Textes philosophiques

Pierre Thuillier    Newton, le dernier des alchimistes


    "En 1931, lors d une vente aux enchères, 1 économiste John Maynard Keynes acheta un lot de manuscrits alchimiques dont l’auteur n’était autre que l’illustre Isaac Newton. Compte tenu de l’image «rationaliste» qui était couramment donnée du grand physicien, l’apparition de ces textes au grand jour était surprenante et même «scandaleuse». Fallait-il donc procéder à une complète réévaluation de la pensée newtonienne? Ford Keynes n’hésita pas à présenter Newton comme « le dernier des magiciens, le dernier des Babyloniens et des Sumériens, le dernier grand esprit à avoir regardé le monde visible et intellectuel avec les mêmes yeux que ceux qui avaient commencé, il y a un peu moins de 10000 ans, à constituer notre patrimoine intellectuel»... Il ne s’agissait pas d’une boutade. Selon Keynes, Newton considérait la nature comme une énigme dont l'homme devait trouver la solution en utilisant les «clés mystiques» généreusement fournies par Dieu à certains philosophes ésotériques. Bien sûr, ajoutait Keynes, Newton voulait également trouver confirmation de ses théories dans l’observation des cieux"...

     Il convenait donc de procéder à une nouvelle lecture de la grande œuvre où était exposée la théorie de la gravitation, les Principia mathematica philosophiae naturalis (1687). A cause de la présentation géométrique des énoncés, on pouvait penser que Newton avait •ait une œuvre froide, objective et purement rationnelle. Mais, tou - ?urs d’après Keynes, sa stratégie effective avait été beaucoup plus étrange: « Ses expérimentations, selon moi, ne lui ont jamais servi à -dire des découvertes, mais toujours à vérifier ce qu'il savait déjà. » La question était donc posée: est-il exact que Newton ait utilisé certaines traditions « hermétiques » pour élaborer scs propres théories ? ? en que l’Américain Lynn Thorndike, auteur d’une énorme histoire de la magie et de la science expérimentale, ait présenté dès 1958 la loi universelle de la gravitation comme une «formule magique», il fallut du temps pour que les manuscrits alchimiques de Newton soient étudiés de façon approfondie.2 Après quelques enquêtes limitées menées vers la fin des années cinquante, on vit apararaitre des travaux qui, sur des bases solides, « reconstruisaient » autre Newton. Un Newton qui ne se réduisait pas à un pur magicien » ; mais qui avait longuement fréquenté les alchimistes et dont les spéculations, selon les normes du XXe siècle, frôlaient dan- gereusement la « mystique » et l’« irrationnel ».

La revanche des sorcières, L'irrationnel et la pensée scientifique, Belin, p. 56.

Indications de lecture:

Cf. Ce que Raison veut dire.

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.


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