Cette leçon est rédigée au vu de confusions fréquentes sur les notions.
Elle devrait être accompagnée par la lecture du texte de Krishnamurti tiré
de
De la Connaissance de soi,
(Courier du Livre) sur la lucidité. Elle ne peut pas être séparée des précédentes sur le même thème.
Jean-Pierre Castel
peut-on dire qu’au moins en Occident l’histoire du rapport à la faute suit
le chemin honte/culpabilité/responsabilité ?
R. Je serais assez
d'accord en raison de caractère extrêmement fort que prend le jugement moral
dans les religions du Livre et cela a marqué profondément la conscience
collective de
l'Occident.
Cependant, il me semble erroné de prendre le parti traiter une question
psychologique d'un point de vue seulement historique.
Jean-Pierre Castel
- toutes les civilisations (l’indienne par exemple) connaissent-elles la
honte ?
R. La honte n'est pas
d'abord un phénomène social,oui historique, mais un processus qui se déroule
dans un dédoublement psychologique (le moi idéal contre le moi réel) qui est
intemporel en un sens. Du point de vue culturel, les hommes sont très
différents, mais d'un point de vue psychologique ils sont très semblables
partout dans le monde. Partout on trouve la jalousie, la colère, la haine,
la honte, la culpabilité, la souffrance etc. Tout homme peut éprouver la
culpabilité, et de plus, l'ego s'y renforce, il s'en fait une identité.
"moi" coupable. Mais il est exact que suivant les contextes culturel, cela
peut être fortement accentué ou bien adouci. Platon parle peu de la honte,
mais énormément de la pudeur (c'est un mot qui revient tout le temps)
mot qui est beaucoup moins lourd. Nietzsche dit que les grecs ne connaissait
pas le péché (au sens chrétien). Juste aussi en un sens. Comme une
généralité sociologique. On ne trouve pas du tout chez les grecs cette
insistance sur la malédiction de l'humanité qui est dans la Bible, le doigt
de Dieu pointé sur les réprouvés!
Sur l'Inde, il y a une anecdote qui m'a bien fait rire: un anglais visite
l'Inde et se rend au bord du Gange avec un jeune guide. Shocking my God !
Quelle honte! des femmes presque nues dans l'eau! L'enfant qui suit le guide
lui répond : "la Mère divine leur a donné pour habits les paupières de tous
les passants... sauf les tiennes!"
Délicatesse de la pudeur sans culpabilité ni honte. Mais bien sûr en tant
qu'être humain l'indien peut souffrir de la culpabilité dans son histoire
personnelle, il se trouve que cette civilisation a cependant gardé une forte
imprégnation spirituelle et la recherche spirituelle fait disparaître le
faux.
Jean-Pierre Castel
- quel a été l’apport singulier de la tradition judéo-chrétienne (le
péché) dans le développement des notions de honte, culpabilité,
responsabilité ?
R. Il a été
effectivement fondamental, ce sont des facteur de conditionnements sous
formes de croyances très puissants dans le Judaïsme et le Christianisme. Si
on ne lit les Évangiles qu'au premier degré (sans chercher le secret de la
dimension spirituelle) ne ne faisant que moraliser avec le texte, il en
résulte un système de pensée très culpabilisant. Ce qui a perduré dans
toute l'histoire du Christianisme. En réalité, la notion de péché (sin) a
été mal comprise.
Jean-Pierre Castel
- Freud prétend que c’est le monothéisme qui a permis le développement
du Surmoi, alors que le polythéisme serait resté au niveau du ça . Socrate,
Aristote, les stoïciens n’auraient pas eu de Surmoi?
R. C'est idiot pour les
mêmes raisons qu'évoquées ci-dessus. Le caractère de la structure
psychologique. Le surmoi, c'est de l'ego en posture autoritaire et c'est
tout, et on peut le trouver dans bien des domaines. Il n'existe pas en un
sens. Il est vrai qu'avec le lourd conditionnement culpabilisant du
monothéisme, on favorise la division intérieure, le jugement, le sentiment
d'infériorité. Pour ce qui est des philosophes grecs, ils avaient une
manière bien à eux de diminuer l'ego et de mettre en avant une vie
d'équilibre et de vertu. Et souvenons-nous en général que les sages savent
pardonner au lieu de juger tout le temps et de haut. Il n'y a aucune sagesse
dans le fait de culpabiliser quelqu'un.
Jean-Pierre Castel
- si l’on suit ER Dodds et ses deux préalables, le développement de
l’individu et la démocratie, d’une part les Grecs n’avaient pas développé la
notion de l’individu au point où l’Occident l’a fait avec les Évangiles,
Saint Augustin, Descartes, Rousseau, Freud, mais d’autre part, la tradition
judéo-chrétienne n’avait rien de démocratique, soumettant l’individu à
l’autorité de l’Église : les démocraties modernes auraient-elles atteint une
notion de la culpabilité inconnue jusque là ?
Ce genre de discussion me parait assez
confus, je ne peux pas entrer dans des généralités de ce genre. Il est plus
important de voir la culpabilité en soi-même et de la dissoudre.
Jean-Pierre Castel
- la culpabilité apparaît comme un stade plus évolué que la honte sur le
plan de l’intériorité. Que dire des civilisations qui sont « restées » au
stade de la honte, comme le Japon ?
Surprenante façon de voir le Japon. Même remarque que plus haut avec juste
un souvenir. Vous connaissez Les Dieux sont tombés sur la tête I
et II? La voix off décrit la vie des petits bushmen, et elle dit très
clairement qu'ils ne connaissent pas le sentiment de culpabilité.
Jean-Pierre Castel
- quel bilan avantages/inconvénients entre la honte et la culpabilité,
en termes par exemple de responsabilité, et de psychopathologie?
R. Voir la réflexion menée dans la
leçon, mais un point me semble important, à un moment ou un autre, il faut
voir en face le fait que l'humanité est mentalement très dysfonctionnelle.
Il ne sert à rien de justifier l'insanité des structures mentales égotiques.
Le pas le plus important est de reconnaître ce qui est dysfonctionnel.
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