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Pierre Rabhi nouvelles technologies et absurdité
Je le confesse, je suis
le nouvel analphabète des technologies modernes. Incapable de me servir
d’Internet. [..]
Je n’ai rien contre les nouvelles technologies, elles ne sont ni bonnes ni
mauvaises. Tout dépend de l’usage que l’on en fait. Elles pourraient
participer à ce que Teilhard de Chardin appelle l’union créatrice,
contribuer à une élévation des consciences. C’est en partie vrai.
Mais, dans l’ensemble,
elles sont utilisées par des consciences qui n’ont pas suffisamment
évolué. Nous avons Internet et Inter-pas-net. Sans même parler de ce que
véhicule le Réseau, ce qui n’est pas net, c’est que nos outils
déterminent nos modes de vie plutôt que l’inverse. Ils prennent
le pouvoir insidieusement, nous obligent à organiser notre quotidien pour
qu’ils nous deviennent indispensables, tout en imprimant à nos existences
un rythme frénétique. Nous vivons en disharmonie avec notre pulsion
cardiaque qui nous dit : « Tranquille, tranquille… ».
L’intelligence de la vie
a mis en nous une cadence que la vitesse a changée. Parce que nous
ne voulons pas renoncer à la frénésie, nous nous dotons d’instruments
supplémentaires pour la supporter. Et nous voici prolongés de
téléphones et d’ordinateurs portables, appendices censés nous faciliter
les choses, eux qui nous tiennent par le nombre fou de messages à traiter
ou par leur incessante obsolescence. Car nous sommes dans le mythe
d’un toujours plus indéfini, sans jamais pouvoir atteindre une satisfaction
que nous plaçons de plus en plus haut. Il ne faut pas confondre
aptitudes et intelligence. Ce que nous savons faire ne mérite pas toujours
d’être fait. Si des extraterrestres arrivaient chez nous, ils diraient
probablement : « Ils sont surdoués, mais crétins. » Nos aptitudes rendent
le monde chaotique, elles ne parviennent pas à donner un ordre intelligent
à nos prouesses. À l’échelle du temps géologique, nous sommes
arrivés dans les trois dernières minutes d’une planète née il y a
vingt-quatre heures.
Avant nous, il y a de
l’intelligence, un ordre qui nous précède et qui est symphonique. Nous
sommes les seuls à jouer une fausse note. L’écologie est une symphonie
dans laquelle chacun joue sa partition. La nôtre peut être de marquer une
pause pour réfléchir à l’usage que nous faisons du temps, de la
technologie, de l’argent. Peut-être faudrait-il inventer un nouvel outil,
appelons-le egomètre ou ambitiomètre. Un objet doté d’une alarme qui
signalerait que ce que nous faisons n’a pas d’autre sens que de servir le
démiurge en nous, celui qui croit pouvoir dompter le monde, tout en nous
précipitant vers l’absurde.
Recours à la Terre, Terre
du ciel,
1995
Indications de lecture:
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