Leçon 13.   Les formes de la relation       

    Nous vivons dans une époque que se prétend une ère de la « communication ». On nous répète sur tous les tons que nous vivons un monde qui dispose de moyens de communication extraordinaires, dont ne disposaient pas les générations précédentes. L’argument tend à nous persuader que, grâce à des moyens techniques modernes, les hommes ont changé de condition et qu’ils sont enfin en relation les uns avec les autres.

    Mais l’éloge de la communication recoupe beaucoup d’ambiguïtés. Il y a d’abord la confusion qui est faite avec l’information. L’information va à sens unique d’un sujet vers un autre sujet. A proprement parler, la radio et la télévision ne sont pas des instruments de communication, mais des outils d’information. On ne peut pas discuter avec la télévision ! C’est plutôt le contraire, on la subit assez passivement. La communication suppose une information réciproque. Cela veut dire que deux sujets échangent, partagent du sens. D’autre part, si on éprouve un tel besoin irrépressible de communiquer, c’est peut-être justement sur le fond d’une réalité de fait qui est la tragédie de l’incommunicabilité ! l'absence de relation.

    Mais avons-nous conscience de ce que suppose une véritable relation ? Ce qui est en question est-ce seulement les « moyens » de la communication ou bien est-ce davantage ?Qu'est ce qu'une relation authentique avec autrui ?

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A. Isolement et solitude

    Parcourons les degrés de la relation avec l’autre. Le plus bas degré, c’est peut-être celui du sentiment de l’isolement. On se sent isolé quand on souffre d’un sentiment de démarcation vis-à-vis des autres que l’on ne peut effacer. Il y a d’un côté les autres et puis il y a moi qui me sent seul parce que je ne me sens pas enveloppé de la présence de la communauté des hommes. Ainsi de la personne âgée qui vit seule chez elle et qui, ne supportant pas son sentiment d’isolement, allume la télévision du matin au soir, pour « faire une présence ». C’est mieux que rien du tout, ces voix qui parlent dans la lucarne de la télévision, cela donne une présence qui enlève un peu du sentiment oppressant du silence, ce silence qui vous renvoie à votre isolement dans un monde où vous ne comptez guère pour quelqu’un. Pour quitter l’isolement, nous cherchons une présence des autres, et quand c’est trop douloureux, nous fuyons vers les autres de toutes les manières possibles. On va au café pour oublier le cafard d’être si seul. On va partout où des gens sont rassemblés pour quêter un peu de chaleur humaine.Nous espérons qu’un peu de compagnie, même superficielle, parviendra à nous délivrer du sentiment d’isolement. Il y a dans la gaieté des réunions publiques, la gaieté d’une brasserie animée, une forme de contagion qui vous délivre un moment de cet isolement. Mais le sentiment de solitude revient vite après, avec cette tension intérieure particulière, ce sentiment de vide, ce désert intérieur que l’on retrouve de n’avoir personne avec qui communiquer. Mais il y a des processus par lequel on s’isole pour finir peu à peu par se refermer sur soi-même. Le chagrin et la souffrance entretenus tendent à vous isoler des autres et à vous replier sur vous-mêmes. La passion-de-quelque-chose semble vous rapprocher de ceux qui partagent avec vous sa thématique, mais vous coupe aussi du reste du monde qui alors vous indiffère. Les processus égocentriques ont tendance à nous isoler des autres et à nous refermer sur nous-mêmes.

    Fuir dans la direction des autres ne résout rien sur le fond. On peut seulement effacer un temps le sentiment d’isolement, au sens où on est placé au dehors d’une communauté. Il suffit d’aller vers les autres. Mais la solitude est autre chose. (texte) Il y a deux figures de l’esseulement de la conscience, l’isolement et la solitude. J’appelle isolement la figure de l’écart avec la communauté des hommes. J’appelle solitude, le sentiment qui vient de la perception de la nature insulaire de chaque conscience. Chacun, qu’il l’accepte ou non, qu’il l’assume bien ou mal, est seul vis-à-vis de lui-même. Je ne peux pas en inviter un autre dans ma tête, je suis le seul à éprouver ce que j’éprouve. Je ne peux pas aller habiter la conscience d’un autre. Personne ne peut vivre, penser, ni décider à ma place. Chaque homme, en tant que conscience, est une île même quand nous sommes en relation avec les autres. On ne peut pas mettre fin à la solitude sur ce plan métaphysique. C’est une illusion de croire que l’on pourrait supprimer la solitude. Ce que l’on peut ôter, c’est la séparation avec autrui qui donne naissance au sentiment d’isolement. De ce fait, l’univers de autres me reste interdit, comme ma subjectivité propre reste interdite aux autres. Cela explique qu’il est tout à fait possible d’éprouver un sentiment de solitude, même au milieu d’une foule .

    La leçon que nous donne la solitude sur la communication, c’est de nous indiquer la nature du sujet de la relation. La personne est le sujet et ce sujet doit assumer sa solitude intérieure. Cela ne veut pas dire qu’il faille se replier sur soi - ce serait le solipsisme - cela veut dire que par essence, nous sommes seuls (texte) et qu’il nous faut l’accepter comme tel. Le refus de la solitude est infantile, l’acceptation de la solitude est maturité. La solitude révèle la croissance de l’âme. (texte) D’autre part, assumer la solitude, ce n’est ni fuir la relation, ni s’aliéner dans les autres. L’ermite qui s’est isolé ne connaît pas forcément la solitude, car la seule rupture avec le monde ne suffit pas à donner une conscience profonde de la solitude intérieure. La vraie solitude est solitude avec autrui. L’expérience de la solitude est aussi une nécessité vitale, un véritable besoin, (texte) dans un monde tel que le nôtre qui favorise la confusion. Dans l’agression que le citadin subit tous les jours, dans le grouillement de la présence des autres, dans la violence psychologique des relations, il est bon que nous conservions un droit à la solitude pour nous retrouver nous-mêmes. Tout homme a besoin de solitude pour se retrouver, (texte) pour prendre un peu de recul devant l’existence.

B. Le conflit

    Considérons à présent la situation où la relation dépasse l’isolement, mais reste bloquée dans l’affrontement. Le conflit est la plupart du temps présenté comme une forme de la relation avec autrui, mais c’est une relation qui se met en échec et de ce fait ne réalise pas la relation.
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    Comment le conflit entre-il en scène? Il y a conflit quand se pose un moi face à un autre moi, de telle manière que la situation se transmue dans un face à face qui aboutit invariablement à un schéma qui est celui de domination/servitude. Le conflit ne met pas en jeu des forces en présence, mais surtout des volontés qui s’opposent, une position moi/l’autre. Il y a moi et il y a l’autre, nous nous regardons en chien de faïence et l’un des deux cède, se place dans la situation du dominé, et l’autre dans la situation du dominant. Cette thèse a été exprimée par Hegel dans la dialectique du maître et de l'esclave.

    Tel est le sens des célèbres analyses de Sartre sur le regard. Je suis dans le couloir d’un hôtel et, par je ne sais quelle curiosité trouble, je regarde à travers le trou d’une serrure d’une chambre. Je me crois seul et à ce moment là, je n’ai pas conscience de ce regard plus ou moins malpropre. Mais quelqu’un m’a vu et tout d’un coup j’ai honte. L’autre me regarde. Une bouffée de honte me cuit le visage. Je suis gêné par le regard de l’autre. L’autre a barre sur moi, il m’a surpris. Du coup, je ne suis plus sous son regard qu’une chose honteuse. Je suis sa chose, il me vole ma liberté et me réduit à ce regard qu’il a surpris et dans lequel je suis pétrifié. La relation dominant/dominé est instaurée. Pour sortir de cette humiliation du sentiment d’être une chose sous le regard de l’autre, je ne trouve plus alors qu’une issue, lui lancer à mon tour un regard insolent pour l’obliger à baisser les yeux. Si j’y parviens, il devient le dominé, tandis que je suis alors le dominant. La situation de conflit est là, tendue, empreinte d’une hostilité réciproque.

    Volée par une autre liberté capable de me dévaler sur le plan de la chose. « Autrui, en figeant mes possibilités, me révèle l’impossibilité où je suis d’être objet, sinon pour une autre liberté. ...je suis moi, pour moi-même inaccessible et pourtant moi-même jeté, délaissé au sein de la liberté d’autrui ». Dans la honte, l’autre me vole ma liberté et je me sens prisonnier, coupable, englué dans l’aliénation de la présence écrasante d’autrui. (texte)

    Dans la mesure où nous faisons du conflit un modèle de la relation humaine, les conséquences s’en suivent aussitôt que Sartre résume dans la formule de Huis clos : « l’enfer, c’est les autres ». Rien n’y échappe. L’amour-passion est à ce titre une sorte de velléité contradictoire, puisqu’il cherche à posséder la liberté d’autrui, à en faire sa chose, alors que la liberté est un bien inaliénable. Le désir sexuel réduit l’autre à être un objet de plaisir, la liberté engluée devient chose et l’attachement est par là conduit vers sa propre destruction. La relation de pouvoir fait d’autrui un objet. La relation économique fait d’autrui un objet etc. (texte).

    La leçon est importante. Le conflit met la conscience dans une dualité et une ek-stase, telle qu’elle n’est plus qu’une chose jetée en pâture au regard. Le cogito sartrien devient : non pas le je pense donc je suis, mais : on me regarde, donc je suis. L’ego n’existe que soutenu par le regard qui me fait exister dans une forme qui est son rôle. Un texte du Sursis est encore plus éloquent :

    « Et vous, dont le regard me suit éternellement, supportez-moi. Quelle joie, quel supplice, je suis enfin changé en moi-même ! On me hait, on me méprise, on me supporte, une présence me soutient à l’être pour toujours. Je suis infini et infiniment coupable ».

Autrement dit, seul avec moi-même, j’ai si peu le sentiment d’exister qu’il faut que l’on me regarde, que l’on me considère, que je me sente reconnu par un autre. J’exige cette reconnaissance car elle me fait exister. Or cette demande est en même temps une violence première qui s'introduit dans la relation. Elle somme l’autre de répondre à ma demande, et elle me soumet à l’autre en me dévalant sur le plan de l’objet. Cette situation est insupportable pour autant que ma conscience s’éprouve aussi comme liberté. Je ne peux accepter de rester figé comme un simple objet. Dans la figure du conflit, ce n’est pas la communication qui est le fondement de la relation mais une sorte d'hostilité première de l’homme pour l’homme. Autant dire clairement que le conflit n’est pas une forme de relation ! (exercice 7e)

    Étrange paradoxe : le conflit est parfois vu comme une relation, mais ce n’est pas une relation. C’est l’échec de la relation. C’est une relation qui se bloque dans l’affrontement sans pouvoir parvenir à s’établir. Cependant, le conflit met en jeu deux individualités qui sont déjà sorties de l'isolement. (texte)

C. La confusion

    Dans le conflit, la dualité est bien constituée et elle a engendré sa première production, le conflit. Mais que se passerait-il si, loin d’opposer un moi à un autre moi, la conscience personnelle venait à se dissoudre dans les autres? On pourrait croire que si il n’y a pas moi/l’autre, les êtres seront immédiatement plus proches. Ce n’est pourtant pas évident, car l’impersonnel, ce peut être aussi la dissolution dans la foule, dans le on, et noyés dans la foule, sommes-nous réellement plus proches les uns des autres ?

    L’existence quotidienne nous place dans cette situation. De prime abord, (texte) explique Heidegger, l’existant, l’être-là (dasein) est jeté dans les autres, les autres lui ont dérobé son être. Il y a on, et ce n’est qu’ensuite que je est reconquis contre l’anonymat du on. « Nous nous amusons, nous nous distrayons, nous jugeons de la littérature comme On voit et comme On juge... ». Le on n’est personne de déterminé, c’est aussi bien tout le monde, c’est l’être-en-commun de la banalité quotidienne. Jeté dans le on, l’existant dispose à l’avance de la possibilité de ne pas être soi, en suivant on. Le on dispose de trois bouches : l’opinion, « ce que l’on pense », les mœurs, « ce que l’on fait », la mode, « ce qu’on juge beau ou laid » (texte). De prime abord l’existant trouve dans le on de quoi, penser, de quoi juger et un modèle de comportement à suivre. (texte)

    Le on est là pour donner un petit souci, celui de la moyenne. Il est là aussi pour niveler toutes les valeurs. « On » ne supporte pas ce qui s’écarte de ses normes. Aussi le on prescrit par avance la banalité, par exemple la parole du bavardage, qui permet d’en rester à la banalité dans la parole, ou la dérision, qui permet de tout tourner au ridicule ce qui est essentiel pour ne plus être effleuré par quoi que ce soit. Le on s’en tient dans le bavardage aux lieux communs, celui de la pluie ou du beau temps, des petits ennuis de santé et des nouvelles insignifiantes. Le on entretient l’hébétude de la vigilance, une quiétude indifférente, tout en se donnant des airs préoccupés et sérieux. Par excellence le on introduit en toutes chose le conformisme. (texte) Il n’a pas d’autre idéal à proposer que l’absence de tout idéal, le simple fait de suivre « ce qui se fait », de faire « comme tout le monde », de suivre le troupeau. Il est aussi par excellence la puissance qui soumet au « qu’en dira-t-on ». Aussi, plutôt que de veiller à un choix et à sa valeur, l’existant peut toujours en référer aux autres: « qu’est-ce que les autres vont penser de cela ? ». « Qu’est-ce qu’on va penser de moi » ? Au fond, en tant que l’existant est soumis au on, le souci du qu’en-dira-t-on est bien plus importante que toute décision personnelle. Le on me permet de ne jamais décider par moi-même, de ne jamais juger, vouloir, penser, aimer ou détester par moi-même. Il prescrit d’avance ce qui est acceptable. Ce qu’on pense. (texte)

    Y a-t-il alors une plus grande proximité avec autrui? Non, bien sûr. Dans le mode d’être du bavardage au café, il n’y a pas de dialogue réel. on est là, on parle. Au fond, ce qu’on dit a peu d’importance, pas plus que la personne à qui on le dit et à qui on parle. N’importe qui vaudrait aussi bien, les mots seraient exactement les mêmes. Si dehors un accident survient, on dira « ah, on a rien vu, on discutait ». Derrière le on chacun peut toujours se dissimuler pour reste dans l’anonymat. Cette fusion dans les autres n’a rien à voir avec une communication, et encore moins avec une communion. Une somme par agrégats ou une foule, n’est pas une communauté. Pour communiquer il faut deux personnes conscientes d’elles-mêmes, il faut avoir quelque chose à se dire qui ait un réel intérêt. Il faut un je en face d’un tu, pour que soit tissé un véritable nous qui structure un véritable sentiment d’être-ensemble. L’être-avec de la confusion n’a rien à voir avec l’être-ensemble. Il n’y a pas de discussion possible entre des courants d’air ! Quand nous parlons de communication, il est entendu qu’il devrait être possible d’obtenir une relation personnelle, mais où serait la relation entre des outres pleines de vent d’altérité, gonflé de l’impersonnel quotidien ?

    Si donc je ne suis pas d’abord moi-même, mais que je suis plongé dans les autres, je ne peux pas être proche de qui que ce soit. L’existence authentique est nécessairement une reconquête de Soi en tant que Personne. Et la relation personnelle suppose la réciprocité de l’existence personnelle. Laisser le commun croître en nous et se faire envahissant, c’est se soumettre à une dépendance tyrannique, parce qu’elle est inaperçue. Le paradoxe, c’est que nous ne sommes pas alors plus proche des autres. Quand on se perd soi-même dans les autres, on devient insaisissable, infiniment lointain et autrui simultanément est perdu dans ce qu’il a d’original et d’expressément particulier. Il n’y a pas je devant un être unique qui est toi, quelqu’un d’incomparable à qui que ce soit. Il y a On où On ne fait attention à rien, et n’a d’égard pour personne.

    La confusion n’est pas un retrait dans l’isolement, elle n’est pas une conscience égocentrique féroce engagée dans le conflit : elle est une dispersion dans la conscience commune. Dans cette dispersion je n’existe qu’à peine et je ne me sens interpellé par rien. Mais attention, personnel ne veut pas dire qu’exister, c’est faire l’original ce qui reste tout aussi artificiel, autant que le conformisme consistant à faire comme tout le monde. L’existence personnelle veut dire seulement être soi-même. Résumons.

    Sous la forme d’un tableau : (à compléter exercice 3m)

 

être-avec

être-ensemble

impersonnel :

présence qui engendre la dépersonnalisation

 

« on « 

 

indifférence

 

distance

 

CONFUSION

 
   

 

    Nous avons là un paradoxe. Fondamentalement, la plupart d’entre nous sommes très égomaniaque, car notre pensée tourne autour de notre propre personne. Mais en même temps, quel est donc le contenu qu’enferme cet égocentrisme ? D’abord l’appropriation de la banalité ! Comme dit Heidegger, On dit « les autres » pour dissimuler le fait que l’on est essentiellement l’un d’eux, en réalité, On n’est pas différent. Telle est, selon Nicolas Berdiaeff, (texte) l’âme banale, que produit la conscience commune en tant qu’elle soumet par avance les consciences individuelles. Telle est la force d’inertie immanente au commun, à la foule, la masse, dans la pesanteur muette qu’elle semble imposer à la conscience personnelle. (texte)

D. De la sympathie à l’amitié

    Pour qu’une authentique relation apparaissent, il est nécessaire que le sujet soit placé dans une position qui soit celle de la conscience personnelle. Une relation est personnelle ou elle n’est pas. S’agissant des êtres humains, il ne saurait y avoir de relation « impersonnelle », car ce mot signifie pas de relation du tout. Il faut donc la chaleur de la présence en personne et un sentiment de cette présence : cela s’appelle la sympathie. Dans l’usage courant ce terme est souvent assez vague. Il y a celui que l’on « trouve » sympathique et l’autre que l’on trouve « antipathique ». Mais ce n’est pas la sympathie. Ce n’est que le produit du jugement et de la dualité. Ce n’est pas ce que signifie d’abord le mot. Sym désigne ensemble (comme dans symbiose), pathie désigne le sentir sous la forme du pathos, du sentiment. La sympathie signifie "éprouver ensemble", un éprouver qui accueille l’autre sur le terrain du sentiment. La sympathie a cette vertu d’ouverture du sentiment au delà des limites du moi et de ses intérêts. La sympathie déclôt l’individualité et l’ouvre à une région plus vaste. Il est même possible, comme le dit Bergson, que la sympathie me relie à tout ce qui vit, à tout ce qui est sensible. La sympathie à l’égard de la souffrance éveille dans le cœur la compassion. (texte) Cependant, nous employons d’abord le mot sympathie dans une sphère qui est d’abord humaine. Nous éprouvons de la sympathie pour quelqu’un. Nous avons de la sympathie envers celui avec qui nous éprouvons des affinités.

    Ce sont les affinités électives qui font l’amitié. L’amitié n’est pas la sympathie, elle est davantage. La sympathie me rend plus proche de l’autre, mais elle ne suppose pas la réciprocité. De même, la bienveillance n’est pas encore l’amitié. La bienveillance est ce sentiment qui fait que nous désirons le bien de l’autre. Là non plus, il n’y a pas de retour. Quand par contre est présente à la fois la sympathie et la bienveillance et qu’elles sont réciproques, nous ne sommes dans l’amitié. Il n’y manque que la transformation de la sympathie en amour. L’ami est celui qui tout à la fois aime et veut sincèrement le bien de l’autre. En un mot, l’amitié est une vertu.

   Mais cette formule surprend. Notre monde postmoderne ne voit pas l’amitié sous un angle moral. Nous pensons l’amitié comme une sorte de convivialité plaisante. Nous confondons le copain avec qui on fait la fête avec l’ami. Ou bien, nous prenons pour acquise des relations de fait, celles qui doivent se nouer entre des gens qui sont ensemble dans une même institution : nous confondons alors l’ami, ou avec le camarade. Le camarade n’est pas nécessairement un ami. Le fait d’être soumis aux mêmes règles dans une institution nous met sur le même plan social. C’est tout. De même, l’ami n’est pas le collègue de travail. On peut-être collègue et entretenir des relations correctes sans être amis. La camaraderie et la solidarité professionnelle sont des relations superficielles. L’amitié désigne une relation humaine plus profonde, plus essentielle.

    Elle peut, selon Aristote, être analysée : a) à travers la forme qu’y prend l’aimable. Dans l'Ethique à Nicomaque Aristote dit : « Nous n’aimons pas toute chose indistinctement, mais seulement ce qui est aimable, à savoir, le bon, l’agréable et l’utile ». b) à partir de son principe de relation. Aristote se réfère au principe d’Héraclite qui dit que les contraires tendent à s’unir. On dit parfois « les contraires s’assemblent ». Le principe d’Empédocle part de la tendance inverse : les semblables s’attirent. Nous disons dans le langage courant : « qui se ressemble s’assemble ». Un proverbe indien dit : « les oiseaux de même plumage volent ensemble ».

    1) Appelons amitié plaisante, celle dans laquelle ce qui est aimé c’est l’agréable. Cette amitié est celle que nouent ceux qui recherchent ensemble les mêmes plaisirs. L’ami est celui qui a les mêmes jeux, les mêmes attraits, celui dont la compagnie est agréable et avec qui on fait la fête. Cette forme d’amitié suit le principe d’Empédocle, car ce qui rapproche les personnes dans ce cas, c’est une communauté de goûts. Moi et l’autre sommes semblables au sens où nous apprécions les mêmes divertissements. C’est l’amitié privilégiée de la jeunesse en général. « Ceux dont l’amitié est inspirée par le plaisir, ce n’est pas pour leur nature profonde qu’ils ont du goût pour les gens d’esprit, mais uniquement pour l’agrément qu’ils trouvent en eux ». L’agrément est une cause très instable et fragile : le plaisir change au gré des circonstances et la maturité de chacun. « L’amitié des jeunes gens semble avoir sa source dans le plaisir, c’est que la passion domine leur vie et qu’ils poursuivent tout particulièrement leur propre plaisir et le plaisir du moment ; de là vient qu’avec la même rapidité, les amitiés entre eux naissent et meurent. En même temps que leur goûts, leur amitié change d’objet et des plaisirs comme les leurs sont exposés à de fréquents changements». Le plaisir est un fondement de la relation qui est assez assez pauvre. Aussi cette amitié est-elle accidentelle, comme est accidentelle sa cause. Elle peut se nouer et se dénouer au gré des circonstances.

    ------------------------------2) Appelons amitié utile, celle dans laquelle ce qui est aimé, c’est l’utile. Cette amitié se rencontre chez ceux qui ont une relation fondée sur le service mutuel. L’ami est celui qui me rend service en m’apportant ce qui m’est utile et auquel je rends service dans le même sens. Ici l’amitié est gouvernée par le principe d’Héraclite : ce que je n’ai pas l’autre le possède et inversement, je possède ce dont il a besoin, de sorte que nous avons besoin l’un de l’autre. Ainsi s’expliquent ces curieuses relations entre des gens très différents par nature, mais dont les différences sont justement complémentaires, qui s’apprécient pour cette raison. Ceux qui s’aiment ainsi « ne s’aiment pas pour eux-mêmes, mais dans l’espoir d’obtenir l’un de l’autre quelque avantage» ; la relation exige que nous puissions échanger quelque chose : des livres, un savoir, des capacités. Or, « l’utilité n’est pas une chose durable, mais elle varie suivant les époques ». Nos besoins sont relatifs à des circonstances. Ils ne sont pas toujours les mêmes. Aussi une amitié de ce genre va se dissoudre dès que l’utilité ne sera plus sentie. L’amitié utile est une relation accidentelle parce que ce n’est pas la personne qui est aimée, mais seulement ce que l’on attend d’elle. Nos besoins sont très variables. Le déplacement de nos intérêts aussi. Aussi, ce qui était la cause de l’amitié se défaisant, l’amitié se défait aussi.

    3) Enfin, appelons amitié parfaite, ou amitié vertueuse, (texte) celle dans laquelle ce qui est aimé, c’est le bien. L’ami est celui à qui je veux du bien et qui me veut du bien. Cette dimension morale est très importante. On ne peut pas appeler ami celui qui vous encouragerait à la dépravation pour vous faire plaisir. Celui qui offre de l’alcool à l’alcoolique, de la drogue au drogué pour lui faire "plaisir", n’est pas un « ami ». L’ami est celui qui a souci de votre bien et qui saura parfois vous remettre en question pour vous sortir de votre égarement. La complaisance dans le plaisir n’a rien à voir avec le souci du bien. Aussi, « vouloir le bien de ses amis pour leur propre personne, c’est atteindre au sommet de l’amitié». L’intention qui veut le bien de l’autre, est-elle, comme précédemment, accidentelle ? Non. Aristote souligne qu’un tel sentiment traduit le fond même de l’être et non un état accidentel. Persévérer dans le bien, c’est affirmer sa propre nature, notre vraie nature. La vertu est puissance d’affirmation naturelle à l’humain. Aussi Aristote ajoute : « l’amitié parfaite est celle des bons et de ceux qui se ressemblent par la vertu. C’est dans le même sens qu’ils se veulent mutuellement du bien, puisque c’est en tant qu’ils sont bons en eux-mêmes ; or leur bonté est leur est essentielle ». Ce qui est aimé, ce n’est plus un avantage chez l’autre, ni un plaisir avec l’autre, deux façons de simplement profiter des autres, ce qui est aimé, c’est la personne de l’autre pour son bien. Aussi l’amitié parfaite est-elle non pas une amitié d’un jour, mais une amitié qui dure. Cette durée est la durée de notre propre nature pour autant qu’elle est portée vers le bien. Il faut être très clair sur ce point. On peut concevoir une amitié utile ou une amitié plaisante entre une crapule et un homme de bien, ou entre deux hommes vicieux, mais il est inconcevable d’y rencontrer une amitié parfaite. La connivence dans le mal rend impossible la plus haute forme d’amitié. Enfin, ajoutons que l’amitié vertueuse enveloppe sans les nier les amitiés précédentes. C’est tout naturellement que de vrais amis pourront se rendre service et chercheront ensemble les mêmes plaisirs. L’amitié ne suppose par l’ascétisme mais l’hédonisme. (texte)

    Pourtant, il faut avouer qu’une telle amitié est rare. Nous sommes le plus souvent motivés par le plaisir et l’utilité. L’amitié demande du temps pour se connaître, du temps à consacrer à l’autre. Aristote distingue à ce titre les passions et les vertus. Une passion est une inclination naturelle qui dépend d’une force de la nature, une vertu dépend d’un vouloir, d’une bonne volonté humaine. L’amitié est vertu et non passion. La sympathie peut s’éprouver passivement, mais l’amitié se veut, elle s’entretient, demande que l’on accorde du temps à l’autre. Il est donc facile de souhaiter une telle amitié, mais il est plus délicat de l’entretenir !

    Kant voit bien la difficulté. (texte) Il y a dans l’amitié un équilibre si fragile qu’elle relève pour ainsi dire d’un Idéal. Il faut dans l’amitié concilier tout à la fois le respect et l’amour. L’amour rapproche, mais nous savons aussi que comme amour-passion, il peut manquer de respect. Le respect à l’inverse tient à distance, mais à lui seul, il n’enveloppe pas l’affection. Le respect qui est commandé par la morale est formel, il peut-être froid, dépourvu de sentiment. On peut fort bien respecter quelqu’un sans l’aimer. Or dans l’amitié, la chaleur de l’affection est présente et en même temps, il y a un respect, il y a une pudeur qui fait que nous avons soin de ne pas attenter à la dignité de l’autre. Les hommes sont tiraillés entre ces deux extrêmes : ou bien un respect purement formel, comme celui que l’on a à l’égard de ses collègues, ou bien un attachement passionnel, mais qui est réservé aux proches dans le cadre de la famille. Peu de place pour l’amitié donc. L’amitié retrouverait sa place si nous avions des valeurs différentes que celles qui ont cours aujourd’hui. Nos modèles sociaux favorisent la relation passionnelle (dans le cinéma), une certaine complicité virile (autour du sport), une convivialité superficielle (autour du travail, du jeu et de la fête). Pour que l'amitié retrouve sa valeur, il faudrait que nous retrouvions le don de soi, le sens de la sagesse, le sens de la beauté, le souci de l’art de vivre. Mais comment, dans le harcèlement dans lequel nous vivons, pourrions-nous être sensible aux formules d’Epicure : « du pain, de l’eau et de l’amitié » ? L’amitié paraît bien un Idéal : ce vers quoi nous voudrions tendre, mais que nous ne parvenons pas à atteindre.

E. L’amour

    Il y a dans l’amitié de l’amour, mais l’amour considéré dans son essence n’est pas l’amitié. Nous parlons souvent de l’amour, mais savons-nous seulement ce que c’est ? (texte) C’est un mot qui a été usé et défiguré par son usage. On dit « j’aime » à propos de tout : « j’aime le chocolat, je n’aime pas ce type, j’aime voir le soleil descendre sur les bois... » Mais est-ce cela l’amour ? On parle d’amour de la Patrie et on nous a dit qu’il fallait être prêt à tuer pour la patrie. L’amour est étalé dans des magazines où il est associé avec le désir et le plaisir sexuel. Les prédicateurs parlent d’amour dans un sens différent, de l’amour de Dieu, qui implique le rejet de la chair. Nous disons encore qu’il faut aimer, mais l’amour est il un devoir ? Est-il une idée ? Nous sommes pris dans au piège d’opinions multiples et plongé dans la confusion. Le mot amour est un terme si galvaudé que pour le comprendre il vaut mieux se débarrasser de ce qu’il n’est pas.
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    Peut-on appeler « amour » le patriotisme qui demande de tuer par amour de la patrie ? Dans son essence, l’amour n’est pas une idée et moins encore une idéologie. Il ne peut envelopper en lui la négation de l’autre. L’ascétisme est-il plus dans le vrai, quand il divise la vie en sacré/profane ? Peut-on parler d’un amour sacré et d’un amour profane ? Il est vrai que des religieux disent que regarder une femme est mal, que prendre plaisir à des rapports sexuel est mal, que cela éloigne de Dieu. Or ceux là « refoulent leurs désirs qui les dévorent. En niant la sexualité, ils se bouchent les yeux et s’arrachent la langue, car ils nient toute la beauté de la terre. Ils ont affamé leur cœur et leur esprit. Ce sont des êtres déshydratés, ils ont bannis la beauté, parce que la beauté est associée à la femme ». L’amour est en réalité est indivisible.

    Faut-il le confondre avec le désir ? (texte) L’amour se réduit-il au désir et à la recherche du plaisir ? Le désir engendre l’attachement qui, pour la plupart d’entre nous, est effectivement confondu avec l’amour. On dit que l’on aime quelqu’un tant qu’il répond à notre demande affective, notre demande de sécurité : quand il nous appartient. Au moment où il se détourne de nous, apparaît la jalousie, le mépris et la haine. L’attachement tisse des liens serrés qui étouffent et emprisonne. Il ligote l’un et l’autre, il interdit l’amour. Il interdit la liberté de l’autre, aussi est-il perpétuellement remis en cause. L’attachement engendre l’amour passionnel et l’amour passionnel se mue en haine passionnelle. Ce nous disons en fait, c’est : « Tant que vous m’appartenez, je vous aime, dès l’instant où vous ne m’appartenez plus je vous hais » ! ! L’attachement est possessif, il est aussi prédateur que le désir dont il est la manifestation directe. Est-ce cela l’amour ? Si nous aimions vraiment, nous saurions laisser l’autre libre « lorsque l’on aime, il faut être libre, non seulement de l’autre personne, mais par rapport à soi ».

    Faut-il faire de l’amour un devoir ? Lorsque l’on agit par devoir, y a-t-il de l’amour ? Ce qui est fait par devoir n’est pas fait avec le cœur. L’amour n’est pas comme le respect moral, il ne se commande pas. Tant que l’on s’oblige à agir par devoir, on n’aime pas ce que l’on fait. Inversement, quand l’amour est réellement présent, il y a aussi le respect, car il l'enveloppe. Quand on aime, on respecte celui que l’on aime dans la chaleur de l’affection.

    Cela ne veut pas dire pour autant que l’amour soit émotionnel, au sens d’une réaction sentimentale, telles que les larmes du chagrin. Par exemple, quand nous perdons un être aimé, nous pleurons. Mais pour qui pleurons-nous ? Est-ce sur nous-mêmes, parce que nous sommes privés de l’autre en qui nous avions investi une affection ? Mais se prendre soi-même en pitié et pleurer sur soi n’est pas de l’amour. « Lorsque vous pleurez votre frère mort, que ce soit donc pour lui. Il vous est facile de pleurer pour vous en pensant qu’il est parti. En apparence, vous pleurez parce que votre cœur est blessé, mais ce n’est pas pour votre frère que vous souffrez, c’est pour vous, car vous vous prenez en pitié et cette pitié vous endurcit, vous replie sur vous—mêmes, vous rend terne et stupide ». Le déballage de sentimentalisme émotionnel, quand il n’a d’objet que l’ego, n’est pas de l’amour.

    Si nous pouvons voir toutes ces confusions et laver en quelque sorte notre compréhension de l’amour que reste-t-il ? Sûrement pas une discipline que nous devrions cultiver. Ce qui peut-être cultivé, c’est la politesse, la gentillesse, le respect. L’amour se donne comme sentiment, il ne se cultive pas comme une vertu. L’amour est le don du soi du cœur qui n’attend pas de retour, qui n’exige pas la réciprocité, le don qui trouve sa joie dans le seul fait de se donner. Il est exprimé dans la pensée : « je vous aime, mais cela ne vous regarde pas » : je ne trafique pas des sentiments, je n’attends rien de vous, je n’impose rien. L’amour se répand comme un fleuve qui suit son cours. « l’amour ne peut prendre naissance que dans un total abandon de soi ». La fleur qui offre son parfum le fait sans calcul et sans intention, elle ne cherche pas à profiter du regard que l’on pose sur elle, elle rayonne ce qu’elle est, libre à vous de respirer son parfum et de jouir de sa beauté ou de vous en détourner. La rose donne de sa beauté sans raison, comme l’amour donne sans attendre. Malheureusement, nos relations sont si intéressées, si égocentriques, que nous raisonnons au sujet de l’amour comme nous le faisons avec les valeurs en bourse. Nous « plaçons » de l’affection et nous exigeons que celle-ci « rapporte », nous voulons « profiter » des autres. Si l’autre se détourne, s’il ne répond pas à notre demande, nous éprouvons de l’amertume, de la jalousie, de la haine. Notre interprétation de l’amour est si sensuelle et si personnelle qu’elle exclue par avance le don de soi. Et il n’y a pas d’amour sans don de soi. Le don de soi n’a pas de limite fixe. L’amour est à la fois personnel et impersonnel, (texte) il peut sans contradiction aller vers un seul ou le grand nombre.

    La sensibilité du cœur n’est pas la sensualité du désir. On peut-être très sensuel sans être vraiment sensible. Il y a entre les deux toute la différence entre la délicatesse du sentiment et le caractère possessif, brutal du désir. C’est pourquoi l’amour véritable est davantage sentiment que passion-de telle ou telle personne, tel ou tel idéal, tel ou tel objet. Le sentiment est coloration du cœur, émotion pure dans le champ de l’affectivité. Ce n’est que quand s’ajoute la dimension du désir qu’il devient amour passion. Il y a une distance entre la délicatesse du sentiment, la chaleur du don de soi et la tyrannie, le despotisme du désir. Ce que nous nommons amour d’ordinaire, ce que notre monde médiatique met en exergue, c’est l’attachement. L’attachement est né du désir de prendre en l’autre ce qui nous manque, de lui soutirer, de vampiriser de l’affection. L’amour passion - à supposé qu’il puisse être réciproque – ce qui est une absurdité - (son drame c’est bien souvent qu’un seul aime passionnément tandis que l’autre jouit du culte qu’on lui offre), serait semblable à la figure de deux vampires qui se sucent réciproquement le sang ! L’attachement vampirise l’autre et c’est pourquoi il est étouffant.

    L’amour véritable est union et émerveillement, joie du don et de la présence (texte). Le désir ne cesse de demander, l’amour ne cesse de se répandre. L’amour ne saurait être un marchandage avec l’autre afin de lui soutirer de l’affection. C’est pourquoi l’amour peut laisser libre, entourer de soin, aider l’enfant à grandir. L’amour ouvre les yeux, permet de comprendre au lieu de juger. Il révèle en l’autre ce qu’il a de meilleur. Mieux : quand on aime « l’autre » disparaît, il s'efface au sens de la dualité conflictuelle, du face à face. L’amour met l’unité là où d’ordinaire règne la dualité, il nous fait traverser la souffrance de la séparation en donnant l’unité du sentiment.

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    Qu’est ce donc qu’une relation juste ? Ce n’est pas la négation de l’isolement qui renferme sur soi, loin des autres. Ce n’est pas cet état produit par les processus égocentriques qui finissent par nous enfermer au point d’étouffer. La relation juste suppose pourtant une conscience exacte de la solitude de toute conscience, la conscience mûrie de la solitude intérieure, qui seule peut donner naissance à une relation élevée. La relation juste n’est pas le conflit, qui est l’échec de la relation, la relation bloquée sur le plan de l’affrontement. Ce n’est pas non plus une fusion dans les autres. La relation est personnelle et ce sommet de la relation personnelle, dans le champ de la dualité, de la différence, nous l’avons rencontré dans l’amitié. L’amour fonde la relation sur l’unité, il porte la relation à son point le plus élevé parce qu’il est l’expression du principe du don et d’un don qui n’est pas purement formel ou moral, mais repose sur l’épanchement du cœur.

    La relation, en un sens, est toujours par avance présente. Nous vivons en relation. La relation n’a pas à être créée, elle a surtout à être vécue et surtout ne pas à être rompue. Il est suffisamment clair que notre vie en relation est insuffisante, tant que demeure le malaise de l’absence de communication. Sur le chemin de la relation juste, nous avons à retrouver la chaleur de la relation et à désapprendre les processus qui détruisent la relation (texte). Un dernier point : la communication n’est pas seulement l’interaction avec autrui, elle est d’avantage que l’interaction.

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Vos commentaires:

Questions:

1. Que faut-il penser de ces paroles de chansons : "la solitude, cela n'existe pas... j'ai ma place au café du coin"...?

2. Nos attentes à l'égard d'autrui ont elles un rapport avec le caractère conflictuel de nos relations?

3. Le regard est-il par nature conflictuel? Quand le devient-il?

4. Le conflit est-il une forme de relation ou bien est-il l'échec de la relation?

5. Comment se fait-il que l'ego, qui veut être "spécial", apprécie par ailleurs autant le conformisme?

6. Y a-t-il nécessairement un rapport entre la sympathie et la conscience morale?

7. Pourquoi identifions-nous l'amour avec l'attachement?

  © Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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