Textes philosophiquesJean Klein il n'y a pas "d'autre", la personnalité
Q. Vous dites
qu'il n'y a pas d'autre, mais vous ne pouvez pas dire qu'il n'y a pas de
différences entre les gens. J'ai mon caractère et mes capacités, tout comme
d'autres ont les leurs. Vous devez comprendre et coopérer avec le corps. C'est l'ignorance du mécanisme qui crée le conflit. L'investigation peut seulement être menée dans la vie quotidienne. Votre mental et votre corps se reflètent dans votre comportement du matin au soir. Votre attention doit être bipolarisée, observant les champs intérieur et extérieur. Les relations sont le miroir dans lequel se reflète votre être intérieur. Soyez conscient d'être un chaînon dans la chaîne de l'existence. Lorsque vous ressentez vraiment cela, l'accent n'est plus mis sur le fait d'être un individu, et vous sortez spontanément de votre restriction. Vous ne vivez plus dans l'isolement, dans l'autonomie. Être en relation est le pressentiment de la Présence. Q. Ainsi, l'individu n'existe pas en tant qu'entité isolée; mais la personnalité n'existe-t-elle pas comme une partie unique du tout?
La personne
n'est en réalité que persona, masque, cependant elle est devenue synonyme de
l'idée d'individu, d'une entité séparée et continue. La personnalité n'est
pas la constante que nous imaginons. Ce n'est, en fait, qu'une
réorchestration temporaire de tous nos sens, imagination et intelligence,
selon chaque situation. Il n'y a pas de répétitions dans la vie, et chaque
réorchestration est unique et originale comme les dessins d'un kaléidoscope.
L'erreur est de s'identifier à la personnalité, de la conceptualiser dans la
mémoire et de nous prendre ensuite dans cette collection d'images
cristallisées plutôt que de laisser toutes les émotions, perceptions et
pensées se développer et mourir en nous. Nous sommes dans un théâtre,
regardant notre propre pièce se jouer sur la scène. L'acteur est toujours "
derrière" sa persona. Il semble être complètement perdu dans la souffrance,
dans le fait d'être un héros, un amant, un bandit; mais toutes ces
apparitions se situent dans la présence globale. Cette présence n'est pas
comparable à une attitude détachée, à la position de témoin. Ce n'est pas
une sensation d'être séparé, Q. Lorsque l'on n'est plus identifié à la personne, comment la vie en est-elle affectée? La première chose que vous remarquez, c'est combien plus riches et plus profondes sont vos perceptions. La communication en devient d'autant plus variée. En général, nous sommes fixés dans des schémas de communication; mais lorsque nous vivons dans l'ouverture, une grande sensibilité surgit, une sensibilité dont nous n'avons jamais rêvé. Lorsque nous appréhendons notre environnement à partir de la totalité, notre structure tout entière devient vivante. Nous n'entendons plus la musique seulement avec nos oreilles, parce que quand celles-ci cessent de s'emparer des sons pour elles-mêmes nous sentons alors la musique avec tout notre corps, sa couleur, sa forme, sa vibration. Elle n'appartient plus à un seul organe mais à notre être intégral. Cela engendre une profonde humilité, une innocence. Et c'est seulement dans l'humilité qu'une réelle communication est possible. Ensuite, l'on vit dans une dimension totalement neuve. Vivre en tant que personnalité, c'est vivre dans la restriction. Ne vivez pas dans la restriction. Laissez la personnalité vivre en vous. Vivre dans l'environnement sans séparation est d'une grande, grande beauté! Qui suis-je, la quête sacrée. Albin Michel 1989 Indications de lecture:Cf. Leçon La personne et l'impersonnel. Formule "il n'y a pas d'autre" identique chez Krishnamurti dans Première et dernière Liberté, cf. conférence sur l'amour.
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