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Textes philosophiquesPascal les trois ordres
La
distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus
infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle.
Tout l’éclat des grandeurs n’a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l’esprit.
La grandeur des gens d’esprit est invisible aux rois, aux riches, aux
capitaines, à tous ces grands de chair.
La grandeur de la sagesse, qui n’est nulle sinon de Dieu, est invisible
aux charnels et aux gens d’esprit. Ce sont trois ordres différents, de
genre.
Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur victoire et
leur lustre, et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles où elles n’ont
pas de rapport. Ils sont vus, non des yeux mais des esprits. C’est
assez.
Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur
lustre et n’ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où
elles n’ont nul rapport car elles n’y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de
Dieu et des anges et non des corps et des esprits curieux. Dieu leur
suffit.
Archimède sans éclat serait en même vénération. Il n’a pas donné
des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses
inventions. O qu’il a éclaté aux esprits.
J-C, sans biens, et sans aucune production au dehors de
science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné
d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint,
saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. O qu’il est
venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur
et qui voyent la sagesse.
Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres
de géométrie, quoiqu’il le fût.
Il eût été inutile à N-S.J-C. pour éclater dans son règne de sainteté,
de venir en roi, mais il y est bien venu dans l’éclat de son ordre.
Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de J-C., comme si
cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu’il venait
faire paraître.
Qu’on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans
son obscurité, dans sa mort, dans l’élection des siens, dans leur
abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la
verra si grande qu’on n’aura pas sujet de se scandaliser d’une bassesse
qui n’y est pas.
Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles
comme s’il n’y en avait pas de spirituelles. Et d’autres qui n’admirent
que les spirituelles comme s’il n’y en avait pas d’infiniment plus
hautes dans la sagesse.
Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne
valent pas le moindre des esprits. Car il connaît tout cela, et soi, et
les corps rien.
Tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble et toutes leurs
productions ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d’un
ordre infiniment plus élevé.
De tous les corps ensemble on ne saurait faire réussir une petite
pensée. Cela est impossible et d’un autre ordre. De tous les corps et
les esprits on n’en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela
est impossible et d’un autre ordre surnaturel ».
Pensées.
L.308. B. 793.
Indications de lecture:Cf. Dans les leçons nous avons développé la conception trinitaire de l'être humain, le corps, l'esprit et l'âme, sans avoir en tête la référence à Pascal. Il y a une relation.
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