Textes philosophiques
Serge Carfantan
l'irréalité du passé
. Saint-Augustin dans Les Confessions
l’a très bien vu : « quand nous racontons véridiquement le passé, ce
qui sort de la mémoire, ce n’est pas la réalité même, la réalité
passée, mais des mots, conçus d’après ces images qu’elle a fixées comme
des traces dans mon esprit en passant par les sens. Mon enfance qui
n’est plus est dans un passé qui n’est plus, mais quand je me la
rappelle et me la raconte c’est son image que je vois dans le présent,
image présente en ma mémoire» Ce qui est
habite seulement le présent, car la réalité ne se donne que dans le
présent. Le passé était la réalité au moment où il était présent, mais
maintenant, il n’est plus ce présent qui n’est plus. Il n’y a dans mes
souvenirs qu’un passé qui relève plutôt de l’irréel que du réel. Le
présent a chuté, du manifesté,
dans
le non-manifesté. Ce que je nomme passé est le non-manifesté. Le passé
n’existe pas en tant qu’une réalité contre laquelle je pourrais buter à
même la perception. Et pourtant à sa manière, il est là, en nous, et il
nous parait important et très réel ! Comment un tel prodige est-il
possible ? Comment ce qui n’existe pas peut-il nous sembler malgré tout
réel ? N’est-ce pas parce que c’est un acte de la conscience qui pose
la réalité et justement la réalité du passé ?
Le passé est un mode qui appartient en propre à la conscience.
Saint-Augustin parle dans son langage « d’extension de l’âme ». En fait
un mode de l’esprit. Il ne nous est pas difficile de nous représenter
le passé parce qu’il est structuré dans le présent à travers une
rétention immanente au flux de la conscience. Nous voyons que nos
pensées vont et viennent et ne sont que de brefs éclairs dans le temps.
Nous voyons que nos émotions sont passagères. Nous voyons que le monde
change et que les anciennes structures disparaissent. Notre expérience
intérieure la plus primitive nous indique que le vécu est pris dans un
flux, qu’il y a une perpétuelle succession des vécus. Je sais que je
change et que je change toujours ; aussi, quand je contemple mon image
dans le passé, je me vois différent. Le temps crée de l’altérité,
d’instant en instant le temps engendre une continuelle métamorphose. Je
ne reconnais en fait dans le passé que certains moments, des
événements. Je mesure d’ailleurs mon passé au poids et à la densité des
événements qui y figurent.
Les
Leçons du Temps ch. I, p. 14-15.
Indications de
lecture:
Le chapitre s'intitule : les dimensions temporelles.Le PDF de la leçon
est diponible.
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