"...Même le scanner IRM le plus moderne et précis ne nous montre que les bases physiques d’une activité visuelle ou de concentration, et ne saurait fournir l'explication de ce qui produit dans notre esprit. En outre, cette technique ne nous apprend rien sur le contenu de nos pensées ou sensations. Il est donc inquiétant qu'elle ait incité certains scientifiques à établir un lien causal entre ertaincs fonctions cérébrales et des processus mentaux spécifiques.
    Le neuroscientifique et anthropologue danois Andreas Roepstorff a 'ailleurs exprimé cette inquiétude lors d'une interview récente. Le jourrnaliste qui l’interrogeait précisa que « Roepstorff avait un message très ennuyeux pour ses pairs » :
« En dépit de tous les scanners cérébraux, une connaissance complète et objective de la nature du mental humain est impossible. »
      Roepstorff décrit alors ce qu'il a vécu en tant que volontaire pour une expérience où les sujets étaient placés dans un scanner IRM, et chatouillés sur la plante des pieds. Certaines fois ils ne ressentaient que les chatouilles, d’autres fois ils voyaient en même temps l’image de ces chatouilles dans un miroir. Il s'agissait de chercher à identifier des différenccs dans la manière dont le cerveau traite les informations. Mais Roepstorff en voulait au chef expérimentateur qui, sans raison apparente, -l'avait laissé très longtemps dans la machine. Il décida de lui jouer un tour. Quand il était chatouillé, il pensait à un match de foot, mais quand il voyait aussi l'image, il se rappelait l’enterrement de son chat.
   Puisque je pensais à des choses différentes, dit-il. le scanner aurait dû. théoriquement, montrer de l’activité dans différentes parties du cerveau. »
    Dans la mesure où les pensées de Roepstorff sortaient complètement cadre de l'expérience, le chef expérimentateur aurait dû ne rien comprendre aux résultats obtenus. Or il ne remarqua rien de particulier. Les images du scanner de Roepstorff n'étaient pas différentes de celles autres sujets.
    Puisque j'avais décidé de ne pas faire ce qu'on m'avait demandé, mon état de conscience était, par définition, différent de celui d'un sujet qui obéissait aux instructions... Mais le chef expérimentateur n’avait aucun moyen d’interpréter objectivement cette différence puisque je me comportais apparemment comme un sujet obéissant. En supposant que les mesures aient été assez précises et que mon scanner lui ait semblé inhabituel, le seul moyen qu'il avait de comprendre la différence était de m'interroger sur ce que j’avais dans la tête. Auquel cas je pouvais soit mentir soit dire la vérité soit encore, si j'avais oublié à quoi je pensais pendant le scanner, ne pas pouvoir répondre... Les pensées sont subjectives. On peut souvent déduire les pensées de quelqu’un de son comportement... Mais seul le sujet lui-même a un accès direct à sa pensée. Cette contradiction entre point de vue à la première personne (subjectif) et point de vue à la troisième personne (objectif) met le scientifique devant des problèmes méthodologiques apparemment insurmontables. Comment le neuroscientiiique peut-il acquérir une connaissance objective de la conscience quand l'accès direct au cerveau, l’introspection, est purement subjectif ? La conscience est fondamentalement invérifiable et échappe donc aux critères de la science... Cela réduit en fumée tout espoir d’une connaissance totalement objective de la conscience. Tôt ou tard, vous serez obligé de parler à vos sujets, si bien qu’il y aura toujours un lien subjectif. »