Textes philosophiquesAlan Watts l'image politique de Dieu en OccidentP. — D’accord, mais d’où est venue cette attitude de séparation ? N’était-elle pas nécessaire à la connaissance objective ? A.W. — L’attitude générale de l’Occidental à l’égard de l’univers a pour modèle une structure politique. C’est Dieu le maître, comme dans les sociétés monarchiques le roi est le grand tyran devant qui tous s’inclinent. Même la hiérarchie de l’Église est à l’image d’une cour royale : l’officiant tourne le dos au mur de crainte d’être attaqué, il est entouré de gardes, et l’assistance a le dos courbé, est agenouillée, parce que c’est une position dans laquelle on ne peut pas attaquer. Dieu, donc, a peur. Et cette image politique de Dieu est l’une des maladies dont souffre la culture occidentale. Imaginez. qu’un homme fasse une expérience mystique, soit spontanément, soit avec l’aide du LSD par exemple, qu’il réalise tout à coup qu’il est un avec Dieu, et qu’ensuite il aille dire qu’il est Dieu. Le fait paraîtra intolérable : comment oser prétendre qu’on est Dieu, puisque c’est Dieu le maître de l’univers ? Comment pourrait-on reconnaître un homme comme maître de l’univers entier, s’incliner devant lui et l’adorer ? Alors qu’aux Indes, lorsque quelqu’un vient de découvrir qu’il est Dieu et qu’il l’annonce, on le félicite, au contraire, d’avoir enfin fait cette découverte ! Pour les Orientaux, Dieu n’est pas un maître dominateur, un meneur de jeu politique, au contraire, c’est le danseur, l’acteur du monde, le grand comédien qui joue tous les rôles. L’image de Dieu, dans la culture indienne, étant différente, un individu peut dire qu’il est Dieu. Interview par Jacques Mousseau, septembre 1968 Indications de lecture : |