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Textes philosophiquesThéodore Adorno celui que l'on ne voit pas comme un être humain
'"Les
humains te regardent - L'indignation que suscitent les cruautés commises
diminue à mesure que les victimes cessent de ressembler aux lecteurs
normaux, qu'elles sont plus brunes, « plus sales », plus proches des « Dagos
» . Voilà qui éclaire autant sur les atrocités que sur les spectateurs. Peut
être la schématisation sociale de la perception est elle ainsi faite chez
les antisémites qu'ils ne voient plus du tout les Juifs comme des hommes.
L'assertion courante selon laquelle les Sauvages, les Noirs, les Japonais
ressemblent à des animaux, par exemple à des singes, est la clé même des
pogromes. Leur éventualité est chose décidée au moment où le regard d'un
animal blessé à mort rencontre un homme. L'obstination avec laquelle celui
ci repousse ce regard - « ce n'est qu'un animal » - réapparaît
irrésistiblement dans les cruautés commises sur des hommes dont les auteurs
doivent constamment se confirmer que « ce n'est qu'un animal », car même
devant un animal ils ne pouvaient le croire entièrement. Dans la société
répressive la notion d'homme est elle même une parodie de la ressemblance de
celui ci avec Dieu. Le propre du mécanisme de la « projection pathique » est
de déterminer les hommes détenant la puissance à ne percevoir l'humain que
dans le reflet de leur propre image, au lieu de refléter eux-mêmes l'humain
comme une différence. C'est alors que le meurtre apparaît comme une
tentative constamment répétée, dans une folie croissante pour déguiser en
raison la folie d'une perception aussi erronée : celui qu'on n'a pas perçu
comme un être humain et qui pourtant est un homme, est transformé en chose
afin qu'aucun de ses mouvements ne mette en cause le regard du maniaque". Minima moralia: réflexions sur la vie mutilée, §68, Payot, 2003. Indications de lecture:Relier à Günther Anders.
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