Pourquoi vous êtes-vous peu à peu
éloigné de l'universalisme républicain ? Parce qu'il a un "angle mort",
la question de la spiritualité ?
J'en conserve tous les principes sur le plan
moral, mais la morale et la politique ne suffisent pas, elles ne peuvent
pas répondre à elles seules à la question du sens. J'ai traduit avec
enthousiasme dans la Pléiade la Critique de la raison pratique de Kant,
qui est la matrice de toute morale républicaine. Les pères fondateurs de
la IIIe République étaient d'ardents kantiens. C'est un texte génial,
mais qui ne répond en rien, sinon par un retour au christianisme, à la
question de la vie bonne pour les mortels. La morale insiste à raison
sur le respect d'autrui, sur la générosité, mais elle ne fournit aucune
réponse aux questions existentielles : celles de la mort, de l'amour, de
la banalité de l'existence quotidienne, de l'ennui, de l'éducation,
autant de questions qui ne relèvent pas, pour l'essentiel, de la morale.
Les grandes spiritualités religieuses traitent la question de la
vie bonne par Dieu et par la foi, tandis que les grandes philosophies,
qui sont des spiritualités laïques, le font sans passer par Dieu ni par
la foi, mais par la lucidité de la raison et les moyens du bord. J'ai
donc voulu, dans ma philosophie, aller au-delà de la morale, sans pour
autant tomber dans la religion, ou pire, dans le spinozisme.
En quoi
consiste votre spiritualité laïque ?
Elle est en partie liée à
l'invention du mariage d'amour, à cet événement historique ou
"historial" qui a fondé une époque nouvelle et qui donne un sens nouveau
à l'idée de perfectibilité. Comme le dit Yasmina Reza dans Dans la luge
d'Arthur Schopenhauer, seul l'amour est intrinsèquement sensé.
Entretien dans l'Express au sujet du
Dictionnaire amoureux de la philosophie.
Indications de lecture:
cf. la leçon sur la fin de l'Histoire.
A,
B,
C,
D,
E,
F,
G,
H, I,
J,
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L,
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