Devant les difficultés à trouver un critère sûr du bien et du mal, notre tentation la plus commune, est de nous replier sur notre sentiment intérieur du bien ou du mal. Ce qui revient à dire : "je fais ce que je sens être un bien », « je ne fais pas ce que je sens être un mal ». Ce sentiment du bien et du mal doit me rendre indépendant et m’émanciper à l’égard de toute autorité extérieure.
Seulement, comment savoir si ma conscience est suffisamment pure ? Ne se ment on pas à soi-même bien souvent ? Ne fait-on pas tout pour se tromper soi-même, quand cela peut nous faire plaisir ? Le mental est habile, s’il y trouve un intérêt, il peut faire passer un mal pour un bien . Ce qui veut dire qu'il y a pour l'ego un intérêt à rester dans l’illusion.
Mais mettre en cause le sentiment intérieur, c’est porter une accusation grave qui porte atteinte à notre autonomie en matière de conscience morale. Si cette accusation est fondée, que nous reste-t-il pour juger du bien et du mal ? Rien d’autre que la capacité de jugement de notre propre raison. Devant notre propre raison, nous pouvons poser les problèmes moraux en terme de devoir. Mais p
eut-on fonder rationnellement l’exigence morale du devoir ? La raison peut-elle fonder une exigence morale ?* *
*
C’est tout le mérite de Kant d’avoir voulu le montrer. Que dit en substance la moralité commune ? Que la morale correspond à un ensemble de devoirs auxquels nous sommes tenus de répondre, car ils s'imposent à nous comme des obligations. Nous devons exercer notre raison pratique pour décider en fonction de principes clairs ce que nous devons faire. La raison peut incliner la volonté à se porter vers tel ou tel objet qui soit ... (texte)
La question est donc : qu’est-ce que la bonne volonté ? Qu’est-ce qu’une volonté morale ? La réponse de Kant est très simple : une volonté qui se détermine par devoir et non pas par intérêt. Dès l’instant où nos motivations sont intéressées, elles sont aussi égoïstes. Elles visent le plaisir, ou elles nous portent à fuir la peine qui résulterait de l’action. Kant appelle mobiles sensibles les motivations intéressées. Les mobiles sensibles sont variables d’un individu à l’autre. Ils forment cependant pour chacun un ensemble de principes pratiques qui orientent l’action. Nos principes pratiques se rangent sous une seule espèce, la recherche d’une satisfaction du désir, recherche qui nourrit les penchants de la sensibilité, recherche qui nous ramène vers nos besoins. Or, comme les
besoins et les désirs sont subjectifs, ils s’ensuit qu’ils ne peuvent conduire à des principes objectifs, valides universellement (R).Nous voyons par là toute l’opposition entre la détermination du devoir que suit la bonne volonté et la détermination par l’intérêt. La bonne volonté doit se déterminer sans recourir à des motivations de la recherche du plaisir. Elle ne doit pas se déterminer par le plaisir ou la peine liée à l’action. L’acte moral doit se situer sur le plan de la recherche d’un bien universel et non d’une satisfaction personnelle. Agir par devoir, c’est agir non pas en prenant en compte ses propres intérêts, mais en voyant à chaque fois ses actes sur un plan universel. Si donc nous nous suivons communément des principes dans l’action, si notre action suit ce que Kant appelle des maximes déterminant la volonté, ...
« Agis de telle sorte que la maxime de ta volonté puisse toujours valoir en même temps comme principe d’une législation universelle ».
Quand je m'interroge pour savoir si je dois oui ou non faire tel choix A, ou B, je dois me demander si les principes que je suivrais alors ont une portée au-delà de ma seule personne, sur un plan universel. Ramené à une formulation très simple, cela veut dire : « et si tout le monde ne faisait autant ?». Supposons que je m’autorise pour telle ou telle raison de voler dans un supermarché. C’est un principe pratique qui me détermine et me justifie devant ma propre raison. Si j’examine ce principe, en le portant sur un plan universel, que va-t-il m’apparaître ? Je ne peux pas considérer qu’un principe de ce genre puisse être une loi universelle. Cela détruirait l'échange et a confiance entre les hommes. On ne peut pas baser notre conduire sur une principe de ce type, car il est en contradiction avec la vie sociale. Parce que ce principe d’action ne peut pas être considéré comme une règle valide pour tous les hommes, comme une règle universelle, il n’est pas de la forme d’un devoir. Inversement, je vois bien qu’être honnête, dire la vérité, tenir ses engagements sont des principes qui ont une portée universelle. C’est à partir de ce genre de règle qu’une vie sociale est concevable. Ils ont la forme de maximes qui peuvent valoir comme principe d’une législation universelle (R).
Kant pose que par définition, le devoir est le respect pur et simple de la loi morale. Il ne s’agit pas de se demander où est le bien et où est le mal, il s’agit de faire ce que notre devoir exige. Ce qui est nettement plus facile à comprendre. Immédiatement. Le devoir s’impose sans autre justification que lui-même. Il s’agit d’obéir à son injonction et non de vouloir comprendre ou tenter de calculer. Il s’impose comme un impératif catégorique, (texte) forme qui se traduit par le « tu dois ! » Dès que je commence à discuter, si par exemple je demande « pourquoi faut-il être honnête ? », je suis déjà du côté de la recherche de l’intérêt. Implicitement cela veut dire « je veux bien être honnête... à condition que cela rapporte.. » En réalité je suis déjà malhonnête et puisque suivre mon devoir, c’est être dans l’ordre moral, je suis déjà immoral. Je refuse déjà mon devoir et j’entame les calculs de boutiquier pour chercher mon intérêt. La morale n’a pas à être subordonnée à une quelconque utilité. Une obligation morale se justifie par elle-même et c’est tout. La droiture ...
Le devoir suppose la bonne volonté et la bonne volonté repose sur la pureté des intentions de l’homme. Comme la pureté des intentions est la conscience morale elle-même, elle doit être dégagée de tout facteur extérieur. (texte) Les qualités telle que le courage, l’intelligence, la perspicacité etc. ne valent que par l’usage que l’on en fait. (texte) Le courage, investi par une volonté mauvaise, devient la témérité du truand qui n’a pas froid aux yeux. L’intellectualité, l’habileté peuvent servir à magouiller dans les affaires, donc servir le mal. Ce qui compte, ce ne sont pas les qualités, c’est ce qui est à la racine de l’action, la bonne volonté de l’acteur et la pureté de ses intentions. Ce n’est pas non plus le succès dans l’action qui importe. Nous pouvons avoir la meilleure volonté du monde et échouer. Nous pouvons avoir les meilleures intentions et être mal compris. Nous pouvons échouer, tout en essayant de faire le bien, comme être en proie à des calomnies qui n’ont aucun rapport avec nos intentions. La réputation d'un homme n'est pas un indice sûr de sa valeur morale, car elle peut très bien avoir été manipulée pour lui nuire, en dégradant son image. (texte)
Le seul élément qui soit absolu, c’est donc la bonne volonté et c’est tout. Dès que l’on retire la pureté des intentions, il n’est jamais sûr que nous ayons vraiment affaire à une volonté morale. Supposons un commerçant qui rend la monnaie correctement, qui sert honnêtement. De l’extérieur, sa conduite semble morale. Mais s’il le fait par calcul, parce que cela vaut mieux pour les affaires et la réputation, il serait prêt, si l’occasion lui était donnée, à voler impunément. Il agit donc conformément au devoir, et il n’agit pas par devoir. Il a encore en vue son intérêt bien compris. Qu’il y ait une légalité extérieure de l’action ne signifie par forcément qu’il y ait moralité. De même, celui qui fait le bien par plaisir, pour qui le plaisir éprouvé à faire le bien est une motivation, agit certes conformément au devoir, mais n’agit pas pour autant par devoir. Agir par devoir ce serait ne tenir compte que de l’obéissance à la loi formelle du devoir : « tu dois », sous la forme concrète : « c’est ton devoir de servir honnêtement, d’aider, de dire la vérité etc. » Agir par devoir, c’est agir sans faire entrer en compte l’influence de la sensibilité. « Le devoir est la nécessité d’accomplir une action par respect pour la loi ». L’homme possède en lui la capacité de dépasser l’égoïsme de l’intérêt qui
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Questions
1. Le devoir peut-il avoir un sens en dehors du respect d’une discipline ?
2. Le devoir ne traduit-il que l’obéissance à un ordre préétabli?
3. La rectitude morale repose-t-elle nécessairement sur le sens du devoir ?
4. Ne peut-il pas avoir droiture de la conduite dans la seule lucidité en acte ?
5. Qui de l’amour ou de l’attachement est le plus à même d’inspirer des actes moraux ?
6.. Dire qu’à sa racine la morale suppose la compassion, est-ce pour autant prendre parti pour telle ou telle règle morale?
7. A quoi peut-on reconnaître une intention mauvaise?
© Philosophie et spiritualité, 2002, Serge Carfantan.
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