Fanny Dehez
Vous avez l'air de sous-entendre dans votre
début de leçon que les théories freudienne et marxiste ont été la cause de
la libération sexuelle qu'elles ont encouragée. Je ne suis pas tout à fait
d'accord. Le but d'une théorie philosophique, selon moi, se veut d'abord
descriptif avant que d'être critique et idéologique. Je pense que ces
théories n'auraient jamais vu le jour sans
l'évolution de la société. Le
freudisme tire ses origines d'une certaine histoire du monde occidental, de
la littérature et même de la philosophie (Schopenhauer). Le marxisme a du
certainement être influencé par les philosophes socialistes du XVIIIième ou
même par le rousseauisme. De plus, il semblerait que la Révolution Française
ait débloqué, non pas la misère, mais l'idéologie bourgeoise contre
l'ancienne économie de la noblesse.
Depuis tout est
allé très vite : l'avancée médicale, le progrès scientifique, la séparation
de l'école et de l'Église, l'émancipation des femmes, et d'autres
bouleversements encore en marche. En fait, qu'on soit pour ou contre, il
faut bien reconnaître que la révolution cartésienne qui a fait comprendre
aux bourgeois et aux marchands ( les alphabétisés de l'époque) que
l'ancienneté ne justifiait l'état présent et que chaque individu pensant à
pouvoir intégral sur sa propre vie. Aussi j'en conclus que le freudisme et
le marxisme ne sont que des effets liés à une nouvelle tradition qu'on a
appelé le modernisme. Ces théories ont peut-être encouragé les individus
mais l'inconscient émancipateur et révolutionnaire bouillonne depuis
longtemps en Occident. Si on reprenait Ainsi parlait Zarathoustra de
Nietzsche, nous serions depuis quatre siècle dans le cycle du lion qui dit
"non" au pouvoir prohibitif antérieur qui garantissait les comportement par
la peur.
Désormais la société est livrée à elle-même dans des changements qui vont
très vite et c'est, à mon avis, le pourquoi elle a du mal parfois à se
cadrer. Il est trop facile de dire que notre société est "pourrie, violente,
absurde,..." et j'en passe. Notre société n'est en fait qu'une adolescente à
la fois rageuse du passé, ouverte sur l'avenir, violente contre elle-même
car jamais satisfaite, pas très sure d'elle encore, révolutionnaire dans
l'âme, infiniment sensible et susceptible mais avec une grande foi en un
avenir idéaliste. Comme dirait très justement la chanson d'Alain Souchon:
"Foule sentimentale On a soif d'idéal attirée par les étoiles dévoile que
des choses pas commerciales... " Or, on le sait, l'adolescence est la
période du changement et de la recherche de sa sexualité. Les agressions
sexuelles ne se sont pas forcément multipliées. C'est juste que les femmes,
attirées par l'idéal de leur émancipation, n'ont plus honte et parle enfin.
Cela explique pourquoi les chiffres de recensement des agressions est en
inflation; parce qu'aujourd'hui les femmes osent parler. Mais cette
inflation n'est pas prête de s'arrêter car il existe des hommes qui sont
torturés mentalement et parfois physiquement par des femmes mais qui ont
honte de l'avouer par peur de voir leur virilité et la "soi-disant"
domination masculine remise en cause. En général, les agresseurs sexuels ou
psychiques, hommes ou femmes ont subi les violences de leur enfance qu'il
font revivre car ils ont en eux des pulsions de violences qu'ils n'arrivent
pas à pardonner. On dit souvent que le mari brutal se comporte très bien ,
voire avec beaucoup de charme en société. A mon avis, cet homme intériorise
son mal par peur de ne pas être aimé et se venge de ses parents sur sa femme
car il est en constante et insatiable demande d'amour que ne peut pas lui
procurer un seul être humain. Il est à fleur de peau et se déteste de ne
jamais se sentir aimé et de ne pas réussir à ne pas donner d'amour qu'il n'a
de tout temps pas eu l'impression de recevoir.
Le problème des agresseurs est qu'ils n'ont pas réussi à pardonner leurs
agresseurs d'enfance et , de ce fait, de victime, il passe à agresseurs. Et
les femmes qu'ils agressent soit se taisent parce qu'elles ont aussi eu une
enfance difficile pour avoir recherché un homme violent et se complaise dans
une violence d'agression qu'elles ont toujours connus (elles sont alors
persuadées qu'elles n'ont jamais rien values et qu'elles ne vaudront jamais
rien), soit elles clament haut et fort avoir été victimes de violences. Que
ce soit pour l'agresseur ou pour l'agressé (homme ou femme), se dessinent
alors, plusieurs profils : - l'homme agresseur passe de victime à agresseur.
S'il n'est pas dénoncé par l'agressé, il ne se rendra même pas compte du
problème. S'il est dénoncé, il passe pour un salaud aux yeux de tous et
personne ne va s'inquiéter du fait qu'il a été victime avant que d'être
agresseur. Pour la femme agresseuse, comme son profil n'est pas dans
l'inconscient type des gens, on va soit la prendre pour folle, soit chercher
les raisons qui l'ont amené à un tel comportement et faire, donc ressortir
son caractère d'ancienne victime. Je ne sais pourquoi à la base mais il
semblerait qu'un inconscient occidental collectif aime à voir la femme
absolument victime soit des autres, soit d'elle-même (folie pour les gens
dans le langage courant, hystérie pour Freud) - la femme agressée passe de
victime dans l'enfance à victime de l'homme. La société se complaît à la
victimiser au maximum "oh la pauvre" "elle n'a décidément pas eu de chance.
Ou alors la femme agressée est passée de femme accomplie à victime qui parle
mais son discours est croulé sous la victimisation que lui impose la société
en la plaignant; on ne veut pas l'entendre dire qu'elle va essayer de vivre
avec et d'avancer, on veut la victimiser même dans ce cas là; on lui
rappelle des "ça a du être dur quand même", "o"n ne guéri jamais vraiment
d'un traumatisme pareil" , "pauvre femme; il y vraiment des salauds dans le
monde. Pour l'homme victime, la société ne parle pas; l'homme victime est
ineffable, impensable ; la femme peut et doit être faible et victime avec
courage; l'homme n'a pas le droit d'être victime dans notre inconscient.
C'est d'ailleurs pou cela que d'enfant agressé qui ne veut pas faire de tort
aux parent dont il voudrait être aimé, il devient homme violent incapable
d'admettre qu'il a été faible et qu'il l'est encore. Dans la bienpensance
hétérosexuelle ; la faiblesse chez un homme c'est bon pour les "pédés", les
"tafioles", les "presque-femmes" (sous-entendu femme=faible).
Que ce
passe-t-il alors ? Les hommes agresseurs et agressés ne sont pas reconnus
comme faibles mais comme monstres ou comme ineffabilité. Du coup, punition
carcérale pour les uns; silence imposé par l'incoscient de la société pour
les autres. Du coup, on ne reconnaîtra jamais leur caractère de victimes
,ils ne pourront ni les uns ni les autres entamer un travail de deuil de
leur souffrance par le pardon et se perdront dans la souffrance, la
dépression et le suicide (et dire que les gens osent s'étonner du nombre de
suicides et de suicidaires dans le milieu carcéral !) Les femmes agresseuses
et agressées, elles sont reconnues comme victimes, comme faibles ( la bien
pensance machiste dirait: "comme une femme quoi !"). Mais là où cette
reconnaissance de faiblesse, de souffrance aurait pu amener à un travail sur
soi et une possibilité d'avancer dans la vie, elle se voit coupée l'herbe
sous le pied par la bien pensance de la société machiste qui veut que les
femmes soient cristalisées dans leurs victimisations. En effet malgré
l'émancipation féminine, notre inconscient machiste réagit toujours dans
l'idée qu'une femme victime doit rester victime. Sous cette pression, les
femmes ne peuvent plus faire entendre leur voix pour essayer de prendre ou
de reprendre leur vie ne main et d'avancer. Partout sur leur passage, on
entend "la pauvre". Et ainsi a force de s'entendre dire la pauvre par tout
le monde et de se voir maternée par la société, la femme agresseuse ou
agressée perd toute confiance en sa capacité de pouvoir sur sa propre vie et
c'est la souffrance, la dépression ou le suicide ( durant lesquels la
société abrutie qui n'aura rien compris au malaise continuera, pour bien
affoncer le clou, à dire "la pauvre, elle ne se remet pas du choc!") Quel
joyeux tableau de fin. Bref tout ça pour dire que si j'en avais le pouvoir,
je demanderais aux gens de réfléchir profondément:
-à
leurs préjugés qui détruisent littéralement des vies
-à la pression que leur mot forme autour de gens qu'ils ne connaissent même
pas
- à l'utilité de la prison qui ne fait que punir sans aider Je préconiserai
dans tous les cas la thérapie pour évacuer la violence et faire deuil et
pardon. Il faudrait aussi mettre en place des thérapies pour les parents qui
ont du mal à faire sentir à leurs enfants qu'ils les aiment ( au lieu de
leur retirer pour les mettre à la DASS) . Ce sont en général ces enfant qui
, ne se sentant pas aimés et accumulant ainsi des carences affectives
sévères, qui tomberont assez souvent dans la violence. R. Avec la participation de
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