Textes philosophiquesHans Jonas l'impératif écologique" Un impératif adapté au nouveau type de l'agir humain et qui s'adresse au nouveau type de sujets de l'agir s'énoncerait à peu près ainsi : "Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la Permanence d'une vie authentiquement humaine sur terre"; ou pour l'exprimer négativement : "Agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d'une telle vie"; ou simplement : "Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l'humanité sur terre"; ou encore, formulé de nouveau positivement : "inclus dans ton choix actuel l'intégrité future de l'homme comme objet secondaire de ton vouloir"... Le nouvel impératif affirme précisément que nous avons bien le droit de risquer notre propre vie, mais non celle de 'humanité; et qu'Achille avait certes le droit de choisir pour lui-même une vie brève, faite d'exploits glorieux, plutôt qu'une longue vie de sécurité sans gloire (sous la présupposition tacite qu'il y aurait une postérité qui saura raconter ses exploits), mais nous n'avons pas le droit de choisir le non-être des générations futures à cause de l'être de la génération actuelle et que nous n'avons même pas le droit de le risquer... Il est manifeste que le nouvel impératif s'adresse beaucoup plus à la politique publique qu'à la conduite privée, cette dernière n'étant pas la dimension causale laquelle il peut s'appliquer. L'impératif catégorique de Kant s'adressait à l'individu et son critère était instantané. Il exhortait chacun d'entre nous à considérer ce qu se passerait si la maxime de son acte présent devenait le principe d'une législation universelle ou s'il l'était déjà à l'instant même: la cohérence ou l'incohérence d'une telle universalisation hypothétique devient la pierre de touche de mon choix privé. Mais qu'il pusse y avoir une quelconque vraisemblance que mon choix privé devienne une loi générale ou qu'il puisse seulement contribuer à une telle généralisation, n'était pas une partie intégrante du raisonnement. En effet, les conséquences réelles ne sont nullement envisagées et le principe n'est pas celui e la responsabilité objective mais celui de la constitution subjective de mon autodétermination. Le nouvel impératif invoque une autre cohérence: non celle de l'acte en accord avec lui-même, mais celle de ses effets ultimes en accord avec la survie de l'activité humaine dans l'avenir. Et "l'universalisation" qu'il envisage n'est nullement hypothétique - ce n'est pas un simple transfert du moi individuel ) un tous imaginaire, sans connexion causale avec lui ("si tout le monde en faisait autant") ". Le Principe Responsabilité, Champ Flammarion, 1990, p. 40-41. Indications de lecture:Voir les textes de Kant sur l'impératif catégorique. Cf. leçons sur Les fondements du devoir, Existence et responsabilité.
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