Nous
savons que le
changement
perpétuel est dans la nature même du Devenir.
S’il y a bien une loi métaphysique qui ne souffre pas d’exception, c’est
qu’ici-bas, tout change et tout change toujours. Ce que nous souhaitons, ce que
nous voulons et ce que nous encourageons, c’est un changement qui soit
évolutif.
Pas le « changer pour changer » du consumérisme et de la mode. Tout changement
se fait dans un processus. Il y a effectivement un processus dans la formation
des étoiles, dans le développement du système solaire, une évolution des espèces
vivantes qui part de la soupe primitive de la Terre et aboutit aux organismes
vivants que nous connaissons aujourd’hui. Une
évolution
qui va du simple vers complexité croissante,
jusqu’à atteindre le point où l’évolution manifeste un être dans lequel
l’évolution peut devenir consciente d’elle-même. On peut dire que la Nature sur
Terre a attendu l’avènement de l’être humain pour se voir elle-même dans son
immense créativité tout au long de l’évolution.
Néanmoins, quand il s’agit de comprendre l’articulation d’une évolution de la
Nature qui serait prolongée dans l’Histoire, ce n’est plus seulement une
question de complexité qui est en jeu, mais le règne des
complications. Il y
a des auteurs, comme Teilhard de Chardin, qui ne doutait pas que l’homme
pourrait accomplir la destinée évolutive de son espèce dans le développement,
après celle de la biosphère, de la
noosphère,
la sphère de l’esprit. Notre époque est plus sceptique, plus amère et déceptive,
elle pencherait pour le cynisme sur l’avènement de ce que Teilhard appelait « le
point oméga ». Néanmoins, nous avons vu qu’avec la théorie de la spirale
dynamique, nous disposons d’un instrument théorique pour tenter de comprendre la
temporalité de l’humanité. Cependant, dans la précédente leçon, nous n’avons pas
pu répondre en termes d’évolution. Nous en sommes restés à une élucidation du
processus du changement, ce qui est bien plus modeste que la projection d’un
Shri Aurobindo dans Le cycle humain
ou Teilhard de Chardin dans
Le Phénomène humain.
Aurobindo embrasse très clairement dans sa vision le mouvement de transformation
de l’Histoire et les trois derniers chapitres de son livre creusent en
profondeur la dynamique qui conduirait à une civilisation spirituelle. Ce sont
les idées-force qui poussent l’évolution.
Y a-t-il dans la dynamique des
Mêmes de la spirale dynamique une orientation évolutive ?
*
*
*
Les
Mêmes ne sont pas des étapes historiques précises que l’on pourrait dater, comme
on parle de l’Antiquité grecque, de l’époque romaine, du Moyen-Age, de l’époque
Moderne ou Contemporaine. Ils n’ont pas grand-chose à voir avec la prétendue loi
« des trois états » d’Auguste Comte.
Le Même
représente un valeur culturelle générique abstraite qui s’incarne différemment
d’époque en époque à travers les sociétés.
Il y a donc des Mêmes Brun, Violet, Rouge, Bleu, Orange, Vert et Turquoise sous
des différentes formes suivant les contrées et les époques. En Amérique du Sud
avant l’arrivée des Espagnols, il y avait des empires très connotés Rouges,
comme les Incas et les Aztèques et aussi des peuples sans Etat comme les
Guaranis typiquement Violet. Sans rapport avec les Huns de Gengis Khan ou les
Celtes Rouge, si ce n’est la similitude du Même Rouge très dominateur. Comme au
far-West Américain ! Le Violet tribal des Guaranis est par contre très apparenté
avec la structure sociale d’un peuple Violet comme celui des Bushmen. Le Même
Bleu absolutiste s’est incarné aussi bien dans la religion catholique qu’il a
fleuri dans l’Islam, alors que ces religions sont très différentes dans leurs
valeurs. A une époque plus récente, le Parti communiste Chinois a assumé
exactement la même fonction de Même Bleu. Cela veut
dire à chaque fois une dualité bien/mal rigide, des structures autoritaires, un
conformisme imposé, une hiérarchie solide etc. typiquement Même Bleu. Non
seulement cela, mais à un moment donné t, dans une même société, les autres
Mêmes sont présents, quand bien même ils ne seraient reflétés que dans une
minorité de la population. Nous devons donc éviter le raisonnement historique et
pourtant envisager une transformation temporelle d’une Même à un autre. La seule
solution valide consiste à évoquer un déplacement d’idées-force en forme de
vagues.
1)
Les théoriciens de la spirale dynamiques
proposent un modèle :
Les vagues mémétiques se succèdent et se chevauchent dans le temps
parvenant à une apogée puis déclinant tandis qu’une autre vague est montante.
L’hypothèse est que « les idées et les concepts se transmettent comme des sortes
de virus mentaux qui passent et se répliquent ». Une sorte d’épidémie dans la
conscience collective donc. Les Idées-force sont contagieuses, ce qui conduit à
la proposition selon laquelle « les idées vivent leur vie propre et qu’elles
passent d’un esprit à l’autre en se répliquant » transformant peu à peu tout sur
leur passage.
Les idées, concepts, jugements dans une culture donnée sont
organisées de l’intérieur par les Mêmes.
Etant donné que les Mêmes se développent à partir de croyances inconscientes.
Les croyances de fond supportent les valeurs ; les Mêmes ont semble-t-il une
certaine parenté avec les Archétypes dont parle C. G. Jung, les Archétypes ayant
leur siège dans l’inconscient collectif. Sauf que s’agissant des Mêmes, les
idées-force apparaissent dans l’esprit de certains hommes et point important, « l’apparition
des idées précèdent leur institutionnalisation »
qui les embarque peu à peu vers leur décrépitude historique. Deux exemples très
différents :
-Exemple : « Il a fallu pratiquement attendre le XXème siècle pour que les idées de liberté, de justice, d’égalité fondées sur la raison (orange) développées par quelques penseurs (Condorcet, Diderot, Voltaire, Rousseau, Kant, Hegel etc. au cours du siècle des Lumières, soient réellement mises en pratique : les concepts d’égalité des chances, de laïcité, et de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le droit de vote des femmes, la liberté d’expression ont été pensés et élaborés au cours du XVIIIème siècle ». Ce que l’on a appelé le tournant de la Modernité s’est accomplis sous l’égide de Descartes et Galilée avec la mise en place du paradigme mécaniste qui allait ouvrir la voie au matérialisme. Descartes vivait dans un contexte Même Bleu. Il a dû subir la menace de l’Eglise Même Bleu et fuir en Hollande. Cela n’a l’air de rien mais « avec Descartes, la notion de sujet trouve sa base philosophique et conceptuelle à partir de laquelle les penseurs suivants… pourront développer leur vision du monde centrée sur l’individu et la raison ». Et là on est carrément du côté Même Orange. La vague Même Bleu allant en déclinant, sabotée par la Révolution, la vague Orange devait prendre ensuite un empire fantastique. Donc, même si une vague est initiée dans la pensée de certains pionniers, ils ne font que poser les bases de ce qui adviendra après eux par la suite. Descartes n’aurait pas été très content d’avoir engendré le matérialisme, mais c’est bien ce qui s’est produit après lui. Nous savons aussi que la Révolution Française a été fomentée par l’ordre bourgeois montant qui tenait les rênes de l’économie, tandis que l’aristocratie reposait sur les valeurs, les idées-forces de l’ordre Bleu de « droit divin ». Voltaire était typiquement bourgeois et arriviste, très « libéral » au sens économique actuel. Cependant, le Même Bleu ne disparaîtra pas complètement, il finira par muter et trouver refuge dans la sacro-sainte autorité de l’Etat...
----------- L'accès à totalité de la leçon est protégé. Cliquer sur ce lien pour obtenir le dossier
* *
*
Questions:
© Philosophie et spiritualité, 2019, Serge Carfantan,
Accueil.
Télécharger.
Notions.
Le site Philosophie et spiritualité
autorise les emprunts de courtes citations des textes qu'il publie, mais vous devez mentionner vos sources en donnant le nom
de l'auteur et celui du livre en dessous du titre. Rappel : la version HTML n'est
qu'un brouillon. Demandez par mail la
version définitive, vous obtiendrez le dossier complet qui a servi à la
préparation de la leçon.