Textes philosophiques

Jean Klein    Qui suis-je? la quête sacrée,  (introduction d'Emma Edwards)


        Le désir d'interroger la vie vient de la vie même, de cette partie de la vit qui est encore cachée. La vie nous pousse à interroger. Elle eut être admirée. Tant qu'elle ne l'est pas, la question demeure. La question Qui suis-je" apparaît souvent durant notre vie, mais nous nous en détournons. Il existe de nombreuses instances où nous sommes incités à demander - qu'est-ce que la vie ? qui suis-je ? Peut-être avons-nous ressenti, depuis l'enfance, une vague nostalgie pour « quelque chose de plus », un désir divin. Peut être sentons-nous que la raison réelle de notre naissance nous échappe, passe à côté de nous. Peut-être sommes-nous lassés de tous les expédients que nous avons utilisés pour tenter de donner un sens à notre existence : l'accumulation du savoir, des expériences et de la richesse, les quêtes religieuses, l'affairement forcé, les drogues, etc. Ou bien nous faisons face à une crise dans laquelle nous sentons que nous ne contrôlons plus la situation. Peut-être avons-nous simplement peur de la mort. Tous ces événements sont des occasions qui ne devraient pas être gâchées. Elles viennent de la vie même, nous incitant à regarder, parce que la vie sait que lorsque nous la voyons vraiment, nous ne pouvons qu'admirer.

     Pourquoi évitons-nous l'appel de l'interrogation? Pourquoi évitons-nous de découvrir ce que nous sommes? En grande partie à cause du sentiment profond qu'interroger sincèrement signifie la mort de quelque chose auquel nous nous accrochons, ce quelque chose étant l'idée que nous avons de nous-même, la personnalité, l'ego, et tout ce qui va avec. Mais nous hésitons également parce que nous ne savons pas comment poser la question, nous la sentons là mais ne savons pas comment l'approcher, nous la sentons trop vaste pour nous, nous en avons peur. Ce qui est merveilleux, c'est que ces deux excuses font partie de notre sagesse inhérente, viennent de la réponse même. Elles prouvent que nous en savons déjà plus que nous ne le pensons. 

      Le premier pas dans la recherche de soi est donc de voir quels lâches nous sommes, comment nous évitons toute occasion d'interroger réellement, comment nous fuyons ce désir ardent, ou le sentiment de manque Il se peut que nous les reconnaissions intellectuellement, mais nous ne les accueillons pas `amarrent. Dès que nous admettrons cette réaction, nous sentirons la vie nous provoquer à chaque instant La question est toujours là, sous-jacente à toutes nos activités compensatoires.

      Une fois que nous avons accepte le défi de la vie nous devons savoir comment poser la question afin qu'elle ait du pouvoir, puisse être effective et ne nous déçoive pas. Nous devons nous convaincre que la question nous mènera à la réponse. Notre interrogation doit devenir digne.

      Afin de parvenir à une recherche de soi effective nous devons voir clairement la manière dont elle diffère des autres formes de recherche. Nos questions de tous les jours supposent naturellement que les réponses auront un sens pour nous, qu'elles auront un lien avec notre expérience, notre mémoire. Ces questions présument un centre de référence, un « je » qui peut comparer et interpréter. L'assomption d'une réponse au niveau de la question est parfaitement valide dans le monde des références où la comparaison et la mémoire sont des outils essentiels. C'est comme cela que nous communiquons verbalement. Mais lorsque nous demandons : qui suis-je?, nous interrogeons ce centre de référence, nous interrogeons celui qui interroge, et de toute évidence ce qui est en question ne peut donner une réponse. Dans cet espace de recherche la mémoire n'a aucun rôle car qu'y a-t-il à comparer au « je » ou à la vie? Nous ne pouvons sortir de cela, nous sommes cela. Alors nous sommes amenés à un arrêt, et nulle part où aller. Nous ne savons plus. Il est possible de passer une vie entière, planant là aux frontières du concept, où Kant s'est trouvé. Mais là où pour le philosophe la recherche se termine, pour celui qui cherche la vérité ce n'est que le commencement. Car c'est le moment où l'on passe de la recherche spirituelle mue par un pressentiment de la réponse à ce que l'on pourrait appeler la quête sacrée qui est la réponse.

    La quête réelle commence lorsque ce non-savoir cesse d'être un concept agnostique et devient une expérience vivante. Cela survient soudain lorsque l'arrêt de l'effort mental est ressenti à chaque niveau, c'est-à-dire lorsqu'il devient une perception immédiate plutôt qu'une simple cognition. Lorsque l'état « je ne sais pas » est accepté comme un fait, toute l'énergie qui était jusque-là dirigée vers l' « extérieur », dans sa recherche d'une réponse, ou vers l' « intérieur », dans sa recherche d'une interprétation, est maintenant libérée de toute projection, et conservée. En d'autres termes, l'attention n'est plus dirigée vers l'aspect objectif mais va reposer dans le multidimensionnel organique. Cela se manifeste par une orientation soudaine, un déplacement de l'axe de notre existence, la fin de, lu recherche de réponses en dehors de la question même. Permettre au « je ne sais pas » d'être pleinement exploré amène celui qui cherche dans un domaine nouveau. C'est une nouvelle façon de vivre. Un état d'expansion à tous les niveaux, une ouverture à l'inconnu et donc à la toute possibilité.

     Il n'y a rien d'introverti ou de mystique dans le fait de vivre dans l'ouverture, dans la vigilance non-dirigée. Les outils lorsqu'on a besoin d'eux, mais la présence dans laquelle ils vont et viennent demeure. La disparition du centre de référence ne signifie plus inconscience, vide, mort. Il y a le continuum de la conscience, la vie, où tous les phénomènes apparaissent et disparaissent. Là seulement, il existe une sécurité et un accomplissement absolus. A partir de ce moment les résidus de formulation, de subjectivité deviennent plus économiques, alimentés par rien d'autre que la question même, jusqu'à ce que les résidus de la Question vivante soient dissous dans la Réponse vivante.

     Qui suis-je? la quête sacrée, p. 11-14.

Indications de lecture:

cf. la leçon Sur l'auto-investigation, voir les extraits de Jean Klein tirés du livre.

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