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Textes philosophiquesThéodore Adorno la force de l'opinion
Avoir une opinion, c'est affirmer, même de
façon sommaire, la validité d'une conscience subjective limitée dans son
contenu de vérité. La manière dont se présente une telle opinion peut être
vraiment anodine. Lorsque quelqu'un dit qu'à son avis, le nouveau bâtiment
de la faculté a sept étages, cela peut vouloir dire qu'il a appris cela d'un
tiers, mais qu'il ne le sait pas exactement. Mais le sens est tout différent
lorsque quelqu'un déclare qu'il est d'avis quant à lui que les Juifs sont
une race inférieure de parasites, comme dans l'exemple éclairant cité par
Sartre de l'oncle Armand qui se sent quelqu'un parce qu'il exècre les
Anglais. Dans ce cas, le "je suis d'avis" ne restreint pas le jugement
hypothétique, mais le souligne. Lorsqu'un tel individu proclame comme sienne
une opinion aussi rapide, sans pertinence, que n'étaye aucune expérience, ni
aucune réflexion, il lui confère - même s'il la limite apparemment - et par
le fait qu'il la réfère à lui-même en tant que sujet, une autorité qui est
celle de la profession de foi. Et ce qui transparaît, c'est qu'il s'implique
corps et âme; il aurait donc le courage de ses opinions, le courage de dire
des choses déplaisantes qui ne plaisent en vérité que trop. Inversement,
quand on a affaire à un jugement fondé et pertinent mais qui dérange, et
qu'on n'est pas en mesure de réfuter, la tendance est tout aussi répandue à
le discréditer en le présentant comme une simple opinion. [...] Modèles critiques, "Opinion, illusion, société" tr. fM. Jimenez & E. Kaufholzz, Payot, Paris, 1984, pp. 114-119. Indications de lecture:Cf. Voir la leçon: Le monde des opinions. Un texte souvent présent dans les manuels de philosophie.
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