Textes philosophiques
Serge Carfantan
la position de l'immatérialisme
. Si la matière est derrière mes
sensations, si elle est une sorte de cause non-sensible, non-pensante
de mes sensations (et non pas un ensemble de sensations) peut-on
vraiment affirmer qu’elle existe ? Non. C’est parler en l’air. Cette
matière-là n’existe pas. C’est un fantôme d’existence, ou bien un être
de raison. Ce qui existe, n’existe que pour la conscience : des
couleurs et des formes, des objets éloignés, ou même une autre vie
possible au bout de l’Univers. Pour me représenter un objet je suppose
toujours une flamme qui l’éclaire et qui en prend conscience,
c’est-à-dire un Je conscient. Ce témoin de la
Conscience
est impliqué dans toute appréhension de la réalité. De ce point de vue,
il n’y a pas de différence fondamentale entre la forme spatiale,
objective et la sensation subjective qui fait que je me sens-là bien
vivant, le canapé sous mes fesses ! La
seule différence, c’est que l’objectivité scientifique suppose un
consensus d’expérience dans la reconnaissance d’un fait valide pour
plusieurs observateurs. C’est tout. Et il n’y a rien à dire de plus.
L’objectivité scientifique est tout compte fait une intersubjectivité.
C’est donc encore de la subjectivité, même si, effectivement, elle
n’est plus la variabilité individuelle des sensations de froid, de
chaud, ou encore, les couleurs vues par le daltonien ou l’individu
ordinaire. Dans la subjectivité sensible ordinaire, les variations
peuvent être considérables. Donc avec des instruments de mesure, c’est
plus sûr. Ils sont une sorte d’extension fiable de nos sens.
Dans la croyance à l’objectivité absolue, nous attachons par erreur une
existence à l’objet, en oubliant qu’il n’y a pas d’objet sans sujet.
Nous avons inventé la matière en réifiant en fait des images que nous
avions préalablement conçues, et conçues en créant une dualité entre le
sujet et l’objet. Mais cette dualité n’existe pas, car il n’y a pas
d’objet sans sujet. Il ne peut y avoir d’observé sans observateur. . .
Leçons sur la Matière et
l'Esprit
ch. III, p. 69.
Indications de
lecture:
Le chapitre s'intitule : la raison et le sensible.Le PDF de la leçon
est diponible.


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