Textes philosophiquesShri Aurobindo le mental demeure dans le domaine de la représentation« Le Mental est, en son essence, une conscience qui mesure, limite, découpe des formes de choses dans le tout indivisible et les contient comme si chacune était une entité séparée. Même avec ce qui n’existe évidemment que comme partie et fraction, le Mental, à sa manière ordinaire, établit cette Fiction que ce sont des choses qu’il peut considérer séparément et non pas seulement comme des aspects d’un tout. Car, même quand il sait que ce ne sont pas des choses en soi, il est obligé de les traiter comme si elles étaient des choses en soi ; sinon il ne pourrait les soumettre à sa propre activité caractéristique. C’est ce caractère essentiel du Mental qui conditionne le jeu de toutes ses puissances executives, conception, perception, sensation, activités de la pensée créatrice. Il conçoit, perçoit, sent les choses comme si elles étaient découpées rigidement d'un arrière-plan ou d'une masse, et il les emploie comme des unités établies d'un matériel à lui donné pour sa création ou sa possession. Toute son action et sa jouissance s’appliquent ainsi à des touts qui font partie d’un tout plus vaste, et ces touts secondaires, à leur tour eux aussi, sont fragmentés en parties qui sont également traitées comme des touts en vue de leur dessein particulier. Le Mental a beau diviser, multiplier, additionner, soustraire, il ne peut dépasser les limites de cette mathématique. S’il passe au-delà et essaie de concevoir un tout réel, il se perd dans un élément étranger ; de son propre terrain solide, il tombe dans l’océan de l’intangible, dans les abîmes de l’infini où il ne peut ni percevoir, ni concevoir, ni sentir son sujet, ni l’employer pour créer et jouir. Car si le Mental semble parfois concevoir, percevoir, sentir ou goûter avec possession l’infini, c’est seulement en apparence et c’est toujours une représentation de l’infini. Ce qu’il possède ainsi vaguement n’est qu’un vaste sans-forme et non point le réel infini non- spatial. Dès qu'il essaie de saisir celui-ci, de le posséder, aussitôt intervient son inaliénable tendance à la délimitation, et le Mental se retrouve maniant des images, des formes et des mots. Le Mental ne peut posséder l’infini, il ne peut que le subir ou être possédé par lui ; il ne peut que rester, bienheurcusement impuissant, sous l’ombre lumineuse du Réel projetée sur lui de plans d’existence qui sont hors de sa portée. La possession de l’Infini ne peut venir que d’une ascension vers ces plans supramentaux ; la connaissance de l’Infini, par une soumission passive du Mental aux messages qui descendent de la Réalité de la Vérité-Consciente". La Vie divine, I, Albin-Michel, p. 217-218. Indications de lecture:cf. Ce que Raison veut dire, ch. IX et X.
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