Textes philosophiques

Platon   l'homme modéré face à l'adversité


    Nous disions alors qu'un homme de caractère modéré, à qui il arrive quelque malheur, comme la perte d'un fils ou de quelque autre objet très cher, supporte cette perte plus aisément qu'un autre.

     Certainement.

     Maintenant examinons ceci : ne sera-t-il nullement accablé, ou bien, pareille indifférence étant impossible, se montrera-t-il modéré, en quelque sorte, dans sa douleur?

     La seconde alternative, dit-il, est la vraie.

      Mais dis-moi encore : quand crois-tu qu'il luttera contre sa douleur et lui résistera? lorsqu'il sera observé par ses semblables, ou lorsqu'il sera seul, à l'écart, en face de lui-même?

     Il se surmontera bien plus, répondit-il, quand il sera observé.

     Mais quand il sera seul, il osera, j'imagine, proférer bien des paroles qu'il aurait honte qu'on entendît, et il fera bien des choses qu'il ne souffrirait pas qu'on le vît faire.

     C'est vrai.

     Or, ce qui lui commande de se raidir, n'est-ce pas la 604b raison et la loi, et ce qui le porte à s'affliger, n'est-ce pas la souffrance même?

     C'est vrai.

    Mais quand deux impulsions contraires se produisent simultanément dans l'homme, à propos des mêmes objets, nous disons qu'il y a nécessairement en lui deux éléments.

     Comment non?

     Et l'un de ces éléments est disposé à obéir à la loi en tout ce qu'elle prescrit.

     Comment?

     La loi dit qu'il n'y a rien de plus beau que de garder le calme, autant qu'il se peut, dans le malheur, et de ne point s'en affliger, parce qu'on ne voit pas clairement le bien ou le mal qu'il comporte, qu'on ne gagne rien, par la suite, à s'indigner, qu'aucune des choses humaines ne mérite d'être prise avec grand sérieux (722), et que ce qui devrait, dans ces conjonctures, venir nous assister le plus vite possible, en est empêché par le chagrin.

     De quoi parles-tu? demanda-t-il.

     De la réflexion sur ce qui nous est arrivé, répondis-je. Comme dans un coup de dés, nous devons, selon le lot qui nous échoit, rétablir nos affaires par les moyens que la raison nous prescrit comme les meilleurs, et, lorsque nous nous sommes heurtés quelque part, ne pas agir comme les enfants qui, tenant la partie meurtrie, perdent le temps à crier, mais au contraire accoutumer sans cesse notre âme à aller aussi vite que possible soigner ce qui est blessé, relever ce qui est tombé, et faire taire les plaintes par l'application du remède.

     Voilà, certes, ce que nous avons de mieux à faire dans les accidents qui nous arrivent.

   Or, c'est, disons-nous, le meilleur élément de nous-mêmes qui veut suivre la raison.

      Évidemment.

   Et celui qui nous porte à la ressouvenance du malheur et aux plaintes, dont il ne peut se rassasier, ne dirons-nous pas que c'est un élément déraisonnable, paresseux, et ami de la lâcheté?

     Nous le dirons, assurément.

République, X, 604.

Indications de lecture:

     Cf. leçons L'adversité.

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