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Thiery Melchior   la pétition de principe en psychanalyse


        Au moment où la psychanalyse risque d’être suspectée, du fait de l’apparition des émois dits « transférentiels », de n’être qu’une thérapie par suggestion, cette dernière se voit recadrée comme n’étant rien d’autre qu’un de ces phénomènes révélateurs de la sexualité infantile et de l’activité libidinale infantile. En d’autres termes, la suggestion qui, en sapant son fondement même, pouvait ruiner toute l’entreprise psychanalytique, se trouve réinterprétée par Freud comme le seraient, à la limite, un simple, rêve, un vulgaire lapsus, un quelconque oubli, un banal jeu de mots…

 Que penser de cette argumentation ? Elle use, de toute évidence, d’un raisonnement fallacieux. Car Freud ne voit pas ou ne veut pas qu’on voie que, pour que la psychanalyse puisse interpréter le phénomène de suggestion comme un phénomène transférentiel, de nature libidinale, il faut évidemment que la théorie psychanalytique (relative au transfert, à la sexualité infantile et à son refoulement) soit vraie. Or, pour qu’elle soit vraie, il faut que rien de ce qui est « trouvé » par les patients n’ait été suggéré (même involontairement) par l’analyste, sauf à commettre une pétition de principe. Et on retrouvera encore la même pétition de principe quand, plus loin dans le texte, il écrit : « les connaissances que nous avons acquises grâce à la psychanalyse nous permettent de décrire à peu près ainsi les différences entre la suggestion hypnotique et la suggestion psychanalytique. (…) La thérapeutique analytique, lorsqu’elle se trouve en présence des conflits qui ont engendré les symptômes, cherche à remonter jusqu’à la racine et se sert de la suggestion pour modifier dans le sens qu’elle désire l’issue de ces conflits. » Or, ces affirmations ne valent que pour autant qu’il ait été démontré que les « connaissances acquises grâce à la psychanalyse » reposent sur autre chose qu’un processus à base de suggestion. Le fait que les symptômes soient dus à des « refoulements », par exemple, est vrai si et seulement si, au cours de son travail thérapeutique, l’analyste ne suggère pas au patient, même involontairement, 1) que ces refoulements existent et 2) qu’ils constituent précisément ce qu’il faut déterrer pour que les symptômes disparaissent. Or, c’est très exactement ce qui est en question, d’où la pétition de principe : on considère comme admis cela même qu’il s’agit de démontrer.

 Alors même qu’il se voit dans l’obligation de concéder que, quand même, la suggestion joue un rôle en psychanalyse, Freud fait tout, on le voit, pour en minimiser l’incidence sur les « découvertes » qu’elle permet. Á peine reconnue du bout des lèvres, la suggestion se voit – au prix d’un grossier paralogisme – cantonnée dans un rôle du supplétif. »

La guerre des psys. Manifeste pour un psychothérapie démocratique. » Sous la direction de Tobie Nathan. Edition les empêcheurs de penser en rond. Paris, mars 2006. « Guérir par la vérité ». Pages 80 à 82.

Indications de lecture:

 

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