Textes philosophiques

Trinh Xuan Thuan    le principe anthropique


    " L’exemple le plus frappant est celui de la densité de l’univers à son commencement (au temps de Planck) : elle doit être réglée avec une précision de l’ordre de 10-60. Autrement dit, si l’on changeait un chiffre après soixante zéros, l’univers serait stérile : il n’y aurait ni vie ni conscience, et ni toi ni moi ne serions là pour en débattre. La précision stupéfiante du réglage de la densité initiale de l’univers est comparable à celle dont devrait être capable un archer pour planter une flèche dans une cible carrée d’un centimètre de côté qui serait placée aux confins de l’univers, à une distance de quinze milliards d’années-lumière ! Même si la précision du réglage n’est pas aussi spectaculaire pour les autres constantes physiques et conditions initiales, la conclusion reste la même : celles-ci doivent être réglées de façon très précise pour permettre la vie et la conscience. Ainsi, l’homme (ou toute autre conscience dans l’univers) semble reprendre la première place. Non pas la place centrale dans le système solaire qu’il occupait avant Copernic, mais dans les desseins de l’univers. Il ne doit plus craindre l’immensité des espaces infinis, car c’est elle qui lui permet d’exister. L’univers est vaste (on estime qu’il a un rayon d’environ quinze milliards d’années-lumière) parce qu’il n’a cessé de s’agrandir au cours du temps. Son âge est nécessaire pour donner aux étoiles le temps de procéder à leur alchimie nucléaire et de fabriquer les éléments chimiques indispensables à la vie, et lui permettre de gravir les échelons de la complexité menant à l’homme (plusieurs milliards d’années sont, au minimum, nécessaires).
        L’univers semble donc réglé de façon extrêmement précise pour qu’il puisse héberger la vie et la conscience et afin que surgisse un observateur capable d’apprécier son harmonie. C’est ce qu’on appelle le « principe anthropique », du grec anthropos qui veut dire « homme ». Ce que j’expose ici est la version dite « forte » du principe anthropique. Il existe aussi une version « faible » qui ne suppose pas une intention dans la Nature ; c’est presque une tautologie : « Les propriétés de l’univers doivent être compatibles avec l’existence de l’homme6. » Le qualificatif « anthropique » est en fait mal choisi. Il sous-entend que l’univers tend vers l’homme exclusivement. En réalité, les arguments ci-dessus s’appliquent à toute forme d’intelligence dans l’univers. La cosmologie moderne redécouvre ainsi la profonde connexion entre l’homme et l’univers. Le message d’espoir de Paul Claudel répond au cri d’angoisse de Pascal et témoigne de ce réenchantement du monde : « Le silence éternel des espaces infinis ne m’effraie plus. Je m’y promène avec une confiance familière. Nous n’habitons pas un coin perdu d’un désert farouche et impraticable. Tout dans le monde nous est fraternel et familier. »

L'infini dans la paume de la main . p. 66-77.

Indications de lecture :

Voir la leçon science et philosophie.


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