DocumentJean Baudrillard quand ma vie se joue dans l'autreMa vie, parce qu'elle se joue dans l'autre, devient secrète à elle-même. Ma volonté, parce qu'elle se transfère sur l'autre, devient secrète à elle-même. Il y a toujours un doute quant à la réalité de notre plaisir, quant à l'exigence de notre volonté. Paradoxalement, nous n'en sommes jamais sûrs, il semble que le plaisir de l'autre soit moins aléatoire. Etant plus proches de notre plaisir, nous sommes mieux placés aussi pour en douter. La proposition qui veut que chacun fasse plus volontiers crédit à ses propres opinions sous-estime la tendance inverse qui est de suspendre son opinion à celle d'autres personnes bien plus fondées à en avoir une... L'hypothèse de l'Autre n'est peut-être que la conséquence de ce doute radical quant à notre désir. On peut ne plus être capable de croire, mais de croire à celui qui croit. On peut ne plus être capable d'aimer, mais d'aimer seulement celui qui aime. On peut ne plus savoir ce qu'on veut, mais vouloir ce que quelqu'un d'autre veut. Sorte de dérogation générale où le vouloir, le pouvoir, le savoir sont non pas délaissés, mais laissés à une deuxième instance. De toute façon, nous ne voyons déjà plus, à travers les écrans, photos, vidéos, reportages, que ce qui a été vu par d'autres. Nous ne sommes plus capables que de voir ce qui a été vu... La Transparence du Mal (1990). Indications de lecture:voir : Désir et Passion sans Motif.
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