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Textes philosophiquesSerge Carfantan l'argument d'autorité comme critère de vérité ...
Le second critère fréquemment employé dans l’opinion est l’argument
d’autorité. Il consiste à admettre qu’une idée est vraie, parce qu’elle
a été soutenue par une sommité très respectable, parmi les spécialistes
dans un domaine donné, ou par rapport à la tradition ou les textes
sacrés. On s’incline devant « ceux qui savent » avec une révérence
presque superstitieuse, celle de l’ignorant devant le savant. On
s’incline devant la tradition qu’il ne faut surtout pas remettre en
cause. L’argument d’autorité est d’un usage fréquent dans les médias,
c’est aussi lui que l’on retrouve chez l’élève, et l’étudiant, qui
prennent l’habitude de bourrer leur copie de citations d'autorités.
C’est l’appui du conférencier pour renforcer ce qu’il a à dire devant
du beau monde. Et puis, de manière plus triviale, « on l’a dit à la
télé », c’est massif, direct, cela ne se
discute
pas ! (la télé devient une autorité!)
Nous devons toutefois être très méfiants. Très critique dans l'usage de
l'argument d'autorité. Que serions-nous sans les autorités sur
lesquelles nous appuyer ? Il est commode de se retrancher derrière la
pensée d’une autre pour éviter d’avoir à penser par soi-même. Ce qui
fait poids sur la balance du jugement, c’est la révérence aux
"experts", aux spécialistes, ou à la révélation. Nous préférons dès
lors tenir des propos obscurs, mais émanant d’une autorité
incontestable, que d’avoir une pensée claire, mais qui n’a pas d’autre
appui que sa propre autorité en tant que vérité perçue et vécue. Nous
avons si peu confiance en nous-mêmes, que nous ne prêtons pas
d’attention à l’évidence, nous préférons le poids de l’autorité. Et
c‘est ainsi que perdurent des préjugés et que l’esprit se maintient
dans la paresse. Ayons le courage de penser par nous-mêmes et
restons très circonspect vis-à-vis de l’argument d’autorité. On peut
trouver dans l’histoire et dans la littérature des autorités pour
justifier n’importe quel propos délirant. Il y a dans l’histoire et la
littérature tout ce que l’on veut y
trouver : donc des cautions d’autorité. Il ne suffit pas que les
célébrités A ou B aient dit quelque chose pour qu'automatiquement ce
soit vrai. La Question de la Vérité ch. VII, p. 176. Indications de lecture:Cf. le texte précédent sur le consensus d'opinion. Le chapitre s'intitule le critère de la vérité. Voir aussi le texte suivant. A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.
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