Questions et réponses sur la leçon:

L'affectivité


Sébastien Dousset
- Il y a quelque chose qui m'énerve dans cette leçon sur l'affectivité. On dirait que vous détestez les émotions et que vous vénérez les sentiments, c'est peut-être une projection de ma part, allez savoir... En tout cas cela ne m'incite pas à "l'accueil de tout ce qui s'anime en moi" comme dit T.
Vissac du groupe Présence. Sinon, d'accord la thèse de M. Henry sur l'affectivité comme
auto-affection est belle, mais pourquoi accorder aussi peu de place aux autres thèses ou opinions (c'est la présence de l'autre, d'un objet perçu ou bien une pensée, fantasme, souvenir qui m'affecte, etc.)?

- Et l'affectivité dans les autres états de conscience (rêve et sommeil
profond)?
- Vous parlez du coeur, du coeur et du coeur... et le corps dans tout çà?

R.
La distinction visait à mettre l'accent sur l'illusion qui tient aux ré-actions émotionnelles et sur l'importance d'une attention entière au jeu des émotions. Effectivement, le ressenti mérite qu'on l'écoute. C'est bien ce qui est dit dans cette leçon.
Il est difficile de faire tenir en dix pages une investigation sur un sujet aussi complexe. Les développements que vous suggérez sortiraient des limites de la leçon.

L'affectivité dans le rêve et dans le sommeil profond est abordée ailleurs dans les leçons.  La relation au corps est soulignée exactement dans le sens où vous l'entendez dans la leçon sur l'âme, la conscience et le corps.

Vincent Primard
     
Permettez-moi de vous faire part de quelques réflexions que votre cours sur l’Affectivité m’inspire, et sur lesquelles j’aimerai avoir votre position .Vous émettez l’hypothèse suivante : ‘’un être qui serait libéré des imprégnations de son passé ne perdrait pas pour autant la mémoire…’’ à laquelle je me permets de rétorquer que cet ‘’être qui serait libéré de son passé’’ ne peut pas exister car notre présent est tout entier issu de notre passé ! Je me permets d’être si abrupt et péremptoire par affection pour vous Mr Carfantan et par provocation philosophique ! Je voulais simplement suggérer que le passé n’est pas à dépasser dans la mesure où il imprègne indissociablement notre présent ; seul le passé porteur ‘’ d’expériences incomplètes’’, dans les termes de Swami Prajnanpad, doit être déniché et dépassé car c’est celui-là qui produit par ricochets des pensées nocives et un ego surdimensionné donc destructeur.

R.
Assurément, la formule revient dans le cours, le souvenir fait parti de l'esprit et conséquemment, l'esprit n'oublie en fait rien. Nous avons distingué seulement la mémoire traumatique qui a besoin d'être guérie de la mémoire souvenir qui demeure. En ce sens précis, la formule "mourir au passé" garde un sens: laisser le passé à sa place, ne plus en faire une identité, ne plus être hanté par le passé. Poser les valises d'un legs trop lourd et difficile. C'est surtout de cela dont il est question à plusieurs reprises dans le cours.

  Vincent Primard
     Je voulais aussi vous faire part de ma forte réceptivité et sensibilité à l’approche par Michel Henry de l’affectivité comme fondement de la phénoménologie de la vie. Pour continuer à philosopher ironiquement, je me permettrai d’interpréter l’affirmation de Michel Henry ‘’l’affectivité est l’essence de l’ipséité’’ dans un sens dynamique et tout à fait mien , à savoir que ‘’l’affectivité est le carburant (l’essence !) de l’ipséité’’. Par là je veux signifier que ce sont les affects qui sont premiers dans notre existence, et que l’affectivité si longtemps éloignée de la réflexion philosophique doit y retrouver la place qui lui revient, à savoir la première, car elle est non seulement le carburant mais le moteur même de notre existence. L’affectivité est porteuse de cette énergie pure qui alimente toute la dynamique de notre vie, et toutes les constructions élaborées par notre esprit ne sont que secondes et dépendantes d’elle. Je voudrais simplement vous faire partager ma conception de la philosophie, laquelle je crois ne doit jamais oublier que la vie est perpétuel mouvement et changement , et que donc le Soi absolu, ou l’Être pur, ou l’ipséité sont à jamais insaisissables car ce sont des champs d’énergie en perpétuelles interactions avec le monde. L’absolu est inatteignable pour nous, il ne peut être approché qu’au travers du ressenti en chacun de nous dans la mesure où nous laissons l’affectivité originelle irriguer tout notre être. Je pense que la coïncidence avec Soi permet de mettre un pied dans l’éternité, tout en sachant que ce Soi est inconnaissable et insaisissable car toujours en devenir. Accepter cette part de mystère du Soi, c’est-à-dire accepter que la raison (l’intellect) reconnaisse ses limites, telle est je pense l’ultime porte à franchir pour que l’affectivité libère enfin son énergie si constructive et si jouissive car toute enfantine. Merci encore pour tout votre travail que j’admire et qui alimente quotidiennement mon cheminement vers une purification de ma Joie d’exister tout simplement.

R.
Votre manière d'interpréter Michel Henry lui est tout à fait fidèle. Il ne dit rien d'autre. Il a insisté des années durant pour replacer l'affectivité au coeur de la philosophie, ce qui est un projet extrêmement original, après des siècles de positivisme prétendant expurger le savoir de toute affectivité et surtout ayant introduit une méfiance vis-à-vis de l'affectivité. Pour le reste de votre texte, je vous accompagne tout à fait.

 

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Avec la participation de Sébastien Dousset,Vincent Primard.


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