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Textes philosophiquesPascal force de la coutume
"La force de la coutume « Sur quoi la fondera-t-il, l'économie du monde
qu'il veut gouverner ? Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ?
quelle confusion! Sera-ce sur la justice ? il l'ignore. Certainement, s'il
la connaissait, il n'aurait pas établi cette maxime, la plus générale de
toute; celle; qui sont parmi les hommes, que chacun suive le; mœurs de son
pays; l'éclat de la véritable équité aurait assujetti tous les peuples, et
le; législateurs n'auraient pas pris pour modèle, au lieu de cette justice
constante, les fantaisies et les caprices des Perses et Allemand;. On la
verrait plantée par tous les États du monde et dans tous les temps, au
lieu qu'on ne voit rien de juste ou d'injustice qui ne change de qualité
en changeant de climat. Trois degrés d'élévation du pôle renversent toute
la jurisprudence; un méridien décide de la vérité; en peu d'année; de
possession, les lois fondamentales changent; le droit a des époques,
l'entrée de Saturne au Lion nous marque l'origine d'un tel crime.
Plaisante justice qu'une rivière borne! Vérité au-deçà des Pyrénées,
erreur au-delà.I ls confessent que la justice n'est pas dans ces coutumes,
qu'elle réside dans les lois naturelles, connues en tout pays.
Certainement ils le soutiendraient opiniâtrement, si la témérité du hasard
qui a semé les lois humaines en avait rencontré au moins une qui fût
universelle ; mais la plaisanterie est telle, que le caprice des hommes
s'est si bien diversifié, qu'il n'y en a point. Le larcin, l'inceste, le
meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions
vertueuses. Se peut-il rien de plus plaisant, qu'un homme ait droit de me
tuer parce qu'il demeure au-delà de l'eau, et que son prince a querelle
contre le mien, quoique je n'en aie aucune avec lui ? Il y a sans doute
des lois naturelles; mais cette belle raison corrompue a tout corrompu […]Ile
cette confusion arrive que l'un dit que l'essence de la justice est
l'autorité du législateur, l'autre la commodité du souverain, l'autre la
coutume présente; et c'est le plus sûr : rien, suivant la seule raison,
n'est juste de soi, tout branle avec le temps. La coutume fait toute
l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue; c'est le fondement
mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit. Rien
n'est si fautif que ces lois qui redressent les fautes; qui leur obéit
parce qu'elles sont justes, obéit à la justice qu'il imagine, mais non pas
à l'es;once de la loi ; elle est toute ramassée en soi ; elle est loi, et
rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si faible et
si léger, que, s'il n'est accoutumé à contempler les prodiges de
l'imagination humaine, il admirera qu'un siècle lui ait tant acquis de
pompe et de révérence. L'art de fronder, bouleverser les États, est
d'ébranler les coutumes établies, en sondant jusque dans leur source, pour
marquer leur défaut d'autorité et de justice. « Il faut, dit-on, recourir
aux lois fondamentales et primitives de l'État, qu'une coutume injuste a
abolies. » C'est un jeu sûr pour tout perdre; rien ne sera juste à cette
balance. Cependant le peuple prête aisément l'oreille à ces discours. Ils
secouent le joug dés qu'ils le reconnaissent; et les grands en profitent à
sa ruine, et à celle de ces curieux examinateurs des coutumes reçues.
Mais, par un défaut contraire, les hommes croient quelquefois pouvoir
faire avec justice tout ce qui n'est pas sans exemple. C'est pourquoi le
plus sage des législateurs disait que, pour le bien des hommes, il faut
souvent les piper; et un autre, bien politique […] Il ne faut pas qu'il
sente la vérité de l'usurpation ; elle a été introduite autrefois sans
raison, elle est devenue raisonnable; il faut la faire regarder comme
authentique, éternelle, et en cacher le commencement, si l'on ne veut
qu'elle ne prenne bientôt fin. »
Pensées
Indications de lecture:Cf.
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