Textes philosophiques

Eckhart Tolle      la crise du corona virus (2)


     

     « Mais quand j’ai vraiment peur de perdre tout mon argent en bourse, de tomber malade ou de perdre un proche, qu’est-ce que je fais avec ça ? »
     À nouveau la peur ! La question concerne la peur. Comment puis-je gérer la peur de contracter une maladie, de perdre une chose ou une autre ? Maintenant, beaucoup de gens éprouvent la peur, non seulement du virus, mais des répercussions de tout ce qui est en train de se produire. Les activités sont arrêtées, tout est en cessation. C’est une chose très étrange qui se produit. C’est comme un arrêt forcé, non seulement des affaires, du commerce, mais encore de l’activité du monde. C’est une fin forcée soudaine de tout cela. Beaucoup d’avions ne volent plus ; des villes sont vides de monde…
     Jusqu’à ce que tout cela arrive, le monde était en effervescence, bruyant, en action. Tout était en mouvement. Tout se perdait dans le monde, dans le mental. Et c’est comme si, soudainement, quelqu’un avait dit : « Arrêtons tout ça pour un certain temps ! »
 
     Oh, comme un calme imposé ! C’est précisément ce dont des millions d’humains ont actuellement besoin de vivre. Cela ne veut pas dire qu’ils vont automatiquement faire l’expérience simultanée du calme intérieur, mais pour beaucoup, il y a là la possibilité d’un éveil, s’ils peuvent aller au-delà de la peur, des pensées effrayantes. Mais comment aller au-delà des pensées effrayantes ? Eh bien, cela requiert un peu de conscience. Or, si vous êtes ici, avec nous, vous avez probablement cette conscience. Ce que je veux dire ici, c’est la conscience de ce qui se passe dans votre tête. Au lieu de l’identification totale avec ce qui se passe dans votre tête, vous avez à l’arrière-plan une conscience de ce qui se passe mentalement. C’est très différent, parce que c’est une autre dimension de conscience. Cette conscience n’est pas la même chose que la pensée. La conscience reconnaît la pensée et voici que vous vous rendez compte que vous avez toutes ces pensées inutiles. Là, je verbalise cette prise de conscience, parce que nous communiquons à travers le langage, mais la prise de conscience de toutes ces pensées inutiles et dévastatrices qui traversent notre tête n’est pas verbale. Elle surgit avant ou après la verbalisation, parce qu’elle surgit de la conscience. Il y a la simple reconnaissance que ce qui se passe dans votre tête n’est aucunement une aide. Au contraire, cela vous fait peur, vous rend malheureux.
     La personne est prise là, dans tous les problèmes qu’elle mentionne. Il ou elle en relève trois : la peur de perdre son argent, ses économies, ses investissements, la peur de tomber malade ou la peur de ce qui peut arriver à un proche. Vous avez donc peur pour vous-même, vous avez peur pour les autres, et bien entendu, toutes ces choses que vous craignez ne se produisent pas dans l’instant. « Oui, mais elles pourraient arriver », répond le mental, « il vaut mieux que je m’en préoccupe, au cas où ! »
     Si ces choses devaient arriver, vous y feriez face, en étant conscient. Avec le pouvoir de votre conscience, vous feriez face à la maladie, à la perte d’argent, même à la perte ou à la souffrance d’un proche. Avec le pouvoir de votre présence, vous pouvez y faire face.
     Maintenant, ce que vous ne pouvez pas : vous ne pouvez pas surmonter ces problèmes, ni y faire face, parce qu’ils n’existent que dans votre imagination. Ils ne se sont pas encore produits. Par conséquent, il n’est absolument rien que vous puissiez faire concernant ces problèmes. En fait, plus vous y pensez, plus ils sont amplifiés. Ce qui vous fait souffrir est un domaine complètement illusoire.
     Ainsi, s’il y a un minimum de conscience, vous pouvez tout à coup vous rendre compte de ce que vous êtes en train de vous faire, à vous-même. Bon, ce n’est pas que vous vous le faites volontairement ! Disons que cela vous arrive. Vous devenez conscient de ce qui vous arrive, parce que pratiquement toutes les pensées dans votre tête, en l’absence de la conscience, vous arrivent. Elles ne sont pas volontaires. Les gens disent : « je pense ceci, je pense cela ». Vous ne pensez pas, le penser vous arrive. Quand vous n’êtes pas conscient, vous êtes à la merci de la pensée.
     Vous êtes à la merci du champ d’énergie que nous appelons « pensée ».
     Ce champ se trouve en vous, vous êtes possédé. Vous ne le savez pas. Réalisez que le penser effrayant n’est pas quelque chose que vous faites. Si c’était quelque chose que vous faites, vous diriez : « Oui, je le fais, mais je ne peux pas m’en empêcher ». Non, vous ne le faites pas, cela vous arrive.
 
     Il y a des gens qui se demandent pourquoi ils se font à eux-mêmes ceci ou cela. Eh bien, c’est déjà un bon point de départ : « Pourquoi est-ce que je me fais du mal en pensant toutes ces choses ? » À la prochaine étape, vous vous rendez compte que ce n’est pas vraiment vous qui le faites.      C’est le penser automatique que vous suivez dans votre tête continuellement. C’est ce qui vous rend malheureux, ce qui n’a pas de but utile. Je ne m’aide pas, ni personne d’autre, en pensant ces choses, en projetant des choses terribles qui pourraient arriver.
     Donc, avec la conscience de ce qui se joue dans votre tête, survient pour la première fois un moment de libération. Jusque-là, vous n’aviez pas de libre-arbitre. Sans conscience, vous n’avez pas de libre-arbitre. Vous êtes complètement à la merci du mental conditionné. Alors, qu’est-ce que vous faites ? Vous avez donc reconnu que ce qui vous arrive ne sert aucun but utile. C’est une prise de conscience importante, parce que dans le mental inconscient, il y a la supposition que      vous ne pouvez pas contrôler votre vie si vous ne vous faites pas un souci énorme.
     Vous ne savez probablement pas que c’est inutile, mais il y a l’illusion de devoir penser énormément aux problèmes. Vous êtes enclin à continuer de penser dans l’espoir de rester au contrôle. Il vous faut vous préoccuper de tous les problèmes du monde. Si vous ne vous en préoccupez pas, tout va s’effondrer. C’est une supposition sous-jacente, bien sûr une illusion.
     Ainsi, le penser soucieux et terrifiant ne veut pas s’arrêter. Vous devez le savoir, il a sa propre dynamique. Et vous ne pouvez pas le combattre. Si vous le combattez, vous le renforcez.
Vous lui donnez un surplus d’énergie. Vous ne pouvez pas l’arrêter par la volonté. Vous pouvez l’arrêter un moment, en utilisant votre volonté, mais ça ne dure pas longtemps.
      Vous l’arrêtez simplement, d’abord en reconnaissant, non seulement la futilité de ce type de penser, mais encore sa nature destructrice. Vous commencez alors à voir que beaucoup de la souffrance est produite par le narrateur dans votre tête. À ce moment-là, vous avez le choix : vous pouvez continuer d’être entraîné dans le courant du penser terrifiant ou vous pouvez vous dire « Je choisis désormais de retirer mon attention du penser terrifiant ». Je le verbalise. Mais où va-t-il ? Le penser terrifiant veut toute votre attention, il veut constamment toute votre conscience. Il dit : « je la veux, je ne veux pas partir ! ». Vous dites alors : « je ne veux plus te suivre ». C’est très simple. Vous amenez votre attention ailleurs. Au début, vous devez utiliser quelque chose. Je vous recommande de sentir votre corps subtil. Admettons que vous vous réveillez en pleine nuit, sinon le matin. Au lieu de penser, dirigez votre attention sur le champ intérieur d’énergie de vos mains et vous la maintenez là. Cela ne demande pas de volonté. C’est juste une simple décision. Vous maintenez votre attention. Vous sentez la vie intérieure dans vos mains. Cela devient un ancrage pour sortir du mental, pour être présent. Pouvez-vous sentir l’énergie dans vos mains ? Je peux la sentir. Et c’est toujours magnifique. J’ai ressenti l’énergie dans mes mains pendant de nombreuses années. C’est toujours une nouvelle expérience. Je ne me lasse pas d’en parler, parce que c’est toujours nouveau et rafraîchissant. Ça ne se passe bien sûr pas seulement dans les mains.
     Si vous ne pouvez pas sentir l’énergie dans vos mains, fermez les yeux et demandez-vous… Prenez votre main droite ou votre main gauche. Demandez-vous alors si votre main, droite ou gauche, est toujours là ? Est-elle toujours là ? Comment est-ce que je sais qu’elle est là ? Comment puis-je savoir qu’elle est là, juste maintenant ? Non, vous ne pouvez pas le savoir, parce que vous vous rappelez qu’elle était là il y a quelques secondes, puisque vous l’avez vue. Ce n’est pas savoir qu’elle est là, parce qu’elle aurait pu disparaître !
 
     Vous fermez les yeux, vous ne bougez pas votre main, comment pouvez-vous savoir qu’elle est là. Vous pouvez savoir qu’elle est là, mais comment cela se passe-t-il ? Comment le savez-vous ? Vous pouvez la sentir, mais qu’est-ce que vous sentez ? Vous sentez l’énergie à l’intérieur de la main. Au début, c’est très subtil. Vous devez être très attentif pour la sentir. Or, l’attention, la vigilance qui va dans le corps vous retire du penser. Tout d’un coup, votre main semble plus vivante qu’avant. Et ce n’est que le début. Vous pouvez sentir les deux mains en même temps. Ensuite, vous découvrez que vous pouvez sentir d’autres parties de votre corps, les pieds, en même temps, les jambes… Vous devenez alors conscient d’une sensation pénétrante de vie dans tout votre corps, votre champ d’énergie.
      Au passage, vous pouvez aussi être conscient que vous respirez, parce que la respiration est reliée au corps. Vous respirez, dans le corps : la respiration entre et ressort. Plus vous devenez conscient de votre corps, plus vous devenez conscient de votre respiration. Plus vous devenez conscient de votre respiration, plus vous devenez conscient de votre corps. Il y a là un état magnifique de vie et… que se passe-t-il pour votre activité mentale ? Elle disparaît presque complètement ou même complètement. Vous ne pouvez pas être conscient du corps subtil et en même temps penser. De rares pensées peuvent être là, mais non pas un flot soutenu de pensées. Ce n’est pas possible, parce que votre attention, votre conscience a basculé du mental pensant au corps subtil.    

Live du 27 mars 2020

Indications de lecture:

Traduction Robert Geoffroy. Voir les autres textes sur le même sujet.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.

 philosophie.spiritualite@gmail.com