Textes philosophiquesThomas Malthus l'apologue du banquet : pas de couvert pour les pauvres"Celui qui naît dans un monde déjà occupé, s’il ne peut obtenir de quoi subsister de ses parents à qui il est en droit d’en demander, et si la société n’a pas besoin de son travail, n’a pas le moindre droit de prétendre à la plus petite portion de nourriture; et dans le fait il est de trop dans ce monde. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert pour lui. La nature lui signifie de s’en aller, et elle ne tardera pas à exécuter son propre commandement, s’il ne parvient pas à intéresser en sa faveur la pitié des convives. S’ils se lèvent et lui font place, bientôt d’autres intrus se présenteront pour demander la même faveur. Dès que la nouvelle se répandra qu’on accorde des secours à tout venant, la salle sera bientôt remplie d’une multitude qui en sollicitera. L’ordre et l’harmonie de la fête seront troublés; l’abondance qui régnait auparavant se changera en disette; et le bonheur des convives sera détruit par le spectacle de la misère et de l’humiliation qui s’offre de toutes parts dans la salle et par les clameurs importunes de ceux qui enragent avec raison de ne point trouver les secours qu’on leur avait fait espérer. Les convives reconnaissent trop tard leur erreur de s’être opposés à l’exécution des ordres stricts que la grande maîtresse de la fête avait donnés contre l’admission de tout intrus; car, voulant que l’abondance régnât parmi tous ses convives, et connaissant l’impossibilité de traiter un nombre illimité d’individus, elle avait, par humanité, refusé d’admettre de nouveaux venus à sa table déjà pleine.” Essai sur le Principe de Population, édition de Pierre Theil, Paris, Éditions Seghers, 1963. Indications de lecture:Le texte de l’Apologue du Banquet” se trouve uniquement dans la premère édition. Supprimé dans les éditions suivantes. Voir la leçon : La faim dans le monde. Voir aussi la suite, la leçon Eugémisme et dépopulation.
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