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Textes philosophiquesGilles Deleuze la sexualité partoutLe désir n'a pas pour objet des personnes ou des choses, mais des milieux tout entiers qu'il parcourt, des vibrations et flux de toute nature qu'il épouse, en y introduisant des coupures, des captures, désir toujours nomade dont le caractère est d'abord le « gigantisme » […]. Bref, les milieux sociaux ou biologiques font l'objet d'investissements de l'inconscient qui sont nécessairement désirants ou libidinaux, par opposition aux investissements préconscients de besoin et d'intérêt. […] En vérité, la sexualité est partout : dans la manière dont un bureaucrate caresse ses dossiers, dont un juge rend la justice, dont un homme d'affaires fait couler l'argent, dont la bourgeoisie encule le prolétariat, etc. Et il n'y a point besoin de passer par des métaphores, pas plus que la libido, de passer par des métamorphoses. Hitler faisait bander les fascistes. Les drapeaux, les nations, les armées, les banques font bander beaucoup de gens. Une machine révolutionnaire n'est rien si elle n'acquiert pas au moins autant de puissance de coupure et de flux que ces machines coercitives. L'Anti-Œdipe, Gilles Deleuze, Félix Guattari, éd. de Minuit, 1973 chap. 4 (« Introduction à la schizo-analyse »), § 2 (« L'inconscient moléculaire »), p. 348
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