Serge CarfantanConnaissance de la Totalité
Ce livre se situe dans le prolongement d’un long travail de rédaction d’une série de leçons de philosophie qui avaient pour but de mettre sur le papier un bagage de connaissances solides destinées à enrichir la culture philosophique d’un public d’étudiants et d’amateurs éclairés. Et c’est dit sans ironie. Avec une petite dose d’esprit un peu pincé, cela voudrait dire que l’auteur est effaré par le constat d’une ignorance galopante et qu’il aimerait partager une poignée d’amis quelques réflexions sur le vif. Dire que ce volume est un prolongement c’est indiquer qu’il reprend en grande partie des éléments des livres précédents, mais qu’il est moins pédagogique, plus dense, plus difficile parfois et le contenu est moins universitaire. L’inspiration, comme certains aspects formels de l’écriture remontent assez loin à la lecture enthousiaste de La Gnose de Princeton de Raymond Ruyer. C’est vraiment le point de départ et cette lecture a été suivi de bien d’autres très déterminantes. Plus récemment, entre autres, l’œuvre de Ken Wilber et les recherches d’Erwin Laszlo. En rédigeant les 34 volumes des leçons certains thèmes revenaient sans cesse. Le volume Cinq Leçons sur la Matière et l’Esprit contenait en germe un projet, mais la forme des leçons ne convenait plus, elle ne laissait pas libre cours à la rédaction d’un essai plus structuré sur le thème de la Théorie du Tout. J’ai donc repris le projet en rassemblant les travaux précédents, tout en ajoutant plusieurs chapitres pour obtenir au final le texte que vous avez entre les mains qui ressemble bien plus à un essai. Sur le titre maintenant et l’originalité du projet. L’appellation « Théorie du tout » est entrée dans la littérature scientifique en 1986 par le biais de la revue scientifique Nature. Entré presque ne force il faut le dire tant l’expression a été tournée en dérision. Témoin Stanislas Lem qui se servait de cette expression pour se moquer des théories farfelues d’une sorte de professeur Tournesol qui apparaissant dans ses romans. L'expression « théorie du tout » est même présentée parfois de manière ironique chez certains chercheurs qui travaillent sur la théorie des cordes, théorie qui a pourtant la faveur du public comme modèle d’une future « théorie du tout ». Toutefois, la raison est ailleurs. Nous savons qu’une théorie physique n’a de valeur que lorsqu’elle est soumise à des tests capables de la mettre à l’épreuve, et même comme le disait Popper éventuellement de la « falsifier ». Rien de tout cela avec la théorie des cordes. On n’a encore trouvé aucun moyen expérimental de la tester. Elle est donc pour l’instant en l’état une élégante spéculation mathématique, mais rien de plus. Conséquence : personne ne sait ce qu’il en sortira et si finalement la « théorie du tout », la « théorie M » ne vont pas déboucher sur… rien du tout ! D’où l’autodérision sur l’expression « théorie du tout » qui rejoint les reproches que l’on peut faire à une théorie qui succombe aux généralisations hâtives. C’est chose bien connue dans le monde des philosophes, il ne manque pas de doctrines que l’on a généralisées en dehors de leur champ d’application pour tenter de tout expliquer. Dans les années 68 la transformation d’une doctrine en idéologie était monnaie courante. Le marxisme a été utilisé pour tout expliquer. Idem pour le freudisme ou encore pour le structuralisme. A l’époque on pouvait presque caser du Freud ou du Marx pour expliquer quasiment n’importe quoi : pourquoi pas la lutte des classes entre les espèces et entre les gènes ? Pourquoi pas la libido des molécules ou la sexualité des trous noirs tant qu’on y est ? Lassé de cet orgueil à prétendre posséder LA théorie qui devrait tout expliquer (en jetant aux orties toutes les autres), on a fini par se méfier des théories « totalisantes » qui n’étaient que des ambitions totalitaires de l’intellect. Alors pourquoi s’y remettre une fois de plus dans ce livre ? Premier point : nous assumons pleinement ici les analyses de Ken Wilber. Théorie en grec, comme darshana en sanskrit, cela veut dire « point de vue ». Il faut rester très modeste sur la valeur de n’importe laquelle de nos théories et garder en mémoire qu’aussi sophistiquée qu’elle soit, une théorie n’est rien d’autre qu’une carte, pas le territoire. Une carte c’est très utile pour se repérer, pour suivre des chemins, mais c’est très médiocre par rapport à la complexité du Réel. Comme dit Wilber prendre la théorie pour la réalité, c’est comme aller au restaurant pour manger le menu. A cette modestie il faut en ajouter une autre, celle qui consiste à ne pas prétendre balayer d’un revers de main toute théorie concurrente. Il faut plutôt saisir chacune d’elle dans le bénéfice qu’elle apporte à notre compréhension, dans le niveau de réalité qu’elle décrit. A cet égard donc une théorie du Tout serait donc synthétique. Donc pas d’exclusivité, ni de rejet de toute approche sérieuse et méthodique. Second point : le terme esquisse dans le titre de ce livre. Une esquisse, ce n’est pas le portrait définitif, ce sont des coups de crayons bien tracés qui laisse deviner un visage ou un paysage. C’est très suggestif, mais il n’y a pas tout le détail ; surtout c’est déjà assez ressemblant quand il s’agit d’essayer de rendre le modèle. Le modèle en question dans une théorie du Tout, c’est la Totalité elle-même et il se trouve que celle-ci est très ordonnée. Si donc il était possible de rassembler l’inspiration de quelques coups de pinceaux venus d’horizons différents sur une même toile, le résultat pourrait devenir très intéressant et même stimulant. Nous avons donc pris le parti de rassembler ici plusieurs études, c’est au lecteur à la fin de dire si le tableau est réussi. Le terme esquisse est donc choisi à dessin, ce travail ne constitue pas en lui-même une nouvelle théorie du Tout, il est avant tout philosophique, il propose de faire se rejoindre une série de découvertes et d’apports dans un seul ouvrage qui reste très ouvert. Le texte est volontairement limité. Il y a beaucoup d’aspects qui ne sont pas abordés et qui auraient pu y être inclus. La réception de ce livre décidera s’il faut lui donner une suite.
Commentaires
Hubert B:
Sarah A. |