Fukuyama avait en réalité raison. Il ne
disait pas qu'il n'y aurait plus d'événements, mais que l'humanisme
démocratique était, contrairement à l'islamisme ou même au marxisme,
l'horizon indépassable non seulement de notre temps, mais de toute
humanité. Et c'est vrai, la démocratie est bel et bien le seul régime
dans lequel l'humain devient adulte, accède à lui-même. Si son essence
est la liberté, seule la démocratie lui permet d'être enfin lui-même.
Or, depuis deux siècles, en Europe occidentale, n'en déplaise aux
déclinistes et "collapsologues" à la mode, les progrès accomplis sont
sidérants en termes de niveau et d'espérance de vie, mais aussi de
liberté des femmes et des hommes. Et cela fait tout de même soixante-dix
ans que les démocraties ne se font plus la guerre... Fukuyama prétendait
simplement que la forme de la république libérale était indépassable
pour quiconque croit en la liberté humaine. Si l'on pense que la liberté
est le propre de l'homme par opposition aux animaux et aux dieux, seul
ce régime universaliste lui convient. Ce qui n'exclut nullement les
retours en arrière, les régressions vers le Moyen Age, voire vers des
régimes fascistes.
En ce sens, la grande théorie rivale de
Fukuyama, celle de Samuel Huntington qui annonçait la "fin de la fin de
l'Histoire" avec le "choc des civilisations" se fourvoie, car sous ses
formes les plus extrêmes, l'islamisme n'a rien d'un universalisme :
c'est un archaïsme délirant, privé de cette aspiration à l'émancipation
universelle de l'humanité qui était malgré tout encore présente dans le
communisme. Le choc des civilisations ne fait en réalité qu'opposer le
seul universalisme qui reste en selle - la démocratie libérale - au
particularisme fanatique et impérialiste des fous de Dieu.
Entretien dans l'Express au sujet du
Dictionnaire amoureux de la philosophie.
Indications de lecture:
cf. la leçon sur la fin de l'Histoire.
A,
B,
C,
D,
E,
F,
G,
H, I,
J,
K,
L,
M,
N, O,
P, Q,
R,
S,
T, U,
V,
W, X, Y,
Z.