Textes philosophiques

Shri Aurobindo     l'expérience du mal et l'ignorance


     «Il y a une utilité cosmique et individuelle à ce qui se présente a nous comme ennemi et comme mal. Sans l’expérience de la douleur nous ne saurions en effet atteindre à toute l’infinie valeur du délice divin que la douleur est en train d’enfanter ; toute ignorance est une pénombre qui environne une orbe de connaissance, toute erreur est significatrice de la possibilité et de l’effort d’une découverte de vérité ; chaque faiblesse, chaque failüte est un premier sondage des abîmes de puissance et de potentialité ; toute division est destinée à enrichir,. par une expérience variée de la douceur de l’unification, laJoiede l'unité réalisée, 'foute cette imperfection est pour nous le mal, mais tout mal est en train d’enfanter le bien éternel ; car dans la loi de cette vie qui émerge de l’Inconscience, tout est une imperfection qui est la condition première pour manifester avec une plus grande perfection la divinité cachée. En même temps, le sentiment que nous avons maintenant de ce mal et de cette imperfection, la révolte de notre conscience contre eux sont pourtant aussi une évaluation nécessaire, car si nous avons d’abord à les affronter et à les supporter, la tâche ultime qui nous est assignée n’en est pas moins de rejeter, de surmonter, de transformer la vie et la nature. C’est pour cette raison qu’il n’est pas permis à leur insistance de se relâcher ; l' âme doit apprendre les conséquences de l'Ignorance, elle doit être éperonnée par leurs réactions dans son effort de maîtrise et de conquête et enfin dans son plus haut effort, de transformation et de transcendance. Quand on vit intérieurement dans les profondeurs, il est possible de parvenir intérieurement à un état de vaste égalité et de vaste paix, que ne troublent pas las réactions de la nature extérieure. C’est là une libération immense, mais incomplète — car la nature extérieure aussi a droit à la délivrance. Or, même si notre délivrance personnelle est complète, il reste encore la souffrance d’autrui, le monde dans les douleurs de l’enfantement, que celui qui a l’âme élevée ne peut contempler avec indifférence. Il y a avec tous les êtres une unité que quelque chose en nous ressent, et la délivrance d’autrui doit être ressentie comme essentielle à notre propre délivrance.

La Vie divine, II, Albin-Michel, p.150-151 .

Indications de lecture:

Cf. Philosophie de la Morale, ch. I.

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