Kévin Petit
Si la religion peut-être un pont vers la foi, elle peut également en
constituer un obstacle. Comment ce qui devrait relier peut-il finalement
séparer ? Autrement dit, et pour reprendre les termes de la leçon, comment
ce qui peut à un moment donné, nous orienter, peut, l’instant d’après nous
égarer ?
Peut-être que
ce renversement a lieu lorsque la religion (admettons un pont) se confond
peu à peu avec la foi (admettons une autre rive). Tentons d’expliquer ce
processus de confusion.
Des gens cherchaient
la Vérité (la foi). On leur a dit « Prenez ce pont, vous atteindrez l’autre
rive
». Le pont était petit, n’avait pas l’air très costaud mais il les amena sur
l’autre rive. L’endroit était si exceptionnel que les gens voulurent le
faire connaître. Ils entreprirent donc de construire un autre pont, plus
grand, plus large et plus beau. Il fallait, en effet, qu’il soit à l’image
de la destination. C’était à la fois rendre honneur à cette rive magnifique
mais également intéresser les personnes qui n’étaient pas forcément
intéressés par la traversée.
La construction du
pont demanda tant de temps et d’efforts que beaucoup de gens se mirent à
vivre sur le chantier. Certes, ils n’oubliaient pas l’autre rive mais le
pont avait tellement pris d’importance à leurs yeux qu’il en devenait une
partie essentielle. Beaucoup de monde saluait le dévouement des bâtisseurs,
certains leur proposaient même de l’argent. Ce dernier leur permettait de
subvenir à leurs besoins mais aussi d’acheter le matériel nécessaire à la
construction du pont.
Si l’argent n’était
pas destiné à leur enrichissement personnel, peu à peu, il fut admis qu’ils
en accumulent à des fins privées (Après tout, ils construisaient le pont !).
Aussi, lorsque la fin des travaux approcha, certains bâtisseurs la virent
d’un mauvais œil. Pour garder leur niveau de vie, ils projetèrent alors la
construction d’autres ponts. Cette proposition fut très vite validée car le
pont attirait énormément de monde.
Parmi les visiteurs,
certains le parcouraient en entier. D’autres, par contre, écoutaient des
bâtisseurs surtout intéressés par l’argent. Ils disaient : « Voilà où il
faut que vous soyez, sur le pont ». « Vous n’avez plus besoin d’atteindre
l’autre rive, vous êtes au paradis ». Avant d’ajouter : « Par contre c’est
payant ». Tous les bâtisseurs ne tenaient pas ce genre de propos, mais, peu
à peu, il était devenu dangereux de faire traverser entièrement le pont,
voire même de parler de l’autre rive. En effet, sa découverte aurait
démontré aux visiteurs que les ponts n’étaient plus vraiment à son image et
que tous les bâtisseurs n’étaient plus vraiment les gens dévoués qu’ils
avaient pu être. Or, il ne fallait pas remettre en cause le pouvoir, la
richesse et le prestige des bâtisseurs intéressés. Afin d’être sécurisés,
ces derniers embauchèrent des juristes. Ensemble, ils inventèrent une loi
menaçant de jeter du pont quiconque parlerait de l’autre rive. « L’important
c’était le pont ».
Si
certains visiteurs se contentaient du prestige et de la beauté des ponts,
d’autres, en quête de vrai, sentirent bien, à un moment donné, qu’ils
n'amenaient plus forcément à l’autre rive. Alors ils les désertèrent. Parmi
eux, beaucoup firent une croix sur l’autre rive. Ils disaient « Finalement,
elle n’existe pas, ils nous ont bien eu les bâtisseurs ». D'autres, croyant
toujours à l’autre rive, se rendirent compte qu'ils pouvaient simplement
nager ou sauter au dessus de la rivière. Ceux-là étaient en général mal vus
à la fois des gens qui étaient sur les ponts mais également de ceux qui ne
croyaient plus en l’autre rive. Pendant que les premiers disaient « ceux qui
ne sont pas sur un pont ne peuvent pas avoir de foi », les seconds
affirmaient « ces gens sont des illuminés ».
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