Textes philosophiques

Christopher Lasch         le règne des thérapeutes dans la postmodernité


   " Assailli par l’anxiété, la dépression, un mécontentement vague et un sentiment de vide intérieur, “l’homme psychologique” du XXe siècle ne cherche vraiment ni son propre développement ni une transcendance spirituelle, mais la paix de l’esprit, dans des conditions de plus en plus défavorables. Ses principaux alliés, dans la lutte pour atteindre un équilibre personnel, ne sont ni les prêtres, ni les apôtres de l’autonomie, ni des modèles de réussites du type capitaines d’industrie ; ce sont les thérapeutes. Il se tourne vers ces derniers dans l’espoir de parvenir à cet équivalent moderne du salut : la “santé mentale”...

    L’atmosphère actuelle n’est pas religieuse mais thérapeutique. Ce que les gens cherchent avec ardeur aujourd’hui, ce n’est pas le salut personnel, encore moins le retour d’un âge d’or antérieur, mais la santé, la sécurité psychique, l’impression, l’illusion momentanée d’un bien-être personnel. Même le radicalisme des années 1960 a été utilisé, non comme une religion de remplacement mais comme une forme de thérapie par un grand nombre de ceux qui l’ont embrassé, pour des raisons plutôt personnelles que politiques. Une politique « radicale » donnait but et signification à des existences vides".

    La thérapie s’est établie comme le successeur de l’individualisme farouche et de la religion ; ce qui ne signifie pas que le “triomphe de la thérapeutique” soit devenu une nouvelle religion en soi. De fait, la thérapie constitue une antireligion, non pas parce qu’elle s’attache aux explications rationnelles ou aux méthodes scientifiques de guérison, mais bien parce que la société moderne “n’a pas d’avenir”, et ne prête donc aucune attention à ce qui ne relève pas de ses besoins immédiats. Même lorsque les thérapeutes parlent de la nécessité de “l’amour” et de la “signification” ou du “sens”, ils ne définissent ces notions qu’en termes de satisfaction des besoins affectifs du malade […] Libérer l’humanité de notions aussi attardées que l’amour et le devoir, telle est la mission des thérapies postfreudiennes, et particulièrement de leurs disciples et vulgarisateurs, pour qui santé mentale signifie suppression des inhibitions et gratification immédiate des pulsions".

La culture du Narcissisme. Champ Flammarion,  p. 34-41.

Indications de lecture:

Publié en 1979. Sur la postmodernité, voir les leçons sur la société. La critique porte à plein contre la psychanalyse. Dans les leçons, voir Tours et détours sur l'inconscient, et Introduction aux Sciences humaines. Néanmoins Lasch ne voit pas la gravité des dysfonctionnements du mental qui appellent nécessairement le thérapeute. Il semble ne pas connaître le travail de C. Rogers. La psychologie qu'il utilise c'est Freud, mais cela fait longtemps que Freud est battu en brèche.

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