Texte philosophique :

Margaret Mead        les Arapesh, une organisation solidaire de la société et du travail


« La vie économique arapesh est axée de façon insistante sur la participation de chacun à des entreprises que d’autres ont conçues. Les propositions d’initiatives personnelles sont rarement suggérées, et cela même avec crainte. C’est là un des facteurs qui explique l’absence de toute organisation politique. »

« Le travail étant organisé sur une base d’aimable coopération et la guerre si légèrement organisée, la communauté n’a besoin de chefs que pour mettre en scène les grandes cérémonies. […] On tient pour établi que personne ne désire réellement être un chef, un haut personnage. Les chefs doivent prévoir, organiser des échanges, se pavaner, prendre des airs importants, parler haut, se vanter de ce qu’ils ont fait et de ce qu’ils feront : c’est un comportement que les Arapesh considèrent comme ingrat, difficile à tenir, et qu’aucun homme normal ne se permettrait s’il pouvait l’éviter. Mais c’est un rôle que la société sait imposer à quelques-uns. »

« Alors que les garçons n’ont guère dépassé quinze ans, leurs ainés observent leur talents et supputent les possibilités de chacun de devenir un haut personnage. Il y a en gros trois catégories :

d’abord « ceux dont les oreilles sont ouvertes et la gorge ouverte », qui ont le plus d’aptitudes. Ce sont ceux-là qui comprennent le mieux les tendances profondes de leur communauté et sont capables d’exprimer ce qu’ils comprennent.

Viennent ensuite « ceux dont les oreilles sont ouvertes et la gorge fermée », hommes tranquilles mais utiles, qui ont de la sagesse, mais sont timides et ne parlent guère.

Un troisième groupe, enfin, comprend les moins utiles, qui se subdivisent en « ceux dont les oreilles sont fermées et la gorge ouverte » et « ceux dont les oreilles et la gorge sont également fermées ».

Très peu de conflits

« La guerre est pratiquement inconnue des arapesh. Ils ignorent les traditions des chasseurs de têtes. »

« Le petit garçon arapesh ignore les coups et la lutte… « Il n’a pas l’esprit sportif ». Un coup, un mot dur même, l’atteint au plus profond de sa sensibilité. Le moindre quolibet devient pour lui une manifestation d’hostilité, et l’on verra des hommes faits fondre en larme devant une accusation injuste. »

« Même adultes, ils craignent tout ce qui désunit. Ils connaissent quelques moyens symboliques, quelques signes qui leur permettent d’exprimer publiquement une mésentente et les dispensent d’affronter eux-mêmes ceux avec qui ils sont brouillés. Ils les utilisent rarement. »

Des relations sexuelles mûries et des mariages posés

« Les relations sexuelles, pour les arapesh, ne se conçoivent guère en dehors du mariage. Les amours de rencontre, les liaisons passagères, le désir soudain qui réclame son assouvissement immédiat - tout cela ne signifie rien pour eux. Loin d’être romanesque, leur idéal est essentiellement domestique. Les rapports sexuels sont affaire sérieuse, qui doit être entourée de précautions et qui exige, avant tout, une entente parfaite entre les partenaires. »

« Coucher avec une étrangère est périlleux : autant abdiquer une partie de soi-même entre les mains des sorciers. Pour les arapesh, en effet, il ne saurait y avoir quoi que ce soit de commun entre une soudaine impulsion sexuelle et l’affection.[…]Ce n’est que dans le mariage, dans cette union douce, amicale et préparée de longue date, que la vie sexuelle peut s’épanouir sans risque. »

« Les arapesh ne connaissent pas le viol. […] Il leur est impossible d’imaginer le tempérament masculin qui leur pourrait faire comprendre le viol. […] Cette crainte d’exercer une contrainte quelconque s’étend même aux relations courante entre maris et femmes. L’homme doit approcher son épouse doucement, lui adresser « de bonnes petites paroles gentilles », et s’assurer qu’elle est bien préparée à recevoir ses avances. […]L’accent n’est pas mis sur la satisfaction que procure l’acte sexuel ; ce qui importe aussi bien pour l’homme que pour la femme, c’est la perfection dans la préparation, la plénitude du désir. »

Pour les Arapesh l'Homme est bon

« Les arapesh ne conçoivent pas qu’il puisse exister un comportement violent, qui exige d’être calmé, des jaloux auxquels on doit apprendre à partager, des égoïstes et des avares dont il faille desserrer les doigts. Ils attendent de chacun un comportement doux et aimables- qui ne fait défaut qu’à l’enfant et l’ignorant. Quant à l’agressivité, elle est censée s’éveiller seulement pour la défense d’autrui. »

« Parce qu’ils considèrent l’homme comme foncièrement bon, et ignorent l’existence d’instincts antisociaux, de facteurs psychologiques de désagrégation, les arapesh laissent le champ libre à l’épanouissement de tout individualisme atypique ».

     Mœurs et sexualité en Océanie, Plon, Collection Terre humaine, 1963 (1ère édition américaine 1935).

Indications de lecture:

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