Leçon 252.    droit et coutume        

    Vers la fin du XVIIème siècle en Suède, à la question de savoir si les femmes avaient le droit de témoigner devant un tribunal, la loi n’apportait pas de réponse précise. Le roi demanda auprès des cours d’appel quel était l’état de la jurisprudence sur cette matière, mais la jurisprudence répondit que cela différait suivant les cas et les coutumes. Le roi trancha donc la question par une ordonnance. C’est un exemple assez typique de l’opposition entre droit d’État et coutume. Avec la montée de la puissance des États, à la fin du XVIIème le droit coutumier entre en opposition avec le droit public. En effet, la loi édictée par l’autorité ne tolère pas de concurrence avec le droit populaire qui, sans cette prérogative, serait autonome. Il est dans la nature de l’État, comme puissance publique, d’évincer peu à peu le droit coutumier et on peut vérifier dans toute l’Europe à cette époque, dans une  intense activité législative on y voit clairement tout le zèle que mettait le pouvoir public à combattre le droit coutumier.

    Néanmoins, l’opposition est moins claire qu’il n’y parait. Après tout, une coutume longtemps appliquée a « force de loi » de manière aussi efficace, sinon plus,  qu’une loi émanant de la puissance de l’État. Non seulement cela, mais l’usage coutumier est dans la pratique des tribunaux… le meilleur moyen d’interpréter la loi. Sans compter qu’il arrive parfois qu’une coutume vienne  abroger une loi pourtant ancienne. On peut toujours dire, selon une formule convenue, que «si loi il y a, il convient de s’y conformer, et non à la coutume », mais on se tromperait grandement en imaginant que la seule autorité de la loi suffise. Quel rapport y a-t-il donc entre le droit et la coutume ?

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A. Coutume, droit et société

   On appelle coutume une forme de règle que l'usage a établi et qui s'est conservée d’elle-même, sans la forme écrite par le seul effet d’une longue tradition. La nuance entre la perpétuation d’une manière de faire à propos de telle ou tel sujet et la formulation écrite est importante, car l’écrit est davantage codifié et devient très vite une règle de droit. Pour les juristes la coutume est une règle de droit non écrite. Il suffit que l’usage soit devenu suffisamment constant et régulier, c’est-à-dire habituel, pour les hommes considèrent qu'il doit être quasiment suivi de manière obligatoire. Bref, c’est : « on a toujours en pareil cas procédé ainsi dans le passé, donc on doit continuer à le faire, c’est la coutume ». Faut-il pour autant la réduire à un simple phénomène social ?

    1) Comme la loi, la coutume est un phénomène collectif, on peut même dire qu’elle est par nature le social par excellence, elle est bien plus sociale que la loi, et surtout, elle n'émane pas de l’État. Elle tire sa provenance des modes de vie du groupe social dans telle région du monde, dans tel espace géographique. Il est impossible de dissocier une coutume de la région dans laquelle elle est pratiquée. Nous disons « coutumes locales » mais, à bien regarder, le plus souvent c’est une formule redondante.

    Peut-on distinguer la coutume de l’usage ? A priori c’est la même chose que de dire « il est d’usage de », «ou c’est une coutume ici de… ». Cependant, on peut aussi remarquer que toute conduite, tout usage de la vie sociale ne devient pas ipso facto une coutume. Un usage en vigueur est simplement ce que l’on fait. C’est très vague, très général. Une coutume est une conduite plus marquée, c’est un peu plus qu’un simple usage. On dit d’ailleurs dans le langage courant les us et coutumes.  Par exemple le pourboire est un usage de la vie sociale mais pas vraiment une coutume, pour qu’il y ait coutume, il faut le poids d’une habitude devenue tradition. La coutume a son mode d'élaboration propre : elle est la fois populaire, spontanée et surtout inscrite dans une culture. Le fait une fois répété devient une habitude au sein d’un même groupe social, dans un même lieu. Dans les Landes, la coutume, lors d’un départ à la retraite, est de planter une branche de pin dans le jardin auquel on accroche toutes sortes de babioles et le nom du retraité. On dira facilement : « la coutume veut que dans telle occasion on fasse telle chose ». Dans ce « veut » il y a une nuance d’obligation, mais ce n’est évidemment pas une loi. La coutume repose avant tout sur l’imprégnation lente d’un consensus social implicite, elle n'est jamais imposée à des sujets de droit de l'extérieur car elle vient d'eux-mêmes. Elle s’inscrit davantage dans la nature humaine et sa propension à l’habitude que dans le statut politique du citoyen qui se soumet aux lois. Il y a une différence entre le fait de perpétuer une coutume et le fait de se soumettre à des lois. Cicéron définit la coutume ainsi : « le droit qu’un long espace de temps a rendu obligatoire par la volonté de tous, sans intervention de la loi ». Il suffit dans la coutume qu’une fois l’usage formé, comme une habitude gardée en mémoire, que plus personne parmi ceux qui suivent la règle ne se souviennent d’un usage contraire, alors on peut tout simplement s’y soumettre.

    2) Ceci dit, s’agissant des coutumes, dans le cadre de notre question, on peut avec les juristes formuler quelques distinctions :

    Les coutumes populaires constituent toutes sortes de pratiques courantes qui peuvent ne pas avoir de portée juridique. Les usages deviennent coutumes seulement quand les intéressés ont conscience de leur caractère obligatoire.

Il y a trois sortes d'usages de ce types: locaux, professionnels et conventionnels.

    - Les usages locaux prennent racine dans une région particulière. La coutume ne prétend qu'à un champ d'application limité, défini par une localisation géographique déterminée. Et ceux qui la pratiquent en ont clairement conscience. Elle ne peut complètement disparaître. Actuellement, même en régime d’état de droit, les usages d’une région à l’autre restent variés et suivis. Ils sont largement respectés y compris sur des questions qui touchent de très près au droit, notamment en matière foncière, rurale ; tellement que le code civil lui-même renvoie à l'usage des lieux pour déterminer certaines règles, par exemple la hauteur des clôtures et la distance des plantations. Nous en, avons de multiples exemples. Le code civil ne se prive pas de renvoyer pour l’interprétation de la loi aux usages locaux, témoin l’article 1159 du Code civil qui dit que : « Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est d’usage dans le pays où le contrat est passé. »

    - Les usages professionnels se développent au sein de la déontologie d'une profession déterminée et tendent à régir les rapports des membres d'une même profession dans son exercice. Il n’existe pas de profession sans ses usages. Ces "pratiques de métiers" sont particulièrement importantes en droit commercial et en droit du travail. L’apprenti, le débutant dans une carrière, apprend « ce qui est d’usage » dans la profession qu’il a choisi.

    - Les usages conventionnels désignent des manière de faire qui sont destinés à régir les relations contractuelles entre particuliers: ils permettent de déterminer dans les contrats certaines obligations secondaires qui demeurent implicites, ils viennent en quelque sorte compléter la loi. Là encore le code civil n’est pas en reste et y fait explicitement mention témoin l’article 1160 : « On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas exprimées. »

    - Les coutumes savantes désignent un assortiment de pratiques véhiculées par les juristes qui représentent la tradition juridique. Ils sont de deux sortes: les maximes juridiques et les principes généraux du droit. Les maximes juridiques sont aussi appelées des  adages. Les juristes adorent les réciter, ce qui donne parfois aux documents juridiques un côté précieux et même obscur, bref un jargon juridique. Les maximes juridiques sont des formules imaginées par la jurisprudence pour traduire la règle de droit. Elles sont très anciennes et ont pour objet de condenser et de rendre parlante des règles de droit communément admises. C'est pourquoi les adages sont souvent formulés en latin ou en vieux français. Certaines d’en elles sont passées dans le code civil, mais on peut aussi observer que la majorité ont une autorité ont une autorité propre. On en use un peu comme des proverbes que l’on récite en enfilade. Tous les principes du droit ne sont pas formulés sous la forme d'une maxime mais toutes les maximes forment de grands principes. Exemple : "infans conceptus pro nato hobetur", ce qui veut dire : « l'enfant conçu est considéré comme né ».

    - Les principes généraux du droit peuvent être formulés de la même manière. Certains de ces principes ont une valeur juridique universelle et sont souvent communs dans les  systèmes juridiques occidentaux. Par exemple : "Nul ne peut s'enrichir impunément au dépend d'autrui". La maxime "Qui habet commoda ferre debet onera et contra ». "Ce qui veut dire : Celui qui jouit des avantages doit supporter aussi les charges et vice versa ».

    La coutume est donc bien une règle issue d'un usage prolongé, accompagnée de la croyance, plus ou moins consciente, que cette même règle demeure obligatoire et doit être perpétuée. On voit donc que dans pratique (non dans la théorie) la coutume ne peut pas être complètement opposée au droit. L’opposition serait justement purement théorique. La coutume peut même être considérée dans certains cas comme la source du droit, si l'on considère que le législateur, comme le juge,  s'y réfère implicitement ou expressément, pour fixer une conduite à tenir. Enfin, autre point d’une grande importance, nous sommes en France habitué au code Napoléon, nous posons sur la table du juge le code civil, comme la Bible est à la portée de main du prêtre. Cependant, dans beaucoup d’autres pays, le code a une place bien moins importante, les juristes privilégient la référence à un droit non écrit ou l’usage des précédents en matière juridique ».

B. Le triomphe de la loi sur la coutume

    Nous n’avons pas pour autant expliqué pourquoi la loi, en tant que figure d’autorité, a fini par avoir raison de la coutume. Difficile d’envisager autre chose ici qu’une explication historique. On remarquera par exemple qu’au Moyen Age les usages et les coutumes permettaient de régler la plupart des questions qui sont aujourd’hui du ressort du droit. Si au Moyen-Age la coutume pouvait rencontrer un tel succès, c’était justement en raison du déclin des lois et du manque de structuration claire de l’État. Inversement, il est tout aussi évident qu’à partir de la Révolution française, ce qui a été promu, c’est le règne assumé et sans partage de la loi contre l’usage et la coutume. Faut-il pour autant y voir une logique qui participe de la formation des  États modernes, ou n’est-ce qu’un soubresaut historique ? La montée en puissance de l’État va-t-elle de pair avec la mise sous le boisseau de la société civile et de ses propres pouvoirs, y compris la manière par laquelle elle peut régler ses propres affaires par le biais de la coutume ?

     1) Tenons-nous en à l’histoire de la Révolution française. Il est clair qu’à partir de 1789, on a assisté à un gigantesque effort de codification et la loi a été effectivement proclamée comme source unique du droit. S’il est un mérite que nous concédons à Napoléon, c’est bien la rédaction du Code. Il ne s’agissait pas seulement d’une simple suprématie hiérarchique sur la coutume mais bien plutôt d’une entreprise plus vaste de pouvoir visant à montrer aux yeux des citoyens que la loi, en tant qu’elle émane de l’État est la source exclusive du droit.

    La raison purement théorique est amplement démontrée par Rousseau dans le Contrat social : si la loi peut avoir une autorité légitime, ce n’est pas en tant qu’elle est un simple décret plus ou moins arbitraire du pouvoir en place, décret auquel il suffirait de se soumettre. Elle doit être plus qu’un simple usage que l’on perpétue sans qu’il y ait de solides raisons et une considération du bien commun. Non, dans un régime fait pour assurer la liberté de chacun et le bien de tous, la loi tire sa légitimité de ce qu’elle est avant tout une émanation de la volonté générale. Or nous admettons pour des raisons morales assez fortes pour être compréhensibles par tout un chacun, que le souci du bien commun ne peut pas être dissocié de notre propre bien. La volonté générale, en tant que volonté véritable d’un peuple ne peut que se vouloir du bien à elle-même et ne peut véritablement porter préjudice à personne. C’est la raison pour laquelle le contrat social, quand bien même il reste implicite, demeure universellement partagé et admis. Nous admettons que dans la mesure où le pouvoir politique fonctionne dans la perspective du bien commun, la loi a une autorité morale sur chacun d’entre nous.

    Il n’est que deux conditions qui puissent rendre la loi caduque : le fait qu’elle deviennent, par le biais d’une mise en place d’une forme de régime tyrannique, le décret arbitraire d’un despote ; ou encore, l’idée que le principe de la loi serait violé si le citoyen en venait à réclamer une liberté qui outrepasse les limites de la liberté civile.  La revendication d’une liberté naturelle est incompatible avec la structure même de l’État, le respect et la liberté des citoyens.  Nous pouvons admettre que l’intérêt de tous est supérieur à notre intérêt personnel, nous pouvons comprendre que l’élaboration de la loi est liée au bien commun et que nous en sommes implicitement l’auteur.

    Bien sûr nous ne pouvons dans l’État tous siéger à l’Assemblée, alors nous avons admis (ou nous avons bien été forcé d’admettre) le principe de la représentation des citoyens pour que la volonté du peuple soit portée par des hommes qui, comme le dit Rousseau, ne seront jamais plus que les « ministres » du peuple et rien d’autre. La Souveraineté appartient au peuple et non à un individu, fut-il chef d’État ou député. Si les représentants du peuple représentent effectivement la volonté générale, ils agissent dans le souci du bien commun et non dans le souci de leur propre intérêt, alors il n’y a nul doute que l’édification de la loi permettra de contribuer à la pacification de nos relations politiques, au règlement par le droit et non par la force dans des situations de conflit. L’usage de la loi sera une manière de faire entrer un plus de raison dans le règlement des échanges. Un peu plus de rationalité. Inversement, ce que l’on peut reprocher à la coutume c’est son caractère irrationnel. (texte) Il est très faciles d’exhiber toutes sortes de coutumes qui placées devant la raison semblent aberrantes, qui, devant la conscience morale, semblent aussi injustes. La coutume n’a pas été érigée sciemment dans un souci de justice, elle se perpétue telle qu’elle, comme une manière de faire, un point c’est tout.  La loi possède elle une légitimité démocratique et répond à un impératif de justice au sens moral du terme. Étant donné que la loi reflète la volonté morale des citoyens, en supposant bien sûr qu’elle sera effectivement portée par ses représentants, il est logique que le droit s’applique à tous, car il s’applique à tous ceux qui l’ont voulu. (texte) Enfin, on ajoutera encore que dans un régime bien établi, les citoyens demeurent maîtres de leur destinée législative. Ils peuvent faire et défaire les lois s’ils s’avèrent qu’elles souffrent d’imperfections. Une loi étant décidée n’a pas l’inertie de fait d’une coutume qui se perpétue sans décision réelle. Elle possède aussi ce grand avantage de proclamer un droit identique pour chacun. Le droit permet donc de réaliser et de garantir l’égalité entre les citoyens. La loi d’emblée s’étend vers l’universel tandis qu’un usage reste lui limité dans le champ du particulier. On peut même dire qu’il a quelques difficultés à devenir ne serait-ce que coutume tant que le contrat implicite qui le fonde n’a pas été admis par tous les membres de la communauté. Inversement, la loi jouit d’emblée de cette reconnaissance qui vient du fait qu’elle a été – dans son principe - approuvée par l’ensemble des citoyens.

    C’est donc en toute logique que les lois révolutionnaires qui ont tant emprunté à Rousseau, devaient abolir les coutumes, d’abord dans les domaines réglés par la loi, puis progressivement partout où l’on pouvait remplacer l’usage par la loi. Il fallait balayer avec Voltaire le fanatisme et faire en sorte que l’autorité de l’État ne soit plus mise en cause par le pouvoir religieux. Avec le triomphe de la raison, il était de bon ton de se moquer des superstitions, mais comme il est bien difficile de tracer  une limite très nette entre coutume et superstitions, il est plus aisé de les ranger dans le même sac l’un et l’autre, quitte à les mettre sur le dos de l’Ancien Régime. Celui dont on veut se débarrasser. Les révolutionnaires élevaient même un nouveau culte, celui de la déesse raison ; et même si ce délire fait plutôt sourire, il en restera que le message du siècle sera en tout domaine de montrer la suprématie de la raison sur toute autre autorité. On passait d’une légitimation du pouvoir par la tradition à une légitimation du pouvoir par la légalité. L’autorité de la coutume devait désormais laisser place à celle de la raison. La raison seule peut édicter le droit pensait-on. En d’autres époques et sous d’autres civilisations, les lois venaient des dieux. Les Lois étaient celles du Cosmos avant d’être celles de l’homme. (texte) Mais au siècle de la raison, la loi doit être de raison ou bien n’avoir de titre de séjour que celui de la croyance ou du mythe. Puisque le Code entend être la source unique du droit, il doit dire tout le droit, dans le principe même, cela veut implique qu’il n’y a pas d’autre source de la loi que le Code, si ce n’est éventuellement par un renvoi du code lui-même à quelques usages locaux, qui seront alors encadrés par la loi.

    2) Malgré son ambition – disons le tout net – totalitaire, le Code ne peut pas tout prévoir ni tout régler, quand bien même il serait dans son principe complet, ce à quoi il prétend en effet. Ce qui en en fait un système. Il est lui-même victime de l’inertie que l’on reproche à la coutume et à un degré plus sévère, car il est bien plus raide et figé. Une fois rédigée, une loi demeure telle qu’elle a été écrite, mais le monde lui change, comme les hommes, les moeurs et les mentalités se modifient. Le Devenir fait son œuvre et avec lui le grand principe du Changement. Il y a avec le temps inévitablement décalage entre la loi et le monde factuel tel qu’il est devenu, certaines lois deviennent désuètes, le changement des mœurs implique adaptation ou modifications de la loi. Il est d’usage en pareil cas d’interpréter la loi suivant l’usage qui permet une convention recevable entre les partis qu’elle concerne. Même dans les pays soumis à un rigorisme moral assez strict, on voit que le temps érode peu à peu les remparts de la loi. Et c’est un phénomène universel. La même logique se rencontre partout où sont érigés des États. En 2015 la Corée du Sud, qui était pourtant un des rares pays à considérer l’adultère comme un acte criminel, a aboli une loi datant de 1953. L’argument donné par le président de la cour était le suivant : « même si l’adultère doit être condamné comme immoral, la puissance publique ne doit pas intervenir dans la vie privée des individus ». Ce retrait de la loi au profit du jugement moral est très significatif. Le changement des mœurs a eu raison de la rigidité de la loi parce que la représentation de la notion des droits en matière de vie sexuelle avait changé. Le mental collectif n’est pas ici un lieu de représentations immobiles, les opinions que le composent sont vouées au changement. Comme nous l’avons vu, le fait le mieux établi en matière de philosophie morale est précisément la relativité des mœurs. Nous avons aussi vu précédemment pourquoi il n’est pas possible d’identifier complètement le droit à la morale, ni de le séparer entièrement de la morale, ce qui n’aurait aucun sens. Il ne faut pas croire que la loi soit capable de régler quoi que ce soit dans le registre de la morale, quand elle est elle-même soumise au changement des mentalités. Elle en reflète pour un temps le consensus jusqu’au moment où elle n’est plus en prise avec son époque, avec la société qu’elle régit. On ne coupe plus la main du voleur au dessus de 100 livres en Grande Bretagne. Il faudra donc interpréter la loi selon de nouveaux usages.

    Donc, tout bien compté, c’est une foule de choses qui demeurent laissées à l’empire de l’usage que l’on pourrait imaginer relever seulement du droit. Que fait la loi ? Elle fixe les maximes générales du droit, elle pose des principes et les hommes de loi en tire les conséquences. Cela fait partie du raisonnement juridique. Mais il n’appartient pas à la loi de descendre dans le détail des choses, dans le détail des faits (texte). Elle en est incapable ; son règne est toujours celui de la généralité (R) et non la bigarrure du particulier qui fait qu’un cas n’est jamais strictement identique à un autre. Or comme le note Aristote, il n’y a d’existence que dans le particulier, il n’y a pas d’existence du général, le général ne fait que subsumer le particulier qui seul existe ; et bien sûr nous touchons ici au domaine de la matière. Par le bas l’esprit rencontre l’inépuisable cristallisation de la matière, le poudroiement de la multiplicité. La codification a beau faire, elle ne peut jamais venir à bout de la source matérielle de la coutume. Dans le langage de Hegel, on dira qu’il subsiste toujours dans le réel une naturalité du droit qui reste irréductible et rebelle à l’esprit objectif. Le juriste Portalis écrit : « L’office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit : d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière ». C’est plus que de la dispute sur des points de détail, c’est le détail lui-même qui est incarné dans chaque cas.

    Nous avons cité plus haut deux articles du code où il est explicitement fait mention de l’usage. On voit que dès qu’il s’agit d’obtenir un accord des volontés, dès qu’il s’agit de contrat, il y a une place qui est laissée à l’usage. Les juristes diront que ce qui donne sa force à l’usage, c’est son aptitude à permettre l’accord des parties. Cependant, il a, par rapport à son rôle dans des régimes précédents, perdu sa force de loi, mais gagné sa force de convention entres parties. Toujours est-il, et c’est là aussi un phénomène universel dès que l’État prend de son empire, à partir du moment où on considère ce qui se fait à l’intérieur de frontières définies, il est certain que la loi a le plus souvent de plein fouet heurté les usages qui – on le voit bien dans la lignée de la Révolution – se sont considérablement restreints. Et depuis, il semble que l’inflation de la réglementation par la loi n’a cessé de croître, on légifère à tout va et sur presque tout oubliant le conseil que Platon donnait d’éviter de multiplier les lois sans nécessité.

C. Droit, coutume et fiction sociale

    Hegel reste le contempteur de l’État qu’il se représente comme la manifestation de l’Esprit absolu sur Terre ; cependant, au niveau humain, qui est relatif et non absolu, on voit bien que la puissance du droit ne parvient pas à effacer le règne de la coutume. S’il existe une grande diversité des coutumes pense Hegel, quand bien même l’Histoire serait passée par là en marche vers la construction de l’État, c’est qu’il n’est pas possible de les réduire. C’est ce fond de naturalité qui existe dans l’histoire même de tous les États. Inversement, de la même manière, la morale concrète ne peut pas devenir une morale absolue. Chaque peuple demeure différent d’un autre peuple en raison de son enracinement naturel, d’où le mirage qu’il y aurait à faire l’apologie d’un droit d’État universel, quand dans la pratique juridique on rencontre nécessairement ce qui fait la particularité d’un peuple. Ce qui soulève une question gênante qui a trait au relativisme en matière de mœurs qui serait peut être le dernier mot contre les ambitions du droit.

    1) Impossible de faire l’impasse sur ce qu’en dit Pascal dans les Pensées. Les hommes doivent nécessairement en société trouver moyen de régler leurs partages et leurs différents. Mais on ne peut comprendre comment ils peuvent y parvenir qu’en saisissant la nature de leur esprit. L’esprit humain est ouvert à la persuasion comme à la conviction (R) . Il faut reconnaître qu’à l’étage le plus commun la pensée est mécanique, ce n’est qu’à son étage le plus élevé, celui d’une raison éduqué, que l’esprit possède davantage la gouverne de lui-même. Pascal écrit : « Nous sommes automate autant qu’esprit. Et de là vient que l’instrument par lequel la persuasion se fait n’est pas la seule démonstration. (texte) Combien y a-t-il peu de choses démontrées ! Les preuves ne convainquent que l’esprit ; la coutume fait nos preuves les plus fortes et les plus crues : elle incline l’automate, qui entraîne l’esprit sans qu’il pense ». Pascal ne condamne pas la coutume, mais au contraire la justifie, reconnaissant le fait évident que c’est par elle que les hommes entrent dans l’ordre social, ce qui implique sans distinction  la totalité des structures sociales : les modes de vie, les mœurs d’un pays, mais aussi la jurisprudence et le système politique ; en fait, tout pouvoir qu’il soit spontané ou institutionnel s’imposant aux membres de la communauté politique. Que l’on prenne quelque règle que ce soit, elle sera toujours « tournés en habitude », et avec le passage du temps, quelques générations plus tard, elle finira inévitablement par être considérée comme « naturelle ». Mais rien de plus faux, car l’édification du monde humain est une fiction sociale dûment acceptée comme nécessaire. C’est juste que les hommes oublie son origine et ainsi, elle perd au regard de l’esprit qui s’y accoutume son caractère de fiction. L’imagination est maîtresse du monde (texte) et c’est elle qui produit les illusions dans lesquelles les hommes vivent.

    Pascal est très incisif. Ce que les membres d’une société voient comme nécessaire est en réalité arbitraire : « Trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence. Un méridien décide de la vérité. » Et puis, ce texte célèbre qui nous demande de considérer comment la loi est rendue dans le pays voisin pour observer que la  législation y est toute différente : « Plaisante justice qu’une rivière borne ! Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » (texte) Enfin, la violence de cette diatribe qui nous dit qu’en traversant un bras de mer, on pourrait presque être loué pour ce qui passerait chez soi pour les crimes les plus horribles : « Le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses.» Descartes, dans le Discours de la Méthode,  conseillait d’aller lire dans « le grand livre du monde »,  lui aussi avait insisté sur la relativité présente dans les mentalités. Il soulignait jusque dans la mode les fantaisies humaines. « comment, jusques aux modes de nos habits, la même chose qui nous a plu il y a dix ans, et qui nous plaira peut-être encore avant dix ans, nous semble maintenant extravagante et ridicule ». Mais c’est surtout à Montaigne dans les Essais que l’on pense quand il s’agit de cerner la relativité présente dans les mentalités collectives. (texte) C’est Montaigne qui mettait le doigt sur les prodiges de l’imagination humaine : «  J'estime qu'il ne tombe en l'imagination humaine aucune fantaisie si forcenée, qu'il ne rencontre l'exemple de quelque usage public, et par conséquent que notre discours n'étaie et ne fonde».

    Il n’y a pas vraiment de règle pour qu’une coutume s’établisse, il n’y a pas de raison derrière ses effets et par défaut, il n’y a pas non plus de justice humaine qui soit constante, ce sont les usages qui sont en tous temps pris pour modèles. De manière tautologique l’usage est justifié par l’usage, jusqu’à ce qu’il change et qu’un autre prenne sa place et toujours avec aussi peu de raison. Ce n’est pour Pascal  que « témérité du hasard » si les usages persistent et si d’autres apparaissent. Ce que le temps a établi, il finit aussi par le défaire et puisque dans le relatif, tout est temporel, lois, us et coutumes sont dans la même barque du temps, donc dans le jeu du changement. Pascal vise directement la jurisprudence : « En peu d’années de possession les lois fondamentales changent. » Si la « témérité du hasard » gouverne tout le jeu de la vie humaine, comme ses lois, il faut nécessairement en conclure que les fondements sont inconsistants et puisqu’ils sont à ce point dépourvus de substance, ils ne sont rien d’autre en définitive que folie. « La puissance des rois est fondée sur la raison et sur la folie du peuple, et bien plus sur la folie ». Mais le paradoxe, c’est que Pascal souligne en même temps que cette folie particulière qui opère dans la coutume possède une force d’exigence « admirablement sûre ». Un peuple qui suit les coutumes ne voit pas leur défaut d’autorité et leur manque de justice. Pourquoi ? Il s’invente une justice par imagination qu’il surimpose aux lois et aux pouvoirs en place. Qui obéit aux lois « parce qu’elles sont justes, obéit à la justice qu’il imagine, mais non pas à l’essence de la loi » dit Pascal. C’est le « fondement» de l’autorité qui se réduit donc à peu de chose : le seul fait qu’elle soit reçue ! Usage général et prolongé, repetitio, croyance en l’existence d’une sanction nécessaire si on contrevient à l’usage opinio necessitatis. « La coutume est toute l'équité, par cette seule raison qu'elle est reçue. C'est le fondement mystique de son autorité qui la ramènera à son principe l'anéantit». Pascal dit que celui qui remonte au fondement de la coutume détruit tout le prestige qu’elle possède.

      2) Tant que la gouverne du monde se fait dans l’illusion et que le respect de l’édifice social est fondé sur les prestiges de l’imagination, c’est un acte particulièrement séditieux que de montrer la vérité à tous ceux qui ne croient que dans la fiction des apparences: « Il est dangereux de dire au peuple que les lois ne sont pas justes, car il n’y obéit qu’à cause qu’il les croit justes. C’est pourquoi il faut lui dire en même temps qu’il faut y obéir parce qu’elles sont lois, comme il faut obéir aux supérieurs non parce qu’ils sont justes, mais parce qu’ils sont supérieurs. Par là voilà toute sédition est prévenue, si on peut faire entendre proprement cela et que proprement c’est la définition de la justice ». On voit donc qu’il y a nécessairement un fossé entre la véritable justice et la justice humaine, entre la justice qui incarnerait une très haute valeur d’équité, de sagesse, de sens moral et celle que nous connaissons qui dissimule ses véritables intentions, intentions qui n’ont trait qu’à la préservation de la paix sociale. Mais il faut éviter par-dessus tout la sédition qui porterait à la violence civile, le plus grand des maux. Donc, pour maintenir une stabilité relative, le jeu social est pipé, la tromperie masquée, l’illusion du pouvoir maintenue. Ils ne reposent sur rien de substantiel si ce n’est une illusion collective perpétuée dans des coutumes suivies et respectées. En bonne habileté politique il faudra par conséquent détourner les yeux du peuple de la contingence des coutumes et des lois en les faisant passer pour nécessaires, qui plus est décrétées par la Nature ou même voulues par Dieu, tant qu’on y est. Révérer la coutume, les lois – alors qu’elles relèvent de l’arbitraire humain-  donne un semblant de majesté, une auréole de sacré, à une loi qui n’est en définitive ni celle de la Nature, ni celle de Dieu.

    Le rapprochement est évident, on trouvera ces mêmes arguments chez Machiavel dans Le Prince. Tant que le peuple suit la coutume, sa conduite reste sociable et le Prince lui aussi de son côté doit honorer les traditions. Il peut même se laisser aller à y croire, mais toujours en ayant « une pensée de derrière ». Il ne faut pas se méprendre sur le fond car il s’agit d’une illusion entretenue. Pascal affirme que « pour le bien des hommes il faut souvent les piper ». Il faudra dissimuler l’origine fictive de la coutume afin de faire croire aux hommes qu’elle est « authentique » et même « éternelle », alors qu’en réalité elle est purement fonctionnelle comme police implicite exercée dans une communauté.

    Mais attention, Pascal, même avec une critique aussi sévère, est très loin de se ranger dans le camp d’un positivisme juridique qui rejette l’existence du droit naturel ou celle d’un droit divin. Il semble contester la doctrine des juristes du droit naturel. Oui, de fait, la loi humaine n’est ni celle de la Nature, ni celle de Dieu, mais il existe une loi de la Nature et une loi divine. La Loi naturelle a un fondement transcendant et elle est éternelle. Dans le langage chrétien, c’est en raison de la Chute que l’homme ne la voit plus, le péché a tout corrompu et les hommes ne savent plus reconnaître la divinité de la justice. La coutume est corrompue comme la loi humaine est corrompue, parce que l’esprit est corrompu. La véritable justice est donc ici-bas absente parce que son intuition est inaccessible à une raison dévoyée et c’est dès lors l’imagination qui dispose de tout. Le véritable tragique de la condition humaine est là : non pas que le monde ou la vie humaine soient absurdes ou qu’il n’existe pas de loi naturelle ; non, le tragique est qu’il existe une loi naturelle mais que plongé dans l’illusion, l’homme ne peut la connaître. « Il y a sans doute des lois naturelles, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu » et dès lors, tout se passe… comme s’il n’y en avait pas du tout. L’homme égaré soupire auprès d’une vraie justice, mais il a construit un monde d’illusion et demeure prisonnier des fictions d’une coutume qui n’a rien à voir avec la justice véritable. L’esprit humain a échafaudé des lois arbitraires et les a multipliées sans rime ni raison, là où il aurait dû suivre celle de l’amour et de la charité. La raison prise de délire a été jusqu’à proclamer comme juste des abominations (le vol, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères). Plaisante justice ! Terrible ironie devant l’absurdité du tableau : divertissement futile, arbitraire des hommes et bons plaisirs des puissants. La loi qui traverse un temps n’est pas considérée pour ce qu’elle est, aux yeux du sens commun, le seul fait qu’elle résiste au changement devient preuve de sa validité. Le bon peuple croit aux lois et « prend leur antiquité comme preuve de leur vérité ». Les hommes manquant de lucidité et n’écoutant que leur imagination, ne voient pas l’arbitraire, la coutume recouvre tout et devient une seconde nature. Pascal dit au final que celle-ci détruit la première nature.

    Si maintenant nous reprenons l’argument relevé plus haut par l’autre bout, en quoi consiste par excellence un acte révolutionnaire ? Bien entendu dans la mise en évidence de la fiction de la coutume. « L’art de fronder, bouleverser les États » revient à «ébranler les coutumes établies en sondant jusque dans leur source pour marquer leur défaut d’autorité et de justice ». Il faut dire en toute clarté, l’ultime subversion consisterait en toute radicalité à voir l’illusion en tant qu’illusion. Sur le plan métaphysique. On peut dire qu’effectivement le tournant de la Révolution française saura « sonder jusque dans sa source le défaut d’autorité et de justice » des coutumes et des lois de l’ancien régime. Mais les révolutionnaires n’iront pas jusqu’à voir l’illusion en tant qu’illusion, ils voudront donner à la loi, comme émanation de la volonté générale, la seule caution recevable de la justice, aux dépends de la coutume. Un progrès certes, mais un progrès à l’intérieur de l’illusion aurait soutenu Pascal, car rien n’est pour autant changé quant au règne des puissants, l’arbitraire de la loi et au mécanisme psychologique de soumission de l’habitude.

    Et à la racine, pour Pascal, ce qui empêche toute justice d’être véritablement juste, c’est le moi ; haïssable parce qu’il se met au centre de tout, le moi haïssable parce qu’il détourne toute justice vers un intérêt personnel et égocentrique. On voit donc toute la vanité qu’il y aurait à croire que la justice humaine est à même d’éradiquer la corruption des hommes dans leur nature seconde. Les hommes qui font les lois, ceux qui les applique et les font respecter, les citoyens qui leur obéissent, tous sont du même bois de la seconde nature. La justice ne peut dans la vision de Pascal que tout au plus pacifier les relations sociales d’un ordre qui est de toute manière mauvais en raison du péché. Cet ordre, elle est capable de lui apporter un peu d’équilibre, mais elle restera impuissante à le sauver. Si bien intentionné que soit la loi, elle ne peut pas changer l’homme intérieur. Seule la grâce pourrait délivrer les hommes de leur concupiscence en les délivrant de leur « moi » et la loi de la grâce est alors délivrance, délivrance dans l’amour et la charité. Mais la grâce n’est pas affaire de justice ou de droit, la grâce passe la raison humaine, raison qui ne peut par ses seuls moyens même pas engendrer la foi, puisque la foi est un don du cœur et non de la raison.

    Telle est la position on dira très pessimiste ou terriblement lucide de Pascal. Renan disait de « Pascal ce terrifiant génie ». Ce qui est surprenant, c’est qu’elle soit si peu éloignée de celle de Machiavel, alors que l’on s’attendrait à ce que la ferveur chrétienne de Pascal l’éloigne du cynisme politique de Machiavel. Mais ce n’est pas le cas ;  l’austérité morale de la doctrine théologique du péché chez Pascal fait obstacle. Il n’empêche que la vision pascalienne nous montre combien il serait illusoire de placer le droit dans une sphère idéale exempt de toutes les corruptions de l’humaine nature.

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Droit et coutume sont dans la pratique juridique intimement liés sans que l’on puisse de fait résorber entièrement la seconde sous le premier. Le combat révolutionnaire de la loi contre la coutume a pourtant un sens qui n’est pas celui d’un combat idéologique pour la promotion d’une sorte de doctrine de la raison législative. Il mérite d’être souligné dans certains cas, en effet, si la coutume ne fait que se perpétuer, elle peut perpétuer n’importe quoi, y compris le pire. Tout ne mérite pas d’être sauvé dans les traditions. Il faut faire la part des archaïsmes dépassés, des brutalités recouvertes sous le gentil nom des « coutumes locales » et de ce qui a une valeur. Tradition et révolution donc.

Des exemples nombreux dans l’histoire nous montrent que la loi peut, comme on dit, « faire changer les choses», quand l’inertie de la coutume est bien trop pesante. La loi peut faire évoluer les mentalités, produire une révolution là où la tradition serait trop rigide et maintiendrait des coutumes d’un autre âge. L’interdiction par la loi du châtiment corporel sur les enfants en Suède a été bien intégrée dans la conscience collective, si bien que des années après sa promulgation, les mentalités ont changé. Les lois interdisant l’infanticide des filles, l’excision, les formes d’humiliation, de discrimination, de harcèlement etc. ont un rôle à jouer. Elles tendent à montrer qu’il existe une puissance du droit face à la persistance de conduites que l’on souhaite abolir. De là vient peut être cette propension des politiques à penser qu’en votant une loi on peut régler un problème. Mais la critique de Pascal nous oblige à tempérer l’enthousiasme qui porte à légiférer à tout va. Il faut se demander si la loi est juste, il faut demander quels sont les rapports de forces présents dans la loi, si elle n’est pas avant tout un enjeu de pouvoir au service des puissants, ou même entre autres, des puissances de l’argent, si elle est vraiment dans l’intérêt du bien commun. Dans ce monde sans règle qui est le nôtre, la présence de la loi rassure et offre des garde-fou. On en oublierait presque qu'elle n'est pas tombée du ciel, même s'il est vrai qu'elle a son utilité.

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     © Philosophie et spiritualité, 2015, Serge Carfantan,
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