Textes philosophiques

Judith Butler      le mépris des classes dominantes


    Nous en avons vu une belle illustration lors d'une réunion du Tea Party, au États-Unis, durant laquelle le représentant au Congrès Ron Paul a déclaré que les personnes souffrant d'une maladie grave et incapables de se payer une assurance-maladie, ou qui « choisissaient » de ne pas la payer, puisque ce sont ses mots, n'avaient plus qu'à mourir. Aux dires des médias, un cri de joie a retenti, à ce moment-là, dans la foule. […] Il en ressortait clairement que les personnes incapables d'avoir un travail et une assurance maladie appartiennent à une population qui mérite de mourir et qui est, en définitive, seule responsable de sa mort...

     Que faut-il penser du cri de joie sadique de la réunion du Tea Party, qui traduit l'idée que les personnes qui ne peuvent pas se débrouiller pour avoir accès aux services de santé vont, comme il se doit, contracter des maladies ou avoir des accidents qui provoqueront, comme il se doit, leur mort ? Dans quelles conditions économiques et politiques de telles formes de cruauté peuvent-elles apparaître et s'avouer comme telles ? Faut-il appeler cela un désir de mort ? Je fais l'hypothèse qu'il a fallu que quelque chose tourne vraiment très mal, ou aille très mal, et depuis bien longtemps, pour que l'idée de la mort d'une personne pauvre et ou non assurée suscite des cris de joie parmi les tenants du républicanisme du Tea Party, c'est-à-dire d'une variante nationaliste du libertarianisme économique qui a renoncé à toute idée de responsabilité sociale commune avec une logique froide et calculatrice, encouragée et même stimulée, semble-t-il, par un rapport joyeux avec la cruauté

Rassemblement, Fayard, p. 20 et 22.

Indications de lecture:

    Cf.

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