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Textes philosophiquesPierre Thuillier impérialisme des biocratesDans la perspective indiquée par Feynman, cet impérialisme biocratique est d’interprétation facile. La vie est un aspect du fonctionnement des atomes. Donc ceux qui connaissent le fonctionnement des gènes (assemblages atomiques privilégiés) sont habilités à guider l’évolution socio-culturelle des hommes. C’est objectif, neutre ; et cela aboutit (encore un hasard) à la manipulation. Wilson, en effet, ne nous dissimule pas la vérité : pour résoudre divers problèmes sociaux, il faudra peut être recourir aux manipulations génétiques. Les biocrates, en tripatouillant scientifiquement nos gènes, vont nous conduire au bonheur. Tout ceci est explicitement dit par Wilson : je me permets d’y insister, car d’aucuns risqueraient de s’imaginer que je suis en pleine science-fiction. (Il se pourrait bien, d’ailleurs, que la science-fiction en sache plus long sur la science que nos idéologues patentés ; elle a bien vu que, au cœur même de l’activité scientifique, il y avait la passion du pouvoir). La morale de tout cela peut finalement s’énoncer sous une forme un peu brutale et provocante, mais pas tellement fausse : la science moderne, de par ses origines historiques et de par sa philosophie immanente, est fournisseuse de moyens de manipulation. En d’autres termes, tout nouveau domaine conquis par « la science » est un domaine ou, socialement, la manipulation devient possible. Or du possible au réel, il n’y a qu’un pas. Un pas que nos sociétés, affamées de puissance, de profit et de productivité, sont toujours prêtes à franchir. Hier, c’étaient les sciences physiques qui devenaient opératoires. Demain, la biologie sera elle aussi un puissant moyen d’action. Et de beaux jours nous attendent, peut-être, du côté de la neuropsychologie... Croire à la « science pure » comme si les « utilisations » lui étaient totalement étrangères, c’est pratiquer la pire des politiques : celle de l’autruche. article de 1979. Indications de lecture:
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