Textes philosophiques

Platon   l'homme qui commet l'injustice


SOCRATE : Celui qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous.

POLOS : Cela semble certain.

SOCRATE : N’est-ce pas précisément le cas de l’homme qui, tout en commettant les crimes les plus abominables, et en vivant dans la plus parfaite injustice, réussit à éviter les avertissements, les châtiments, le paiement de sa peine, comme tu dis qu’y est parvenu cet Archélaos*, ainsi que tous les tyrans, les orateurs et les hommes d’État les plus puissants ?

POLOS : C’est vraisemblable

SOCRATE : Quand je considère le résultat auquel aboutissent les gens de cette sorte, je les comparerais volontiers à un malade qui, souffrant de mille maux très graves, parviendrait à ne point rendre de comptes aux médecins sur ses maladies et à éviter tout traitement, craignant comme un enfant l’application du fer et du feu** parce que cela fait mal. N’est-ce point ton avis ?

POLOS : Tout à fait.

SOCRATE : C’est sans doute qu’il ne saurait pas le prix de la santé et d’une bonne constitution. À en juger par les principes que nous avons reconnus vrais, ceux qui cherchent à ne pas rendre de comptes à la justice, Polos, pourraient bien être également des gens qui voient ce qu’elle comporte de douloureux mais qui sont aveugles à ce qu’elle a d’utile, et qui ne savent pas combien il est plus lamentable de vivre avec une âme malsaine, c’est-à-dire corrompue, injuste et impure, qu’avec un corps malsain. De là tous leurs efforts pour échapper à la punition, pour éviter qu’on les débarrasse du plus grand des maux.

Gorgias

* Archélaos : tyran dont Polos a affirmé qu’il est heureux puisque son pouvoir lui permet de faire tout ce qui lui plaît sans avoir de comptes à rendre à personne.
** l’application du fer et du feu : techniques médicales de soin.

Indications de lecture:

Écrit autour de 387 av. J.-C. Voir la leçon le sens de la justice, part A.  Nous avons vu l'histoire de l'anneau de Gygès, le berger qui trouve un anneau d'invisibilité et s'en sert pour le mal, le prototype de l'homme injuste, manquant de droiture.  Gygès pensant ne pas pouvoir être puni par la justice humaine se permet le pire, il tue le roi et prend sa place. Ici Platon envisage les conséquences morales. L'homme injuste déraisonne et Platon y voit une maladie de l'esprit. La justice serait alors nécessaire pour opérer une guérison morale. Il arrive en effet en justice que l'accusé demande de payer sa dette devant la société et surtout qu'on ne prenne pas pour un fou. La réconciliation avec soi et avec le monde pour le criminel passe alors par la sanction. Qui serait comme un purgatif de l'âme.  Il n'est pas de plus grande torture que celle infligée par les remords. L'âme a besoin d'une délivrance. Voir aussi leçon sur la mort, la justice divine et les actes de l'homme.  Voir aussi leçon sur l'égarement dans le mal  selon Socrate.


Sujet du bac 2014 :

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.

1). Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie

2. a) En vous appuyant sur l’exemple d’Archélaos, expliquez pourquoi celui « qui garde son injustice au lieu d’en être délivré est le plus malheureux de tous. »

b) Expliquez en quoi l’homme injuste est semblable à un malade.

3. Celui qui vit dans l'injustice et qui cherche à échapper à la punition est-il le plus malheureux des hommes ?

A, B, C, D, E, F, G, H, I, J, K, L, M, N, O, P, Q, R, S, T, U, V, W, X, Y, Z.


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