Quand nous rencontrons un -isme dans une expression, il faut y
voir une
doctrine. Une doctrine qui
organise une action
sociale et politique, est une
idéologie.
Enfin, un -isme s’emploie comme système revendiqué comme tel
(comme l’existentialisme pour Sartre) ou bien comme expression
péjorative (comme l’intégrisme des religions). Il est remarquable que
le scientisme
présente tous ces caractères à la fois. Le
terme apparaît historiquement sous la plume de Romain Rolland pour désigner un
courant très vivace au XIXème siècle dont l’une des formes a été le
positivisme d’Auguste Comte. Il comporte trois articles de foi : a) la
science est le seul savoir authentique, donc le meilleur des savoirs ; b) la
science est capable de répondre à toutes les questions théoriques, du moment que
ces questions sont formulées de manière scientifique ; c) il est souhaitable de
confier aux scientifiques le soin de toutes les affaires humaines (morale,
politique, économie etc.).
Il n’en faut guère plus pour se rendre compte qu’il s’agit d’un projet
totalitaire. La Modernité et dans la foulée le siècle des
Lumières, ont mené une critique sévère des ambitions totalitaires de la
religion. Après les expériences violentes du XXème siècle, la
postmodernité a développé une critique sans concession des ambitions
totalitaires des idéologies politiques.
Mais
le scientisme lui a survécu et il est très présent dans nos mentalités. Il
existe sous une forme pure
dans le courant positiviste au XIXème siècle et dans la
science-fiction qui pousse jusqu’au bout la techno-science, comme Le
techno-centre dans Hypérion
de Dan Simmons.
Il
existe sous une forme atténuée,
bien que très active dans la postmodernité, car en conflit direct
avec des courants de pensée relativistes issus des sciences humaines.
Faut-il prendre au sérieux le scientisme, ou le considérer comme une idéologie
obsolète ?
Est-ce le fil conducteur du projet de civilisation de
l’Occident, comme le prétendent Pierre Thuillier, ou Jacques Ellul ? Ou le cri
de ralliement d’une espèce intellectuelle grégaire en voie d’extinction ? Quelle
place lui revient dans nos mentalités et nous conduit-il ?
*
*
*
Commençons donc par la première proposition : la science est le seul savoir
authentique, donc le meilleur des savoirs. Pour
le scientiste, c’est une évidence. « Il est entendu que « la science » est le
savoir le plus parfait et doit devenir la panacée universelle ». Ce qui veut
dire ? Dans d’autres cultures que celle de l’Occident, il n’y a que des savoirs
médiocres, magiques, folkloriques, ésotériques, religieux, mais dépourvus de
rigueur scientifique. Une des plus grandes fiertés de l’Occident est d’avoir
élaboré « la » science, ce qui
signifie la science pure - idée que
nous avons tous en tête quand nous parlons de la science alors que nous devrions
plutôt parler « des » sciences.
Grâce à la méthode expérimentale, nous
avons réussi à élaborer un savoir objectif. Si la science est le meilleur des
savoirs, c’est parce qu’elle est un savoir objectif. Elle est célébrée à ce
titre au XIXème siècle. Il n’est pas bien difficile à l’époque de
trouver une apologétique de la science dans la littérature. On n’a que
l’embarras du choix. Par exemple en 1910, celle de J. Novicow : « La science est
ce qu’il y a de plus auguste au monde. C’est notre dernière instance. Il n‘y a
rien au-dessus. Pour les esprits populaires, elle est comme la plus haute des
déesses. Fort heureusement pour le genre humain, le prestige de la science
augmente tous les jours. Et certes, plus la civilisation avancera, plus il
augmentera encore. D’abord parce que la science fera des découvertes toujours
plus nombreuses, plus profondes et plus surprenantes ; ensuite parce que les
hommes, affranchis des conceptions mythologiques et enfantines, auront les
esprits mieux préparés à recevoir les enseignements de recherches positives,
précises et exactes. Déjà l’autorité sans appel de la science n’est plus
contestée par le grand public pour tout ce qui concerne les faits physiques et
biologiques. Bientôt sans doute, on fera le dernier pas, et l’autorité de la
science s’imposera d’une façon aussi complète dans le domaine des connaissances
sociales. Alors on arrivera à faire une politique rationnelle, comme on fait
maintenant des machines électriques rationnelles, parce que construites
uniquement sur des données positives et non sur les tendances subjectives des
physiciens ».
-------------------- L'accès à totalité de la leçon est protégé. Cliquer sur ce lien pour obtenir le dossier
Vos commentaires
Questions:
© Philosophie et spiritualité, 2020, Serge Carfantan,
Accueil.
Télécharger.
Notions.
Le site Philosophie et spiritualité
autorise les emprunts de courtes citations des textes qu'il publie, mais vous devez mentionner vos sources en donnant le nom
de l'auteur et celui du livre en dessous du titre. Rappel : la version HTML n'est
qu'un brouillon. Demandez par mail la
version définitive, vous obtiendrez le dossier complet qui a servi à la
préparation de la leçon.