|
Texte philosophique :Pierre Clastres si jamais le chef veut "faire le chef"
" Le chef assez fou pour songer, non point tant à l’abus
d’un pouvoir qu’il ne possède pas, qu’à l’us même du pouvoir, le chef
qui veut faire le chef, on l’abandonne : la société primitive est le
lieu du refus d’un pouvoir séparé, parce qu’elle-même, et non le chef,
est le lieu réel du pouvoir. La société primitive sait, par nature, que
la violence est l’essence du pouvoir. En ce savoir s’enracine le souci
de maintenir constamment à l’écart l’un de l’autre le pouvoir et
l’institution, le commandement et le chef. Et c’est le champ même de la
parole qui assure la démarcation et trace la ligne de partage. En
contraignant le chef à se mouvoir seulement dans l’élément de la
parole, c’est-à-dire dans l’extrême opposé de la violence, la tribu
s’assure que toutes choses restent à leur place, que l’axe du pouvoir
se rabat sur le corps exclusif de la société et que nul déplacement des
forces ne viendra bouleverser l’ordre social. Le devoir de parole du
chef, ce flux constant de parole vide qu’il doit à la tribu, c’est sa
dette infinie, la garantie qui interdit à l’homme de parole de devenir
homme de pouvoir". La société contre l'Etat, Editions de Minuit, p.81 . Indications de lecture:Cf. la leçon La société face à l'Etat.
|