Textes philosophiques

Eckhart Tolle      la leçon spirituelle d'Alzheimer


Q: S’agissant d’une personne atteinte de la maladie d’Alzheimer, je n’ai pas d’explications concernant la leçon spirituelle qu’elle peut contenir. Sans pouvoir rien faire, simplement la regarder devenir lentement un légume ?


     R. Eh bien, alors que le corps et le mental meurent généralement en même temps, selon mon point de vue, quand il s’agit de la maladie d’Alzheimer, le mental meurt bien avant le corps. Cela peut bien sûr être un processus prolongé. « Le mental meurt » veut dire que la conscience qui a animé la forme physique et la forme mentale commence à se retirer à cause de certaines choses qui se détériorent dans la structure du cerveau.
     La conscience ne peut plus circuler pleinement à travers ce cerveau et elle se retire donc du cerveau avant de se retirer du corps et elle le fait lentement. C’est douloureux, parce que cela peut être une mort très lente. C’est douloureux pour les gens autour de la personne, parce que peu à peu, la personne qu’ils aimaient semble disparaître. Peu à peu, elle . . . Ça peut être très douloureux, mais c’est la mort. C’est une forme de mort.
     Qu’en est-il de la personne elle-même qui traverse ça ? La maladie d’Alzheimer passe bien sûr par différents stades ; elle progresse. Dans certains cas, il y a un stade intermédiaire dans la maladie où la personne connaît une certaine période de présence relative. La mère de l’un de mes amis avait contracté la maladie d’Alzheimer et pendant quelques mois, alors que la maladie progressait, il me dit que pour la première fois de sa vie, il avait vu sa mère heureuse. La maladie n’était pas encore arrivée aux stades finaux. C’était un stade intermédiaire où elle ne se plaignait plus, où elle ne vivait plus dans le passé. Il y avait comme une présence qui émergeait. Mais cela passe et la conscience se retire.
 
     Je ne suis pas en train de vous dire que la maladie d’Alzheimer peut vous rendre présent. En réalité, ce qui se passe, c’est que l’on retombe en dessous du mental. Cela peut être un soulagement pour certaines personnes dont toute la vie a été torturée par leur propre mental.    C’est un peu comme juste avant de vous endormir, vous ressentez un peu de paix . . . parce que vous ne pensez plus. Vous ne pouvez plus penser, vous êtes trop fatigué pour penser et la torture de votre propre mental s’arrête. Et soudainement . . . Bien sûr, vous commencez à aller vers l’inconscience, mais c’est au moins un moment de soulagement.
     Et beaucoup de gens, non pas les gens qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, beaucoup de gens dits normaux qui vivent avec le poids normal de leur mental dérangé normal
connaissent, juste avant de s’endormir, un certain soulagement, parce qu’ils sont trop fatigués pour penser encore à leurs problèmes . . . et ils s’endorment bien sûr.
     Ici, il s’agit en fait de faire face à la mort. Quand vous êtes proche de quelqu’un qui est en train de mourir, subissant ce lent processus de la mort qu’est la maladie d’Alzheimer où le mental meurt avant le corps, c’est douloureux, parce que c’est la mort. La mort bouscule beaucoup et la seule réponse qui n’est pas de la souffrance est l’abandon en réalisant que l’essence ne meurt pas. Seule la forme meurt, la forme mentale, la forme physique.
     Or, c’est encore une explication et vous n’en avez pas besoin. Tout ce dont vous avez besoin, dès lors qu’il n’y a rien que vous puissiez faire, c’est entrer dans ce lieu d’abandon, en sachant que, tôt ou tard, toutes les formes de vie vont disparaître, incluant la vôtre. Que le mental s’en aille en premier ou que le corps le suive immédiatement, toutes les formes sont éphémères et ce n’est pas une tragédie. C’est simplement un fait et sans ce fait de la mort, aucun humain ne s’intéresserait à la dimension spirituelle.
     Tout ce que vous pouvez faire face à la mort, c’est être présent et accepter le moment présent tel qu’il est, sans demander qu’il soit autre que ce qu’il est. À mesure que vous vous abandonnez face à la mort, quelque chose survient là où vous êtes, dans la pièce, dans la maison, que vous pourriez appeler la grâce. Une présence arrive à travers vous et c’est ce que vous pouvez offrir à la personne qui meurt, votre présence.
     Je dis « votre présence », mais ce n’est pas votre présence. C’est la présence divine qui vient à travers vous, mais elle ne peut venir à travers vous que si vous lâchez toute résistance. Toute la situation a alors un but transcendant que l’on ne pourrait pas vraiment expliquer pleinement avec le mental conceptuel. Cette situation a un but transcendant. La mort est là, mais vous représentez, vous incarnez la dimension transcendante, parce que vous amenez une acceptation totale. C’est une pratique spirituelle. L’une des grandes pratiques spirituelles, c’est faire face à la mort, que ce soit la mort de l’un de vos proches ou l’imminence de votre propre mort.

Questions et réponses

Indications de lecture:

Traduction Robert Geoffroy. Consulter sur le même sujet les textes de Jane Roberts.

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