Kevin Petit
A propos du sens symbolique de la bible, je vous invite à lire, si vous ne
connaissez pas, Annick de Souzenelle.
Cette auteure, à travers de nombreuses publications, tente de mettre en
avant le sens originel de la Bible en se débarrassant des mauvaises
traductions et interprétations.
Pour exemple, elle a publié en l'an 2000 "le féminin de l'être" dans lequel
il est expliqué que le
féminin n'est pas issue de la côte d'Adam mais est un
côté d'Adam.
Jean Pierre Castel
Camille Tarot montre dans Symbolique et Sacré combien il est difficile de
définir la religion sans tomber dans un biais chrétien du style "un culte à
des divinités". Maurice Sachot rappelle dans Quand le christianisme a changé
le monde que les premier à avoir dégagé le concept de religion ont été les
Romains, puis que le concept romain de religio a été transformé, subverti
par les chrétiens, qui, avec Tertullien et Lactance, ont fait basculer son
étymologie de religere –observer avec scrupule- à religare –relier. Pour
René Girard, la religion est d'abord une affaire de rituels, le premier
d'entre eux étant le sacrifice, dont la fonction est de tenir à distance la
violence (cf. la théorie du bouc émissaire dans La violence et le sacré, de
René Girard). Dans la suite de René Girard, Jean-Pierre Dupuy a pu dire
(dans La marque du sacré) que la religion "contient" la violence, au double
sens du mot contenir : le sacrifice, acte violent, est contenu dans la
religion dont il est même l'élément fondateur, mais son but est de prévenir,
de contenir au deuxième sens de ce mot, d'autres formes de violence. Le
monothéisme, en inventant une nouvelle catégorie de vérité, la vérité
révélée, unique, universelle, irréfutable, a introduit une nouvelle forme de
violence, la violence dite couramment religieuse, en fait une violence
spécifiquement monothéiste. Les civilisations non-monothéistes ne
connaissaient en effet pas ce type de violence : ils ne détruisaient pas les
dieux de leurs ennemis (ils préféraient également faire de leurs prisonniers
des esclaves plutôt que de les passer par l'anathème - l'anathème était
l'extermination, prescrite par l'Ancien Testament, de toute forme de vie
attachée aux personnes considérées comme "idolâtres": hommes, femmes,
enfants, et même bétail). Mais les trois religions monothéistes se refusent
à reconnaître la violence spécifique dont elles sont porteuses, de peur de
remettre en cause leur dogme fondateur, la vérité révélée. Je développe dans
mon livre Le déni de la violence monothéiste (L'Harmattan) l'idée que
cette reconnaissance, la levée de ce déni, constitue pourtant un préalable,
une première étape sur le chemin de la tolérance.
Livre consultable ici.
Jean Pierre Castel
avez-vous un avis sur la notion de
« nouvelle catégorie de vérité » que représente la vérité révélée
abrahamique, sur laquelle seraient basées les « religions secondaires » ?
Jan Assmann propose dans « Le prix du monothéisme » une discontinuité, qu'il
intitule la distinction mosaïque , ou encore distinction entre des religions
"primaires" et des religions "secondaires". La distinction aurait été
proposée par Theo Sundermeier dans son article Religion, Religionen paru en
1987. Les religions « primaires » se développent dans le cadre d’une culture
donnée à laquelle elles sont intrinsèquement liées. Elles reposent sur
l’immanence du divin dans le monde, sur des vérités d'expérience,
historiques, logiques. Les religions « secondaires » apparaissent suite à un
acte de révélation ou de fondation qui les distingue des religions
primaires, qu’elles considèrent comme fausses, et elles sont universelles.
Elles font appel à un nouvelle "catégorie de vérité", la vérité révélée,
distincte des catégories de vérité antérieures. Les religions secondaires
n’incluent pas seulement les monothéismes mais aussi le bouddhisme.
R. Cela me semble assez
correct, bien que l'usage des termes "primaire" et "secondaire" me semble
inutile, je parlerais plutôt d'un terreau animiste commun à toutes les
anciennes traditions et dans un second temps d'apparition de religions
fondées sur une révélation. Le cas du bouddhisme est tout de même assez
spécial, car Shakyamuni a pris un soin tout particulier à saper par avance
le dogmatisme en laissant un Silence magistral au sujet de l'Absolu.
Comme dit Eckhart Tolle on ne peut pas argumenter avec la Vacuité, on peut
dire "mon" Dieu (pas le vôtre!), mais "ma" Vacuité, cela ne veut rien dire,
c'est de la sottise!
Jean Pierre Castel
Si je vous ai posé cette question, c’est qu’elle ne me paraît pas
assimilée, en particulier par les historiens. La question connexe est que la
grande originalité du judaïsme est précisément cette notion de vérité
révélée, et non l’éthique, c'est-à-dire le contenu de la Loi, en fait
semblable à celle des autres peuples– autre fait bien peu connu. Son
originalité est que la loi descend de Dieu et n’est pas l’œuvre des hommes.
R. Mais cette idée d'une
vérité ou d'une loi qui vient de Dieu et non des hommes n'est pas du tout
spécifique au judaïsme. Par exemple, dans la Bhagavad Gita Krishna
dit très explicitement que c'est lui qui a posé les Lois de Manu (un
des premiers code de loi de l'humanité). Texte qui a étonné Nietzsche
d'ailleurs. Pour un pandit traditionnel, les Vedas ne sont pas du tout des
textes "humains", mais le langage primordial de la Nature qui a été
entendu par les voyants védiques, les rishis. On dit la Sruti (ce qui a
été entendu). Plusieurs rishis pouvaient avoir la cognition d'un
même hymne. Dans la tradition indienne on cite des saints et des yogis qui
ont eux aussi entendu le Veda dans leur conscience. Le Veda est dit incréé, il est l'explicitation du son primordial
OM qui soutient toute la création. Ce qui est "humain", c'est le
commentaire des Vedas qui est venu après. Smirti et Puranas.
Jean Pierre Castel
Pouvez-vous démolir, ou au
contraire m’aider à développer, l’idée suivante : Pour Pascal, c'est "par
les voies enseignées par les Évangiles" qu'on peut accéder au fondement
ultime de la certitude. On peut au contraire estimer que la notion même de
vérité révélée inscrite dans un texte sacré induit fatalement une confusion
entre « certitude du cœur » – expression pourtant chère à Pascal - , à
laquelle tend toute foi, et « liberté de l'esprit », qu'un texte met
d’autant plus sous contrainte qu’il se prétend la vérité unique.
R. L'ambiguïté est déjà
présente dans l'usage que l'on fait du mot foi. Si on entend par là, comme
en Inde shrada, la confiance en Dieu, ou bien l'adhésion à la
Doctrine, comme dans le christianisme médiéval qui nous a expédié
l'inquisition. Le jansénisme de Pascal est intransigeant sur la Doctrine
dont il vante la supériorité sur toutes les autres en disant qu'elle est la
seule qui ait eu le mérite (??) d'enseigner la haine de soi. Quand Pascal
évoque l'esprit de finesse et la liberté de l'esprit, il ne le fait que sur
un plan philosophique ou dans la critique morale. Nietzsche a dit de Pascal
qu'il était un génie qui avait été brisé par la religion. C'est assez juste.
C'est un esprit brillant, mais qui est toute de même assez intégriste! Autre
point essentiel: le chrétien qui a la foi n'a pas pour autant de
"certitudes" au sens intellectuel, la foi ne sauve pas l'homme de
l'incertitude en ce monde, mais elle est "Dieu sensible au coeur" dans sa
présence. C'est tout. Je ne vois pas comment on pourrait déplacer la
certitude depuis l'intériorité de la présence de Dieu en soi vers des
textes... quels qu'ils soient!
Thierry Avalle
Je me permets de vous conseiller le dernier livre de Benoît XVI Jésus de
Nazareth : de l'entrée à Jérusalem à la Résurrection, particulièrement
le chapitre 2, « le discours eschatologique de Jésus » pour vous permettre
d'affiner votre propos sur le sujet dans votre exposé sur le pouvoir
politique et le pouvoir religieux qui ne correspond en rien à
l'interprétation par l'Église des paroles du Christ. Ceci n'est qu'un
avis... pour perfectionner votre site qui est plein de richesse et très
pédagogique.
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Avec la participation de Kevin Petit,
Jean Pierre Castel, Thierry Avalle.
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