Textes philosophiques

Serge Carfantan      le socratisme et l'intention du mal


           . Dans un texte de Platon, Socrate montre à Protagoras que nul ne choisit le mal exprès, nul ne fait le mal volontairement, mais seulement par ignorance. Ainsi, la vertu, la bonne conduite, suppose une certaine connaissance. Elle suppose nécessairement au minimum un sens de la mesure, capable de nous affranchir de l’apparence ou de l’impression du moment, afin de faire un choix éclairé. L’ignorant s’égare et commet des erreurs. Il ne sait même pas comment faire pour aller là où il prétend aller. Il ne mesure pas la portée de ses actes. Il ne veille pas aux conséquences, alors qu’aucune action n’est sans conséquences et que les consé­quences, une fois lancées, sont au-delà de notre maîtrise. Il n’a pas le sens de la mesure, alors que précisément, le plus simple degré de la sagesse est au moins de garder le sens de la mesure. L’ignorance est donc un foyer chaotique d’actions, parce qu’elle Philosophie de la moraleest aveugle et inconsciente. Cela suffit pour faire du mal un pro­blème, mais sans qu’il soit pour autant nécessaire de supposer en plus une volonté sciemment mauvaise. Socrate n’hésite pas à dire qu’il vaut mieux subir l’injustice de que la commettre, ce que Gandhi répètera et montrera dans la théorie de la non-violence.
     Les grecs étaient bien sûr sensibles à l’idée d’une possession de la volonté par une force étrangère. Cependant, ils ne pensaient pas que les daimon étaient mauvais. Dans le Banquet, l’amour aussi est un daimon. Après tout, l’artiste inspiré est aussi possédé par le dieu, comme la Pythie. Si c’est le divin qui soulève au-dessus de lui-même dans l’inspiration, c’est que la possession en soi n’est pas si mauvaise. Elle peut être une élévation de l’âme. C’est le christianisme qui diabolisera le daimon socratique et inventera le Démon. Dans la culture grecque, on se tournait vers la tragédie et à la musique à qui on demandait d’effectuer un exorcisme de l’excès des passions humaines. C’est à l’éducation que l’on demandait une purification capable de préparer la conversion intérieure de l’homme dit « mauvais ». Ce qu’explique longuement Aristote. Donc, un homme ne peut être foncièrement mauvais, il ne l’est que par de mauvaises tendances. En tout état de cause, la volonté humaine ne saurait être perverse, elle ne peut qu’être méchante par inconscience et sous l’influence, mais sous l’influence il est vrai considérable, de tendances, de pulsions. Il ne faut surtout pas sous-estimer les forces inconscientes. Et pourtant, il faut le remarquer les grecs n’avaient pas de « mauvais diable » symétrique d’un « bon Dieu » à la manière des chrétiens.

  Philosophie de la Morale   ch. V,  p. 144-145.

Indications de lecture:

    Le chapitre s'intitule : l'ego et l'intention du mal.Le PDF de la leçon est diponible. PDF de la leçon


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