Textes philosophiquesShri Aurobindo de la raison à l'intuition pour la mâitrise de la vie"Dans le mental humain apparaissent pour la première fois une intelligence observatrice qui regarde ce qui se fait, une volonté et un choix qui sont devenus conscients ; mais la conscience est encore limitée et superficielle ; la connaissance aussi est limitée et imparfaite ; c’est une intelligence partielle, une demi-compréhension, pour la plus grande partie empirique et tâtonnante, et si elle est rationnelle, elle l’est par des constructions, des théories, des formules. Il n’y a pas encore une vision lumineuse qui connaît les choses par appréhension directe et les dispose avec une précision spontanée selon cette vision, selon le plan de leur vérité inhérente. Bien qu’un certain élément d’instinct, d’intuition et de perspicacité intérieure commence à jouer dans cette faculté, le caractère normal de l’intelligence humaine est une raison investigatrice ou une pensée réfléchie qui observe, suppose, déduit, conclut, parvient par son labeur à une vérité construite, un système de connaissance construit, une action délibérément arrangée dont elle est l’auteur. Ou plutôt, c’est là ce qu’elle cherche à être et qu’elle est en partie, car sa connaissance et sa volonté sont constamment envahies, obscurcies et frustrées par des forces de l’être qui sont des instruments à demi aveugles du mécanisme de la Nature. Ce n’est évidemment pas là le maximum dont la conscience soit capable, et ce n’est pas non plus la fin de son évolution ni son plus haut sommet. Une intuition plus grande et plus intime doit être possible, qui pénétrerait dans le cœur des choses, qui s’identifierait lumineusement aux mouvements de la Nature, et assurerait à l’être une claire maîtrise de sa vie, ou tout au moins une harmonie avec son univers, seule une conscience libre et entièrement intuitive pourrait voir et saisir les choses par un contact direct, une vision pénétrante ou un sens spontané de la vérité, né d’une unité ou identité sous-jacente..." On peut aussi concevoir un autre monde harmonieux où agirait une intelligence mentale intuitive de ce genre, et où sa direction serait la règle, mais en raison de l’intention originelle et de l’histoire passée du plan d’évolution, une telle règle et une telle direction se stabiliseraient difficilement sur le plan de notre existence, et il est peu probable qu’elles puissent y devenir complètes, finales et définitives. En effet, une mentalité intuitive intervenant dans une conscience mélangée mentale-vitale-physique, serait normalement obligée de se soumettre à un mélange avec la substance inférieure de conscience déjà obtenue dans l’évolution ; afin d’agir sur cette substance, elle devrait y pénétrer, et, en y pénétrant, elle s’y empêtrerait, en serait pénétrée et serait affectée par le caractère séparateur et partiel de notre action mentale et par les limitations de l’Ignorance et de sa force.L’action de l’intelligence intuitive est assez perçante et lumineuse pour pénétrer et modifier la masse de l’Ignorance et de l’Inconscience, mais elle n’est pas assez vaste et totale pour l’absorber en elle-même et l’abolir ; elle ne pourrait pas effectuer une transformation entière de toute la conscience en sa propre substance et sa propre puissance. Néanmoins, une sorte de participation existe même dans notre état actuel, et notre intelligence normale est suffisamment éveillée pour que la Force consciente universelle agisse à travers elle et permette à l'intelligence et à la volonté d’exercer dans une certaine mesure une direction sur les circonstances intérieures et extérieures " La vie divine, IV, Albin-Michel, p. 108-110. Indications de lecture:
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