaient étaient nos alliés. Ceux qui nous tuaient nous sauvaient et ceux qui ne nous tuaient pas encore, parce qu’on était pas en Pologne, quelque part étaient nos ennemis, donc on voit à quel point la rapidité et des ondes et des chars d’assauts allaient être déterminants pour nous.

Guerre hors limites aux civils

Vous avez raison de souligner qu’à la fin de la seconde guerre mondiale effectivement il y a eu des bombardements alliés sur la Normandie, sur la Bretagne, sur Nantes et c’est une part complètement oubliée de notre histoire contemporaine …

Alors que cela a été un traumatisme extraordinaire. C’est le début de ce que j’ai appelé ‘’la guerre aux civils’’. Vous savez, il a eu la guerre civile, la guerre nationale, internationale mondiale mais il y a eu la guerre aux civils, c’est-à-dire [que ce sont] les civils [qui] sont visés. On a oublié que cette guerre s’est terminée par l’éclair d’Hiroshima. La guerre éclair des panzers et puis l’éclair d’Hiroshima, j’allais dire …, d’ailleurs, la fermeture éclair.

L’alarme sur l’accident des connaissances

Nous allons écouter une archive du 18 avril 1955. C’est l’annonce de la mort d’Albert Einstein, la voie d’Albert Einstein qui va nous parler des dangers qui menacent les hommes et qu’il faudrait, je le cite ‘’renoncer aux bénéfices temporaires au profit des bénéfices permanents’’.

Ici Pierre [?] qui vous parle de New York. A 1h15, ce matin à l’Hôpital de l’Université de Princeton est mort à l’age de 76 ans, l’un des plus grands savants que le monde ait connu, Albert Einstein. Admis à l’Hôpital de l’Université, vendredi dernier, le docteur Einstein est mort d’une inflammation de la vésicule biliaire. Ses obsèques auront lieu à Princeton dans la plus stricte intimité à une date qui n’a pas encore été fixée. C’est avec stupeur que l’Amérique apprend la mort de celui qui, réfugié en Amérique en 1933, a ouvert par ses travaux l’âge atomique, et qui par ses larges pensées et son courage, a mis en garde les hommes contre le danger qui les menaçait. Nous voudrions vous faire entendre l’enregistrement de la voie du docteur Albert Einstein. Cet enregistrement a été fait le 1er juillet 1946, le jour même de la quatrième explosion atomique dans le Pacifique. Je vous laisse entendre Albert Einstein parler en anglais, puis je vous traduirais ce qui peut être aujourd’hui considéré comme son testament scientifique et philosophique ;

‘’C’est l’intelligence qui nous permet d’apprendre par l’expérience et de faire des projets pour l’avenir. C’est elle qui nous permet de renoncer aux bénéfices immédiats et temporaires au profit des bénéfices permanents.

Cette partie de la nature humaine reconnaît que la sécurité et le bonheur d’un homme dépendent ;

-          d’une société qui fonctionne bien

-          et qu’une société qui fonctionne bien dépend de la loi

-          et que l’homme doit se soumettre à la loi pour avoir la paix.

Et c’est cette faculté de raisonnement qui est responsable de tout le progrès humain dans le domaine de l’histoire, de l’art, de la science, de l’agriculture, de l’industrie et du gouvernement.’’

Ici, Pierre [?] qui vous a parlé de New York.

Incroyable cette archive, Paul Virillio.

Oui, cela me fait un drôle d’effet de l’entendre, parce qu’effectivement pour moi, c’est un personnage important. La relativité restreinte, ne parlons pas de la relativité générale, c’est l’astro-physique, Einstein a été pour moi quelqu’un de très, très important, pas simplement pour le monde de la science.

Il a dit aussi à l’Abbé Pierre ; ‘’il y a trois bombes qui explosent ;

-          la première, ‘’la bombe atomique’’, elle venait d’exploser ;

-          la deuxième, ‘’la bombe de l’information’’, j’ai intitulé l’un de mes livres, la bombe informatique, le mot n’existait pas, qui va tout changer,

-          et ‘’la bombe démographique’’, et là moi aussi j’ai changé le mot démographique par génétique.

Donc il est celui qui comprend la grande trinité de la menace. La désintégration de la matière, la question de la révolution de l’information, c’est-à-dire de la vitesse de l’information, et puis la bombe démographique, moi j’ai dit génétique parce que la bombe de l’information permet de décoder le génome humain et de travailler à l’au-delà de l’homme né du sang et du sperme. Quelque chose s’est joué là, autour d’Einstein, de ce qui allait devenir l’accident des connaissances. La grande menace aujourd’hui c’est l’accident des connaissances, alors en deux mots.

Comment vous définissez ce concept ?

Voilà. Alors ;

-          d’abord l’accident évidemment, c’est l’accident de la substance, c’est Aristote. La substance est nécessaire et l’accident est relatif et contingent.

-          Le deuxième accident [est celui] des distances, c’est-à-dire la relativité restreinte si vous préférez. Quand on prend le tgv, il y a un effet de réduction de l’espace temps

-          et la troisième, la bombe démographique. C’est vrai que la question démographique est une question écologique, avec les menaces que cela suppose sur l’espèce humaine et la génétique, c’est-à-dire la possibilité, grâce à l’information et aux calculs des supercalculateurs, de décoder le code génétique.

Donc on est là devant la possibilité d’un accident des connaissances, c’est-à-dire du dépassement de la rationalité au profit d’un temps qui n’est plus humain, le temps de la réflexion, le temps d’Einstein au profit du temps machine, c’est-à-dire celui de ces supers calculateurs qui fonctionnent à des milliards de milliards à la seconde, etc…, et qui sont actuellement mis en œuvre, ce qu’on appelle les super calculateurs, le pétaflop([ii]), le Top5.

Un temps machine qui supplante le temps humain

C’est quoi le Top5 ?

Ben, c’est le top de la vitesse de calcul des grands ordinateurs. Le premier est américain, le deuxième, c’est la Chine qui vient d’en lancer un et je crois que le français qui vient d’être lancé lui aussi arrive en 5ème position.

Et ça va servir à quoi ?

A décoder et à justement à analyser l’information, c’est-à-dire la question de la connaissance.

C’est-à-dire à infiltrer dans nos esprits la possibilité de ne plus avoir accès à des connaissances, comme depuis l’aube de l’humanité et …

Le temps machine domine le temps humain de la réflexion. Je vais prendre un exemple. La Bourse en ce moment, elle a commencé à diverger sur le plan de l’économie dans les années 80 quand on a lancé le programme ‘’trading’’, c’est-à-dire l’interconnexion des bourses dans le monde entier

Simultané, en temps simultané

Simultané, voilà, et on a eu donc en 2007, le crack du ‘’flash trading’’, c’est-à-dire du trading automatisé où les logiciels, les algorithmes des logiciels fonctionnent à des vitesses qui dépassent celles du trader, et on a eu le 6 mai dernier un ‘’flash crack’’ à la Bourse de New York qui [l’]a fait effondrer de 1000 points tout d’un coup, et actuellement on en sait pas la cause, en dehors de ces algorithmes et de ces modèles mathématiques qui tournent à des vitesses qui n’ont plus rien à voir avec la raison de l’homme. La vitesse est devenue ‘’une inconnue’’ pour l’avenir.

C’est pas simplement un problème de ralentir ou d’accélérer le tgv, c’est pas le problème. Je viens de le prendre le tgv. C’est de même pour la richesse. Il a fallu des siècles pour comprendre ce que c’était que la richesse, entre le trésor des Pharaons …, la thésaurisation des origines et la spéculation haute vitesse, haute fréquence comme on dit aujourd’hui, la richesse a changé de nature complètement, donc on est devant une inconnue.

C’est  à dire que la vitesse c’est pas simplement un problème de relation humaine, de temps pour parler, etc …, c’est la question de sa nature profonde. Est-ce qu’il y a un mur du temps et de l’histoire ?

Les sociétés anciennes avaient accéléré pendant des siècles l’histoire. Le livre de Daniel Halévy pour ça, on devrait le rééditer ; ‘’Essai sur l’accélération de l’histoire’’.

Or aujourd’hui, c’est l’accélération du réel, quand on dit en temps réel, c’est la réalité qui est accélérée et quelque chose là se joue sans référence philosophique. On n’a pas de philosophe pour penser ça. On a eu tous les grands philosophes, mais on a eu un crack extraordinaire entre Bergson et Einstein justement. Ils se sont rencontrés dans les années 1930, si je me souviens bien, et ils ne sont pas compris. Bergson le philosophe du vif, c’est-à-dire du temps humain, le vif, la vie et Einstein le physicien du vite, du vide et de la relativité ne se sont pas compris. Et donc il y a eu là une rupture fondamentale entre la philosophie, c’est-à-dire la connaissance au sens de l’histoire, c’est-à-dire de la mémoire, etc …et de l’autre côté de la physique.

Le rÊveur ÉveillÉ comme dynamique majeure de notre psychisme

Alors entre Bergson et justement Einstein, il y a eu aussi un autre philosophe qui a essayé de penser le monde. Aujourd’hui, il est beaucoup trop méconnu, mais je crois qu’il a été aussi l’une des sources de votre inspiration philosophique, il s’agit de Gaston Bachelard. Nous allons l’écouter.

‘’Trop souvent, l’imagination a été considérée comme une puissance secondaire, une occasion de dérèglements, un moyen d’évasion. On n’en fait pas assez nettement ce qu’elle est ;

la fonction dynamique majeure du psychisme humain.

En homme normal, on aime à mettre au premier plan la fonction du réel, mais comment un homme ferait-il une œuvre, s’il ne s’exerce pas, s’il ne sent pas en lui ce qu’on pourrait appeler la fonction de possibilité. Pour agir, il faut d’abord imaginer.

Il y a un sens à parler d’une fonction de l’irréel, par laquelle l’homme méditant, le dormeur éveillé s’en va en quête des possibilités d’une œuvre nouvelle. En lui s’éveille une conscience de poète. Le dormeur éveillé, s’il peut nous faire confidence du dynamisme de sa rêverie, s’il peut induire en nous l’activité de sa rêverie répond vraiment à la définition que Paul Eluard donnait du poète.

Le poète est celui qui inspire, celui qui nous donne l’exacte énergie de l’imagination. Il nous aide à satisfaire à ce besoin de poésie qui est au cœur de l’homme.

Or, y a-t-il poésie sans une adhésion corps et âme à une image aimée, à des images privilégiées, à des images qui mettent en nous, une vie à la fois profonde et nouvelle, à des images qui dans leur magnifique simplicité nous renouvelle dans les profondeurs de notre être.

Précisément le dormeur éveillé connaît une expérience de l’image instantanée, l’expérience d’une image qui nous réveille de la rêverie passive.

De telles images nous éveillent à une vie nouvelle. Elles nous font sortir de la nuit d’un songe, elles sont comme un grain d’opium, uniquement psychique par lequel le poète nous entraîne dans un monde inconnu en nous donnant une impulsion d’inspiration.

Tel est du moins l’enseignement des dormeurs éveillés qui réalisent la synthèse des valeurs nocturnes et des valeurs diurnes.’’

Cette archive est incroyable, Paul Virilio, parce que Gaston Bachelard avec sa voix inimitable et sa manière de pétrir la philosophie avec l’aide de différents moyens, que ça soit justement la poésie, l’histoire de la philosophie et puis l’appel aussi à l’inconscient.

Oui

En même temps, est-ce que la philosophie de Gaston Bachelard est aujourd’hui surannée ? Est–ce qu’elle ne correspond plus du tout au monde à l’intérieur duquel nous vivons ?

Si le temps, c’est de l’argent, la vitesse, c’est le pouvoir

Non, pas du tout, parce qu’il y a un livre extraordinaire que j’ai souvent cité, que je ne cite plus parce que l’ai tellement souvent cité, c’est ‘’l’intuition de l’instant’’ qui est un énorme livre sur l’instantanéisme. Nous vivons en ce moment l’instantanéisme, la simultanéité, l’ubiquité, etc …font que nous vivons l’instant et non plus le présent. Sur ce plan là je ne suis pas d’accord avec le cher Hartog qui parle de présentisme. Je dis non, nous ne sommes même plus au présentisme, nous sommes dans l’instantanéisme et…

C’est-à-dire, il n’y a plus d’écoulement du temps, de sensation du temps.

Non, tout est dans l’instantanéité. D’ailleurs, ce que je viens de dire à propos de la Bourse le prouve, c’est-à-dire qu’on ne peut pas fonctionner en dehors du contrôle !…, du contrôle possible ou non de l’instant. Les choses se jouant pour l’essentiel dans l’instantanéité d’un temps machine, l’homme est obligé de suivre et donc le présent, les 24 heures, la vie privée, la vie quotidienne est dépassé, les saisons, les mois. Nous avons vécu avec la révolution industrielle, la semaine, les 40 heures, etc…, or, aujourd’hui la notion de journalier même est dépassée.

Les suicides dans les organismes comme France Télécom ou d’autres qui travaillent en temps réel, comme les demoiselles du téléphone jadis, ne tiennent pas le coup. Elles sont, elles sont je dirais, détruites par l’instantanéité qu’elles vivent. Ce qui amène d’ailleurs des choses qui m’étonnent. Je suis étonné de l’accélération de la conversation dans les conversations interpersonnelles.

Ca, c’est le texto et le mail qui l’encourage.

Exactement, et donc nous sommes en train d’affronter, d’emboutir le mur du temps. Quelque chose se joue

Et le mur du sens aussi

Et le mur du sens, absolument. Le réflexe remplace la réflexion, même minimale. C’est pour ça que un Bachelard a raison de mettre l’accent sur l’instant. Je crois que, aujourd’hui les lois mémorielles, la Maison de l’histoire de France etc…, les rencontres de Blois des historiens, c’est quelque chose de très important parce que l’histoire ne peut pas être l’histoire de l’instant. Elle pouvait être l’histoire événementielle par rapport à l’histoire générale, bon. Braudel, l’école des Anales, le cher Marc Bloch etc…Or l’histoire de l’instant ça ne peut être une histoire.

Quelque chose donc se joue d’une menace sur la mémoire historique. Jadis on disais l’évènementiel, c’est une histoire pas très sérieuse parce qu’il y a les longues durées, mais maintenant, c’est l’évènementiel qui est attaqué par l’accidentel, par cet instantanéité qui n’est qu’un accident de parcours du temps humain et des longues durées avec d’ailleurs le crack boursier, là encore où la fin du long terme et l’hyper court terme font sauter la banque.

Dans mon dernier livre, je le dis, le 6 mai dernier, à Wall Street, les algorithmes ont embouti le mur de l’argent, c’est-à-dire le mur du temps parce que richesse et vitesse, c’est liée hein. Vous connaissez la phrase habituelle, si le temps c’est de l’argent, la vitesse, c’est le pouvoir. Et donc on est devant là devant un évènement historique majeur qui me dépasse infiniment. Quand je dis ça, je suis très conscient d’être un petit bonhomme pour parler de quelque chose qui me dépasse infiniment et qui nous dépasse.

Oui, mais en même temps, vous êtes l’un des rares penseurs de ce qui est en train de se produire et vous avez une capacité depuis maintenant plus de 30 ans de vous projeter dans l’avenir et de ne pas aller vers le passé pour comprendre le présent. C’est l’avenir qui vous intéresse, Paul Virilio, et je voudrais qu’on revienne  à cette histoire très douloureuse des suicides à France télécom car dans votre dernier ouvrage vous avez une théorie là-dessus qui est absolument effrayante et qui peut être est vrai, c’est-à-dire que vous semblez indiquer que maintenant, dans le monde contemporain où nous vivons, des chefs de grandes entreprises comme celles-ci considèrent normalement, tranquillement, sereinement que le suicide c’est une forme de congé maladie.

D’accident du travail. Oui, et ça c’est un évènement qui est incroyable parce que on aborde quelque chose qui est un évènement de notre époque et que Durkheim avait analysé dans son livre ‘’Le suicide’’. Le suicide n’est plus seulement en train de devenir non plus un phénomène d’état suicidaire psychologique, mais d’état suicidaire sociologique. Autrement dit, on retrouve un des grands personnages de notre époque depuis 2001, le kamikaze. Je ne veux pas parler du Japon, les kamikazes et les avions, les kamikazes en Europe. Quelque part, le suicide professionnel, comme je l’ai appelé est une menace de l’émergence d’un kamikaze, c’est-à-dire d’un homme qui donne sa vie pour la patrie de son patron, et j’emploie les mots qui conviennent. Donc quelque chose se joue là de la figure symbolique du kamikaze au début du XXIème siècle. Il y en a eu, comme je l’ai dit, au Japon, mais c’était une autre logique. Celle d’aujourd’hui ressemble beaucoup aux suicides en série dans certaines entreprises. En Chine d’ailleurs, pas seulement en France et à France télécom, puisqu’en Chine, les tours –je ne me souviens plus de l’entreprise- les tours où ces gens là travaillent, on a mis des filets pour pas qu’ils puissent se suicider. Des filets autour des tours. Vous savez mon opinion en ce qui concerne les tours.

Ben, rappelez-la nous.

Ben, c’est un délire. La tour est un délire et j’ai envie de dire, il y a des choses extraordinaires, depuis le World Trade Center, les tours de grande hauteur doivent être équipées de parachutes d’immeubles, comme des bouées de sauvetage dans les bateaux. Certains immeubles sont équipés de plongeoirs qui se déplient en cas d’accident, d’incendie ou de je ne sait quoi et il y a des parachutes d’immeubles. Qui en parle de ça ? On se souvient de l’image du World Trade Center avec ces gens qui se jetaient dans le vide en se tenant par la main, et là tout d’un coup, de l’autre côté, dans les tours chinoises on met des filets !…. pour qu’ils ne se suicident pas !

Il y là une image délirante de l’hyper-modernité.

Re-Penser l’Être au monde aujourd’hui

Mais peut-on imaginer un monde où l’homme pourra collaborer, voire même, soyons utopistes, pourra supplanter le rôle de la machine ou cette société que vous nous prédisez est-elle inéluctable ? Est-ce que c’est déjà trop tard ?

Non, absolument pas, et sur ce plan là, je ne crois pas à la fin de l’histoire, je crois à la fin de la géographie, c’est-à-dire que la terre est trop petite pour le ‘’progrès’’ qui s’est développé depuis le 19e siècle. Je ne suis évidemment pas contre le progrès, mais je suis contre sa propagande.

Quand on a été comme moi un enfant occupé et préoccupé, on a vécu sous la propagande et on a vécu dans son enfance cet état où tout est faussé, initialement, et aujourd’hui la vitesse n’est que la propagande du progrès. Elle n’est pas le progrès, elle est sa propagande.

Il est nécessaire de reposer la question philosophique et politique du progrès. Le progrès aujourd’hui, c’est quoi, sur le plan écologique, sur le plan économique, sur le plan politique –et on sait les menaces sur le politique, la fin de la représentativité de l’homme politique et puis aussi l’impact de l’image sur l’écrit, l’écran contre l’écrit- donc le vrai travail, c’est d’analyser de nouveau, comme l’ont fait les grandes Universités à l’origine, la barbarie du temps présent.

Je prends en deux mots, l’Université européenne autour de l’an 1000-1200, quelque chose comme ça, contre la barbarie, ce qu’on appelait la barbarie, les barbaries de l’époque. Elle s’est faite à l’origine avec la pensée judéo-chrétienne, gréco-latine et arabe et l’Université a été l’occasion de dépasser la grande peur, la grande peur de l’an 1000.

Eh bien aujourd’hui, on a la grande peur de l’an 2000, c’est-à-dire l’écologie, la terre est trop petite, le progrès nous fout en l’air, etc …Il faut réinventer l’Université, ce que j’ai appelé l’Université du désastre, d’après un des mes livres. Je rappelle que c’est le contraire du désastre de l’université. Le mot astre en latin veut bien dire ce qu’il dit, c’est-à-dire l’accident général. Il faut analyser cette situation pour dépasser la grande peur éco-lo et éco-nomique.

Quand on nous dit que l’empreinte écologique est telle que la terre est trop petite, ben il faut se poser la question petite par rapport à quoi ? au quantitatif ou au qualitatif ? Donc aujourd’hui la nécessité c’est une intelligence de la fin, une intelligence de la limite, et pour moi c’est un travail extraordinaire qui vient d’ailleurs de commencer. Je suis en relation avec eux, on a commencé cette ‘’Université du désastre’’ avec des étudiants et des professeurs américains qui viennent à La Rochelle. On vient de lancer

La Rochelle, c’est là où vous habitez.

C’est là où j’habite. Ils viennent chaque année maintenant. Ils sont 30 ou 40 et on vient de lancer aux États-Unis l’université de la singularité et ils essaient d’analyser aussi cette finitude. Nous ne vivons pas la fin du monde mais sa finitude. Vivre homme ou femme, c’est vivre la finitude d’un corps. On est bien d’accord.

Oui, mais comment penser la finitude du monde.

Eh bien, c’est justement la question philosophique majeure et là, Bachelard, Bergson, Husserl, Merleau-Ponty sont des hommes qui ont enclenché en particulier le cher Husserl et son assistante Édith Stein morte à Auschwitz, cette question justement de la pensée du phénomène global, c’est-à-dire de l’Être au monde.

Nous ne sommes pas simplement l’Être au corps de femme ou d’homme, nous sommes l’Être au monde, le monde est notre corps. Il y a trois corps, là encore on retrouve les trois ; le corps territorial, c’est la planète, sans ce corps territorial pas de corps social, pas d’espèce humaine. Il faut un lieu pour que l’espèce ait lieu, et puis un corps animal, la femme ou l’homme ou l’animal tout court, on ne fait pas partie de l’espèce végétale ni minérale. Donc il faut penser ça et c’est merveilleux, c’est extraordinaire. C’est à la hauteur justement des penseurs de l’origine, des Aristote, des Parménide, des Héraclite etc… et puis aujourd’hui des contemporains.

Nous allons écouter la voix de Maurice Merleau-Ponty qui va nous parler de l’adversité, l’adversité différent de l’adversaire. C’était dans une émission qui s’intitulait ‘’des idées et des hommes’’ et c’est une archive qui date de janvier 1951.

‘’En fait, j’ai été amené à employer ce mot d’adversité dans le titre de la conférence qui m’était demandée par un souvenir d’une phrase qui se trouve dans ‘’L’Être et le néant’’ de Sartre et qui est a peu près la suivante ; Sartre explique que notre volonté ne rencontre pas à proprement parler des limites dans les choses extérieures et que tout ce qui arriver c’est qu’elle se heurte à une espèce de coefficient d’adversité dit-il, voulant dire par là que, même quand nous souffrons extrêmement, il n’y a pas de moment où nous soyons obligés de céder à la douleur, quoique cependant la douleur nous incline à céder, et c’est justement cette force douce comme il dit d’ailleurs de la douleur, que l’on peut appeler dans le cas particulier adversité. Alors il m’a semblé que l’idée devait être généralisée, et j’ai appelé adversité dans cette conférence, ce qui s’oppose en effet à la réalisation comme vous disiez de l’harmonie, de l’accord avec soi même et avec autrui, mais ce qui s’y oppose sans être un adversaire que l’on puisse précisément nommer, par exemple cette notion d’adversité, [qui] je crois n’a pas de place dans l’esprit de ceux qui considèrent la vie humaine comme un combat entre deux postulations simultanées, selon le mot fameux, entre Dieu et Satan. Dans ce cas là, ce n’est pas à une adversité que l’on à faire, c’est à un adversaire. Il y a un vainqueur qui a un nom et il y aura un vaincu qui a aussi son nom. Ce que j’ai voulu appeler adversité, c’est cet espèce de mouvement sournois par lequel les choses se dérobent à notre prise dans les ordres de création, de recherche que l’on puisse citer en exemple.’’

Incroyable, cette manière de réfléchir donc de Merleau-Ponty sur l’adversité, et on sent à l’intérieur de votre œuvre, Paul Virilio qu’il y a tout un côté phénoménologue et que le corporel, le psychique, l’inconscient, le diurne s’associe à l’intérieur de votre réflexion au scientifique, à l’analytique. Comment Merleau-Ponty a-t-il pu rentrer à l’intérieur de votre imaginaire ?

[C’est] la phénoménologie de la perception qui pour moi est centrale, et donc le cher Merleau comme je l’appelle qui était de Rochefort d’ailleurs, a été important, est très important pour moi. Eh bien l’adversité au sens où vient de l’exprimer Merleau, c’est le progrès d’aujourd’hui, c’est-à-dire qu’effectivement, il nous échappe par sa propagande, par sa propagation

Et ça, est que ça n’existe pas depuis l’aube des années 30. Paul Valéry l’avait dénoncé, la philosophe Simone Veil aussi.

Absolument, d’ailleurs Paul Valéry et pour moi Louis Debreuil se ressemblent beaucoup. C’est une merveilleuse écriture tous les deux. J’ai lu Louis Debreuil dans les années 60. J’ai découvert ce grand écrivain, pas simplement prix Nobel de physique, mais grand écrivain et Valéry également.

Donc l’adversité pour vous c’est le progrès, toute forme de progrès, y compris les progrès médicaux ?

Non, pas du tout. Ce que je veux dire, c’est que le progrès est devenu sa propagande. Voyez là encore, il y a cette perversité de la propagande du progrès. Comme je le dis souvent, je ne suis pas contre le progrès, c’est absolument aberrant, c’est pour ça que je ne crois pas à la décroissance et à tout ça, mais par contre je suis contre sa propagande dont la vitesse est le moteur.

Quelque part, l’accélération du réel domine tout progrès humain au profit de la machine et même d’une machine qu’on ne connaît pas, qui est celle de l’intelligence artificielle. Là, ces supers calculateurs qui analysent avec des algorithmes et des modèles, etc…sont à mon avis une forme exemplaire d’idolâtrie de la machine.

Les ‘’malades de pycnolepsie’’ sont les prophètes de ce qui nous arrive socialement

Je vais lire un très court extrait d’un de vos livres qui s’intitule ‘’esthétique de la disparition’’ pour dire à quel point votre pensée nous atteint corporellement, psychiquement, presque sensuellement. Je vous cite ;

‘’ L’absence survient fréquemment au petit déjeuner, la tasse lâchée et renversée sur la table en est une conséquence bien connue. L’absence dure quelques secondes, son début et sa fin sont brusques. Les sens demeurent éveillés, mais pourtant fermés aux impressions extérieures. Le retour est tout aussi immédiat que le départ. La parole et le geste arrêtés sont repris là où ils avaient été interrompus. Le temps conscient se recolle automatiquement formant un temps continu et sans coupure apparente. Les absences peuvent être très nombreuses, plusieurs centaines par jour, qui le plus souvent passent complètement inaperçues de l’entourage. On emploie alors ce terme de pycnolepsie, du grec ‘’pycnos’’= fréquent.’’

 

Et ça, c’est un texte extraordinaire parce que vous êtes un philosophe qui portez attention à tous ces êtres qui sont au monde, tout en étant pas véritablement dans le monde et qui pourtant participent du monde, mais ne savent pas qu’ils sont comme les autres du monde.

Oui, c’est ce que religieusement, on appelle la pauvreté en esprit,

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire, justement ce fait que l’essentiel nous échappe. Il nous échappe de plus en plus vite aujourd’hui, c’est-à-dire que les ‘’malades de pycnolepsie’’ sont les prophètes de ce qui nous arrive socialement, c’est-à-dire cette situation dont je parlais tout à l’heure, mais ce livre est important parce qu’il s’appelle ‘’esthétique de la disparition’’, et je crois que là encore, il y a quelque chose d’extraordinaire à propos du cinéma et du cinématisme ; c’est que les arts, la représentation s’est jouée dans l’esthétique de l’apparition.

Depuis la grotte de Lascaux jusqu’à la peinture de la Sixtine en passant par Picasso, etc …, les choses émergeaient soit du bloc de pierre sculpté par Michel Ange, soit de la toile peinte par Léonard de Vinci ou par Picasso, elles émergeaient à la présence. Or avec la photo instantanée et du cinématisme, c’est-à-dire du cinématographe, l’image animée, les choses ne sont présentes que par leur disparition. Elles fuient et c’est par leur fuite qu’elles sont présentes.

Quelque chose se joue là dans la perception, que l’on peut vivre d’ailleurs de façon très concrète dans le tgv, c’est-à-dire qu’il y d’une par une énergie cinétique, on va plus vite d’un point à un autre avec les problèmes de relativité et en même temps -donc énergie cinétique du corps transporté- et en même temps énergie cinématique du défilement du paysage. Le paysage qui défile dans le tgv n’a été peint par aucun peintre. Il a été figuré par l’arrivée du train en gare de La Ciotat, par Lumière. Quelque chose se joue dans le floutage du paysage extérieur qui va conditionner le rapport au réel.

Nous allons écouter la voix de Louis Debreuil([iii]) que vous avez évoqué tout à l’heure. Il va parler de la théorie des quanta, de la mécanique ondulatoire et de l’évolution de la physique atomique.

‘’ Eh bien vers la fin du siècle dernier la physique se trouvait dans un état que l’on considérait comme très satisfaisant parce qu’on avait des idées exactes sur tout l’ensemble des phénomènes mécaniques, optiques et électro-magnétiques et que l’on semblait même pouvoir introduire dans cet ensemble d’idées les conceptions de la théorie atomique de la matière et de la théorie atomique de l’électricité, et tout à coup, vers cette époque un certain nombre de difficultés essentielles se sont présentées, les unes ont été soulevées par le développement de la théorie de la relativité, dont nous nous occuperons pas aujourd’hui, les autres ont été soulevées par le développement de la théorie des quanta et plus tard dans la mécanique ondulatoire. La théorie des quanta est apparue lorsqu’on a voulu analyser les phénomènes d’équilibre entre la matière et le rayonnement. Le physicien Allemand, Max Planck s’est aperçu que cet équilibre ne pouvait être prévu exactement qu’en introduisant l’idée que la matière ne peut émettre et absorber le rayonnement que par quantité définie par quanta d’énergie. C’était une idée tout à fait différente de celle qui avait été adoptée jusqu’alors et qui a obligé à une révision complète des théories de la physique. Mais ensuite on a trouvé d’autres difficultés lorsqu’on a voulu développer les théories atomiques. On a voulu faire des modèles d’atomes dans lequel on se représente l’atome comme ayant une structure, comme étant constitué de particules électrisées, d’électrons et avec un noyau central. A ce moment là, on s’est aperçu que les conceptions classiques ne permettaient pas de comprendre exactement comment ce modèle, en quelque sorte imposé par l’expérience, pouvait fonctionner. L’atome de Jean Perrin repris ensuite par [Ernest] Rutherford qui est analogue à un petit système solaire avec un noyau central positif et des électrons qui gravitent autour ne devait pas être stable d’après les conceptions des théories classiques. Alors on s’est aperçu de nouveau qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans les conceptions classiques de la mécanique et de l’électro-magnétisme.’’

Nous venons d’entendre Louis Debreuil. Il parle comme un poète, mais je vous avouerais que je ne comprends pas tout ce qu’il dit.

Bien sur.

C’est pas grave.

C’est pas grave, parce que justement, il parle encore, alors que les logiciels ne parlent pas.

Et Louis Debreuil, comme nombre de scientifiques de l’époque avaient envie de transmettre ce qu’ils étaient en train d’inventer.

A, exactement, tout à fait, tout à fait. L’écriture

Les machine ne nous disent pas ce qu’elles nous préparent.

Non, elle vont vers l’autonomie et absolue, et c’est un des grands dangers. On l’a vu d’ailleurs au moment où la guerre froide menaçait, on a vu que ce qui a arrêté la guerre froide, c’est la menace du répondeur automatique, c’est-à-dire que les chefs d’État, que ce soit Krouchtchev, que ce soit n’importe qui en face, ont compris que la rapidité des échanges était telle qu’il fallait un téléphone, il fallait pouvoir téléphoner avant d’appuyer sur le bouton, parce que si on ne se téléphonait pas, le bouton marcherait tout seul, il serait automatisé avec des radars, etc…, et donc là quelque chose s’est joué effectivement.

Vive le répondeur automatique pour ne pas appuyer sur le bouton rouge qui nous fera tous sauter. Dernière question, Paul Virilio. Vous avez en exergue d’un de vos livres qui s’intitule ‘’L’accident originel’’, mis cette phrase du Christ tirée de Luc ; ‘’Père, pardonnes leur, ils ne savent ce qu’ils font’’.  Vous êtes croyant ?

Oui, je suis converti adulte. Après la guerre, il y a deux solutions pour l’enfant du peuple que je suis, mon père est communiste, ma mère est catholique, être chrétien, ou être communiste et me converti à l’époque auprès des prêtres ouvriers d’ailleurs. Je ne suis pas un croyant de famille, je suis un croyant d’après guerre. C’est très important.

Ben, ça nous permet d’espérer. On va croire au paradis grâce à vous, malgrè toute cette cartographie du monde à venir très vénéneuse, vous nous laissez espérer que le paradis existe.

Extraordinairement, mais ici-bas. Ici-bas, je crois que le progrès est devant nous, à condition de dépasser sa propagande.

Merci, Paul Virilio, je rappelle que tous vos livres. La plupart de vos livres, car vous avez une abondante bibliographie et il faut vous lire pour comprendre où va le monde et ce qu’il en train de devenir, est publié par Galilée, mais il y a aussi un nouveau livre qui vient de sortir et qui s’intitule ; ‘’L’administration de la peur’’ chez Textuel. Merci Paul Virilio, professeur de sagesse, sagesse du désastre. Ca existe aussi, la sagesse du désastre, merci.

Et l’écriture du désastre, de Maurice Blanchot.

[i] Transcris par Maurice Lecomte. Les titres insérés dans le texte sont de mon cru.

Je me suis rendu aux obsèques d’un cousin à Dijon. Au-delà de la question affective, quelques petits évènements m’ont marqués ;

  1. Ne me souvenant que très partiellement du lieu où je devais me rendre, une fois grossièrement sur place, j’ai téléphoné après avoir repéré une enseigne importante du boulevard où je me trouvais –j’ai vainement cherché une plaque au nom de ce boulevard. Mes interlocuteurs m’ont demandé un nom de rue que j’ai donc été chercher dans le lotissement avoisinant, la rue des frères Montgolfier. Ils ne trouvaient pas, jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’ils n’avaient retenu que le nom en oubliant ‘’les frères’’. Ils m’ont ensuite demandé un numéro. J’ai alors compris qu’ils essayaient de me localiser avec un ordinateur. Cela a alors marché. Je n’étais qu’à un kilomètre et ils m’ont dit de les attendre. Ils venaient me chercher. Je me suis donc remis en chemin pour rejoindre ma voiture en remerciant un monsieur de mon âge à sa fenêtre qui brûlait manifestement de me renseigner. En arrivant à ma voiture abandonnée à un feu tricolore, un jeune homme a insisté pour me donner un coup de main. Il a insisté et je n’ai pas osé l’éconduire. Il était nanti d’un gps et il m’a rapidement indiqué le chemin à suivre, très simple d’ailleurs. J’ai cependant remarqué qu’il avait beaucoup de mal à se situer lui-même dans le plan du gps, afin de pouvoir me donner les indications utiles. Je l’ai remercié et me suis retrouvé seul. Ne voyant personne arriver, j’ai re-téléphoné. Mes ‘’sauveteurs’’ ne me trouvaient pas. Après avoir relevé leur numéro de téléphone portable, j’ai pu les contacter. Ils se trouvaient à une centaine de mètres à l’autre bout de la rue Montgolfier. J’ai appris qu’ils m’avaient croisé pendant que je discutais avec le jeune homme, mais ils ne m’avaient pas ‘’remis’’. J’ai trouvé la chose cocasse !
  2. Pour les obsèques, il a fallu se rendre en trois lieux différents et l’épouse d’un petit cousin nous a conduits en voiture en utilisant un gps pour l’orienter. Deux rues portent le même nom dans le coin et l’appareil a commencé par nous amener à la mauvaise adresse. Il a fallu corriger l’entrée machine avec l’adjonction d’une nouvelle information. La conductrice m’a indiqué qu’elle trouvait bien pratique cet appareil. Pour ma part, je lui ai fait part de mon inquiétude quand à cette tendance faisant que nous nous abandonnions de plus en plus à des entités extérieures à nous pour gérer notre vie quotidienne. Il s’agit également de prendre la mesure des amputations consenties et les conséquences en découlant.
  3. J’ai fait une connaissance rapide des enfants de mes petits cousins, de grands adolescents et jeunes adultes pour les plus vieux. Nous ne les avons quasiment pas vus de la journée, ni entendus ; des modèles de jeunes, pas embêtants du tout. Ils étaient tous à leurs consoles de jeux et ordinateurs ! J’ai pensé que si l’ordinateur m’orientait il pouvait aussi s’occuper de l’éducation et de la socialisation de mes enfants ! Les échanges furent des plus sommaires. C’est aussi ce que relève son père pour l’un d’entre eux. La distance semble telle entre moi et eux que j’ai pensé un moment qu’il pouvait s’agir de représentants d’une peuplade inconnue. Une étude ethnographique se justifierait peut être !
  4. J’ai connu l’épouse de ce petit cousin à son mariage. Elle était éducatrice spécialisée. Elle est maintenant psychologue clinicienne après un cursus de formation professionnelle. Sa fille aînée fait des études de psycho, en quoi ais-je demandé ; psychologie et algorithmes ! Mon dieu, ais-je pensé sans oser aller au-delà. Vérification faite, il y a bien un tel ‘’segment’’ dans la formation de psychologue comportementaliste. Gageons qu’il s’agit notamment de parvenir à ‘’produire’’ des petits génies, des ‘’PC turbo’’ disait le responsable d’une Ecole maternelle au collège français de New-York à moins que ce ne soit dans une ‘’Maternelle d’élite’’ en  Chine ; discours et méthodes identiques.
  5. J’ai parlé de ces ‘’aventures’’ à ma fille qui m’a dit ; ‘’sais-tu qu’une étude indique que les chauffeurs de taxi de Paris sont en train de perdre le sens de l’orientation (en raison de l’utilisation systématique du gps)’’.

         Article original

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